Chronique du 20/02/2009
Avec les réseaux sociaux, la traçabilité est le mot du jour: présence, échange, partage et surtout archivage. Mais qui est véritablement le propriétaire de toute cette activité? L’utilisateur ou bien le fournisseur de plateforme? La question est importante car elle risque de décider du futur statut juridique de l’interactivité comme de la sociabilité émergente.
Facebook a essayé de franchir un premier pas décisif en modifiant ses conditions d’utilisation, et en s’arrogeant le droit perpétuel d’archiver et de ré-utiliser les données et l’historique de ses membres. Bien que cette modification ait été retirée après un début de révolte de la part des utilisateurs, les soucis qu’elle suscite restent. Comment penser les rapports entre communiquer, partager et la propriété et la responsabilité? Peut-on et doit-on avoir le droit de vraiment effacer les traces de notre présence sur un réseau social? Comment protéger les individus contre la surveillance, contre l’exploitation de leurs données publiques et privées? Et comment préserver aussi la cohérence de ce riche dialogue interactif? Il nous faut une réflexion sur la gestion des nouvelles formes d’information produites par le succès du social dans cette nouvelle sphère publique.
La poste livre le courrier: elle n’en est point la propriétaire. Nos conversations téléphoniques peuvent être écoutées, mais ne sont pas enregistrées par défaut. Avec les réseaux sociaux, et grâce a la nature même de l’objet numérique, nous avons des cadres vides, peuplés par notre activité et nos données, et qui monétarisent notre désir de communiquer et de partager. Mais surtout, ces réseaux semblent vouloir ériger des archives sans oubli. C’est une forme de transparence absolue, de présence permanente. Cette conversation globale peut devenir un piège, car elle est, pour l’instant, à sens unique. Elle transforme la nature même de l’acte de communiquer, en y ajoutant une valeur économique ou politique, au service de la publicité ou du pouvoir. La traçabilité continue a ses avantages certes, mais aussi ses risques et ses dangers.
Les états, au lieu de se soucier exclusivement du copyright, doivent aussi protéger les droits émergents de leurs citoyens dans cette sociabilité. Car nous sommes tous devenus des auteurs. Il faut penser non pas seulement aux données privées, mais aussi aux données publiques, à tout ce qui est visible et lisible, sur les plateformes et dans les archives.
Une première réflexion sur ces questions vient d’être lancée au sein même des réseaux sociaux. Il faut juste se rappeler que, dans ce cadre au moins, effacer n’est pas un privilège, mais un droit.