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Billet de blog 26 nov. 2018

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L'effondrement, parade à la dystopie techno-totalitaire ?

Le projet de loi justice et son volet fichage génétique s’ajoute à l’éventail des moyens de contrôle des populations qui se développent dans différents domaines : I.A et big data, génétique, ou plus rustique, multiplication des murs frontaliers. Les oligarchies régnantes ne peuvent ignorer que ces systèmes complexes ne résisteront pas à un effondrement massif. Alors pourquoi ce pari ?

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La prise en considération de la collapsologie par l'oligarchie lui vaux la critique formulée par Nicolas Caseau ici, et que je résumerai rapidement ainsi : si les tenants de la collapsologie ont accès aux sphères dirigeantes et aux médias mainstream pour diffuser leurs thèses c'est qu'elles reconduisent l'idéologie dominante à travers l'appréhension de l’effondrement comme une catastrophe plutôt que comme une libération. Sans le développer ici, la critique me parait passer en bonne part à côté de sa cible, mais elle permet de souligner qu'en effet, l'imminence de l'effondrement à pris des allures de discours largement partagé, si bien que l'on peut le retrouver chez des gilets jaunes au détour d'un rond-point, sur les fils de commentaires dans les pages de ce journal, ou dans la bouche d'un premier ministre français.

Accumulant les capitaux dans une économie financiarisé de l'information, les super-riches accumulent donc aussi de l'information et les capacités de son traitement massif (c'est l'un des nombreux enjeux de intelligence artificielle, qu'un documentaire d'Arté avait bien synthétisé, ici). Moins que quiconque, alors que leur pouvoir repose sur un système de dette qui disparaîtra avec l'effondrement de la finance mondiale intégrée, sur l'exploitation d'énergies fossiles finies, sur des flux économiques toujours plus tendus et donc fragiles, ils ne peuvent ignorer ce qui s'annonce.
La communauté d’intérêt, la collusion et dans certains cas la fusion des élites économique et politique, débouche sur le constat assez bien partagé lui-aussi que l'essentiel des décisions politiques sont prises pour pérenniser le système économique, fréquemment confondu avec les intérêts des super-riches (entendu en tant que classe, les 1%).
Ces préalables posés, que penser du mouvement politique constant qui, croisant différentes technologies de pointe, et d'autres plus rustiques, tend vers un contrôle toujours accru des populations ?

L’hypothèse du raidissement avant impact est souvent avancée : irrationnellement guidée par la peur de la vindicte populaire, l'oligarchie paranoïaque tend à augmenter l'efficacité de sa répression et à en minimiser le coût, suivant un reflex de marché sécuritaire. Soit, mais ce n'est que modérément satisfaisant si l'horizon partagé est l’effondrement (qui rappelons-le, peut être synonyme d'extinction si le scénario inclut des accidents nucléaires, ou une trajectoire climatique type "terre chaude").

Avec l'effondrement, la même limite se pose à l'hypothèse de la stratégie du choc, telle que développée par Naomie Klein : le capitalisme du désastre n'opère que si le désastre n'est pas global (et donc seulement exporté).

L'hypothèse de l'auto-aveuglement (ou le déni, suivant la typologie psychologique du deuil fréquemment adoptée par les collapsologues) à sa pertinence dans la mesure ou l'accumulation illimité de "richesse" semble également relever d'une pensée obsessionnelle, ou psychopathe. Cela peut aussi rejoindre certains aspects religieux de la pensée économique à laquelle sont biberonnés nos oligarques.

Une autre, étayée par l'option survivaliste choisie par certains super-riches, et par le côté mégalo de figures du mouvement transhumaniste, est celle du sprint jusqu'aux abris. Des avancées rapides dans le domaine de l'I.A laissent espérer des répercutions rapides dans les domaines de la médecine (et de l'allongement de la durée de vie), de la sécurité (via les armes autonomes), voire de la production d'énergie, autant de moyens technologiques qui, à défaut d'être généralisables, permettraient à une minorité choisie de passer le cap de l'effondrement, et de (sur-)vivre sur une planète devenue beaucoup moins hospitalière.

Combiné au réflexe scientiste qui pousse par exemple à chercher dans la captation du Co2 atmosphérique la solution au dérèglement climatique cette hypothèse forme un faisceau convainquant. En effet, le caractère imprédictible de l'effondrement vient de la complexité des sociétés humaines et de celle du système terrestre. La croyance en l'émergence d'une super-intelligence capable d'appréhender cette complexité et de minimiser l'effondrement en agissant sur le moins de paramètres possibles peut y être intégrée, nourrissant le déni.
Quoi qu'il en soit, si l’avènement de totalitarismes technologiques permettant d’accroître plus longtemps le niveau d'inégalités est l'une des trajectoires crédibles en l'absence d'effondrement, celui-ci en survenant dans une quinzaine d'années laisse peu de chances de concrétisation à cette dystopie, sauf de manière transitoire, en particulier si l'on retient l'hypothèse du sprint aux abris.

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