Chronique du 26/12/2008
Pour cette dernière émission de l’année, un peu d’optimisme et une part de rêve.
Jusqu’à présent, la culture numérique a été une culure assise, une culture de la chaise et du bureau. Les orientations culturelles sont, on le sait depuis au moins les travaux de Marcel Mauss, intimmement liés aux techniques du corps. Et les techniques du corps informent nos rapports avec la machine et la technologie.
Plusieurs développements récents annoncent une possible évolution et promettent comme un retour des sens. En premier lieu, l’importance croissante du tactile, grâce à l’iPhone et ses nombreux imitateurs. Manipuler une photo avec ses doigts, l’agrandir et la faire tourner, introduit un rapport jusqu’à présent inédit entre l’utilisateur et l’image. Nos désirs de spectateurs, nos impulsions, sont ainsi exprimés par le simple mouvement des doigts. Virtualisation du clavier et transformation de l’interface ne sont que les premiers pas de cette évolution.
Sur le même iPhone, Google a introduit tout récemment la recherche par reconnaissance vocale. Dire au lieu de taper, énoncer au lieu d’écrire, voici encore un second retour de la voix. Plusieurs plateformes permettent déjà aux blogueurs de convertir automatiquement leurs billets en podcast. On peut choisir une voix parmi plusieurs, un homme ou une femme, avec un quelconque accent, et le texte écrit, objet de la lecture silencieuse s’offre à la lecture à haute voix. La voix réclame ainsi sa pleine place au sein de la culture numérique. Il faut attendre encore des progrès dans ce domaine, mais la quête de la maîtrise de la voix numérique est en marche.
Joost (fournuisseur de multimédia) vient d’annoncer la disponibilité de son contenu sur l’iPhone et prochainement sur le Blackberry Storm et Android. YouTube et DailyMotion y sont déjà disponibles. Le contenu multimédia fera pleinement partie des outils dont l’interface sont tactiles, plus proches du corps et moins abstraits, en tout cas en apparence, que l’interface tradiutionnelle.
Dans ce nouveau paradigme, il y a un changement important: de nouvelles métaphores avec lesquelles on habite et investit le monde virtuel, mais aussi un mouvement plus souple, une liberté plus grande.
Au Japon, une littérature exclusivement é crite et lue sur les mobiles est un grand succès. À quand notre poésie et notre littérature véritablement numérique? On est en attente de notre équivalent européen d’une production artistique ancrée dans les nouvelles frontières promises par ce retour des sens. On retrouvera sans doute des éléments de l’ancienne rhétorique: la voix, le ton, le geste, mais dans un contexte tout nouveau.
Après une longue absence, le corps fait irruption dans notre environnement numérique. Flaubert disait qu’on ne peut pas lire et écrire qu’étant assis. Nietzsche lui répondait qu’on ne peut pas écrire et penser qu’en marchant. Il semble que notre monde à venir est plutôt Nietschéen, car il nous annonce une nouvelle époque de promeneurs et de rêveurs numériques, non pas dans la nature, mais dans l’interface du culturel et du virtuel.