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Billet de blog 28 juillet 2010

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Au-delà des incantations et stigmatisations dangereuses : ce que vivent les Rroms

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Çà y est "ils" leur ont déclaré la guerre. Une guerre "courageuse" menée par le gouvernement de la 5ème puissance mondiale à sa population la plus pauvre : les Rroms. Une guerre qui me fait tout simplement honte.

Au terme de la réunion voulue par Nicolas Sarkozy suite aux événements de Saint-Aignan la semaine dernière, le gouvernement annonce qu'il reconduira en Roumanie ou en Bulgarie tous les Roms ayant commis des atteintes à l'ordre public et qu'il démantèlera dans les trois mois la moitié des 600 camps illégaux installés en France par les gens du voyage…

Mélange entre Roms bulgares et roumains et gens du voyage français depuis des générations, stigmatisation d'une population éperdument pauvre, politique du chiffre concernant les expulsions hors du territoire, expulsions de squats et de bidonvilles sans proposer aux familles de solutions de relogement…: tout ceci me révulse profondément. Mais face à cette politique de terreur opposée aux plus démunis, je crois que l'emphase n'est pas ici de mise. Je voudrais juste souligner un certain nombre de faits.

Les violences de Saint-Aignan. Il n'est pas question de les nier. Encore que toute la lumière ne soit pas faite, pour l'instant, sur les circonstances tragiques du décès du jeune homme. Mais laissons justement la justice suivre son cours et punir, le moment venu, les responsables. Où a-t-on vu que face à la violence créée par un petit groupe de personnes, toute une population devait être punie ? ... En France, notamment, il y a environ 65 ans. Veut-on revivre ces sales années ?

Gens du voyage / Rroms bulgares et roumains : les uns sont en France et donc Français depuis des décennies. Majoritairement protestants. Les autres arrivent "chez nous" depuis que la Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l'Union Européenne, le 1er janvier 2007. Ce ne sont pas les mêmes populations!

Loi Besson : (rien à voir avec Eric !). Loi qui date de 1990 et qui stipule que toutes les communes de plus de 5000 habitants doivent proposer une aire d'accueil pour les gens du voyage. Moins de 50 % en ont une 20 ans après et... nous avons tous vu certains de ces lieux, en pied d'autoroute ou en bordure de voie ferrée...

Les Rroms roumains et bulgares: ils étaient littéralement en situation d'esclavage jusqu'en 1856. Aujourd'hui encore, ces deux pays - qui ne sont pas les plus riches d'Europe - les font vivre en général à l'écart : dans des villages éloignés, ultra pauvres, ou dans les banlieues les plus défavorisées des principales villes. Pauvres parmi les pauvres, ces familles arrivent en Europe de l'Ouest parce qu'ils tentent de survivre. Ni plus ni moins.

Nomades : d'une source à l'autre, on estime en moyenne que seuls 5 % d'entre eux sont nomades. Profondément sédentaires, les 95 autres % "bougent" parce qu'ils sont expulsés de villes en villes, de frontières en frontières…

Mendiants ou travailleurs : il faut savoir quelque chose d'insensé. Les Rroms bulgares et roumains, bien qu'Européens comme les Italiens, les Anglais ou les Allemands, ont dans notre pays un statut spécifique. Ils n'ont le droit d'y circuler que durant 3 mois. Au-delà, pour rester de façon légale, il leur faut faire la preuve de ressources suffisantes et d'une assurance maladie. MAIS : au même titre que pour les étrangers non-européens, leurs employeurs potentiels doivent d'abord payer une taxe d'environ 900 euros, proposer un emploi en CDI à plein temps, remplir une demande d'autorisation de travail et la déposer en préfecture. Délai d'attente : au minimum 6 mois en Seine-Saint-Denis. Connaissez-vous beaucoup d'employeurs, actuellement, prêts à débourser 900 euros, puis à attendre des mois pour pouvoir employer, en CDI et à temps plein immédiatement, des personnes en général très peu qualifiées ?

Expulsions : c'est la politique expérimentée à Sangatte, à Calais ou sur les bords du canal de l'Ourcq. On expulse, on "karchérise", mais où reloge-t-on les populations qui en effet vivent dans des conditions indignes ? Nulle part. La République, à de rares exceptions locales près, expulse ses pauvres, elle ne les reloge pas. Conséquences : ils vont s'installer ailleurs, dans d'autres squats, d'autres bidonvilles. Et, monstruosité des monstruosités, des enfants meurent, comme le 26 mai 2009 à Bobigny, le 15 avril 2010 à Gagny, ou le 7 février à Orly dans des incendies d'habitats insalubres.

Alors oui, les Rroms posent des questions politiques de toute première importance à tous les citoyens que nous sommes et il n'est pas question de les minimiser. Comment en effet accueillir les plus pauvres, comment scolariser leurs enfants, former les adultes, leur trouver des emplois, les loger, les soigner, les faire accepter par les autres habitants, comment leur faire découvrir et comprendre les clés d'une culture qui les a toujours rejetés…

Mais je suis certaine d'une chose : le gouvernement actuel ne trouvera aucune réponse adéquate à ces questions. Il est en train de mettre en œuvre de façon systématique exactement l'inverse.

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