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Billet de blog 4 septembre 2015

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En quoi Miss Hokusai nous éclaire sur les photos de ces enfants noyés ?

Je suis allée voir Miss Hokusai hier soir, curieuse de voir un point de vue animé sur ce maître du dessin que j’avais un peu découvert il y a quelques mois au Grand Palais. Alors que le film défilait sous mes yeux, d’une très grande qualité visuelle, une séquence a retenu mon attention.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis allée voir Miss Hokusai hier soir, curieuse de voir un point de vue animé sur ce maître du dessin que j’avais un peu découvert il y a quelques mois au Grand Palais. Alors que le film défilait sous mes yeux, d’une très grande qualité visuelle, une séquence a retenu mon attention.

Un homme vient voir Hokusai pour une femme du village qui fait des cauchemars, semblant hantée ou atteinte de démence. Or, son mari avait commandé un tableau représentant des démons des enfers affligeant les hommes afin d’expier ses mauvaises actions. Une fois l’œuvre reçue, il l’expose seule, au milieu d’une pièce de sa maison. Sa femme, depuis que le dessin est chez eux, devient en proie à des cauchemars puis des hallucinations tant et si bien qu’elle fini, par peur, par mettre le feu chez eux.

En réalité, ce n’est pas Hokusai qui a réalisé ce tableau, mais sa fille, Miss Hokusai.

Une fois l’histoire du couple raconté, le maître va chez eux voir lui-même le dessin et, immédiatement, il dit à sa fille : « tu n’as jamais su finir un dessin ». A l’aide de ses pinceaux, il passe la nuit à rectifier le tableau. Au petit matin, il a terminé. Il dit alors à sa fille : « c’est une des manières de finir. ». Dans un coin de l’estampe, à côté d’un groupe d’hommes désœuvrés, il a ajouté un autre petit groupe en train de prier et s’agenouiller aux pieds d’un bouddha.

Il conclu en disant qu’ainsi, la femme ne sera plus hanté.

Quel lien avec ces images d’enfants exilés morts sur les plages de ces derniers jours ? Et plus particulièrement avec l’indignation que certains expriment devant cet affichage de l’atrocité ?

J’ai le sentiment que la raison ou tout du moins l’une des raisons pour lesquelles ces images sont montrées, diffusées, partagées est qu’il s’agit d’une tentative d’expiation de nos erreurs, de notre laisser faire. Nous savons, nos sociétés occidentales savent qu’elles font peu devant cette crise migratoire. Un peu comme cet homme qui sait qu’il a mal agit. Nous ressentons un besoin d’expier nos erreurs, et grâce à la presse et aux journalistes à qui nous « commandons » ces images atroces, nous tentons de faire un peu la même chose que cet homme : pour cela, nous affichons l’horreur, nous la déposons à un endroit (dans le dessin animé c’est une pièce de la maison, dans le réel ce sont les journaux, les médias qui d’une certaine façon sont une pièce de nos vies modernes).

Mais au-delà de l’effet recherché, ces images hantent, nous angoissent et fracturent notre quotidien. Accusés d’être indignes, lâches de ne pas assumer les conséquences de nos non-actes, nous devenons fous.

Je crois, grâce à ce film, qu’en réalité, ces images ne sont par vraiment finies. Et qu’il existerait une façon de les terminer. En montrant par exemple en parallèle le visage de personnes qui agissent auprès de ces migrants, les bénévoles, les « Mama », les gardes côtes... Redonner un peu d’espoir à ces situations désespérées, parce que je crois qu’à trop vouloir afficher l’horreur crue, sans montrer de voie de salut, de solution, on ne permet pas aux gens d’éviter d’être hantés. Ces images sont surement nécessaires, mais montrer de façon tout aussi claire les possibilités, les espoirs qui existent est tout aussi essentiel. Pour nous permettre d’avancer vers quelque chose, pour aussi rendre hommage à ceux qui, plus en avance que d’autres sont déjà en train de faire, pour panser les plaies de ces gens.

Cette hantise que créént ces photos risquent sinon de seulement nous conduire à mettre le feu à nos maisons, à nous auto détruire, mais cela n’aura alors rien résolu.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.