En cette période de fête nationale, l'Assemblée Nationale a commencé à sauver la République en adoptant, en 1ère lecture la fameuse "loi anti-burqa".
Grâce à elle, on pourra éviter l'"apartheid" !!!
Mais contrairement à ce qu'essaie de nous faire croire le "Débat Public", la question première que pose ce projet de loi n'est pas de savoir si on est pour ou contre le voile intégral, et encore moins si l'on a peur des intégristes mulsulmans.
Non, le véritable problème, c'est qu'elle crée une obligation générale d'être identifiable dans l'espace public.
PROJET DE LOI interdisant la dissimulation du visagedans l’espace public,
Article 1er Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage.
Certes, une femme vêtue d'une burqa pourrait être sanctionnée sur ce fondement.
Et peut-être échapper à la sanction dans certains des cas où le délit prévu par l'article 4, de "dissimulation forcée du visage", sera constitué à l'encontre d'une personne de son entourage1.
Mais le champ d'application de ce projet de loi dépasse très largement ce cas de figure.
D'abord, notez la large définition de l'"espace public" dans ce projet de loi2,
bien plus large que celle défendue en d'autres hypothèses...
Dans l'espace public, nul ne pourra plus porter une tenue ayant pour but de "dissimuler son visage".
Chacun, homme ou femme, doit donc porter une tenue qui laisse apparaître son visage,
c'est à dire que sur le territoire français, toute personne a désormais le devoir d'être identifiable.
Bien sûr, le législateur a prévu des exceptions :
si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles
Pas de contravention si le port de cette tenue est imposée par la loi ou le réglement, évidemment.
Pas de contravention pour l'accidenté à la tête bandée ou l'ouvrier muni d'une vitre anti-projection,
Pas de contravention aux footballeurs américains, aux déguisés pour Carnaval, ou aux acteurs dans les spectacles.
OUF!
Mais 2 remarques:
D'abord, à l'exception du 1er cas, il semble que ces dérogations soient absolument inutiles: dans ces cas-là la tenue n'est pas "destinée à dissimuler le visage", elle a un autre but : soigner, protéger, amuser...
Mais surtout, la liste, qui se présente bien comme une liste fermée, expose à la sanction nombre de comportements pour le moins fréquents: quid de celui qui aurait un passe montagne et une écharpe relevée un jour de tempête de neige? On pourrait certes répondre que cette tenue n'est pas non plus destinée à cacher le visage, mais cela montrerait bien alors l'inanité des exceptions prévues par la loi.
Mais même si la tenue est bien destinée à cacher le visage, doit-on toujours punir?
Doit-on punir la femme battue qui cacherait ses bleus par pudeur?
Doit-on punir celui qui souhaite traverser un quartier sans être reconnu pour ne pas rappeler de mauvais souvenirs à quelqu'un?
L'adolescent honteux de l'acné qui le défigure?
Il y a mille et une raison de vouloir cacher son visage. Toutes ne sont pas des actes préparatoires à des infractions.
Toutes ne troublent pas l'ordre public.
Or les contaventions ne sont exclues que par la force majeure.
Pas besoin donc, de prouver un trouble ou même un risque quelconque.
Par principe, il est désormais obligatoire d'être identifiable.
Bientôt, peut-être, ce devoir d'être identifiable s'accompagnera-t-il d'une identification effective3 .
Ou comment, en jouant une fois de plus sur la peur de l'islamisme radical,
on met toute une population en situation de liberté surveillée,
fondement juridique ou pas4.
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1 La volonté de violer la loi pénale par la femme est nulle, mais surtout, puisque cet élément n'est pas requis en matière contraventionnelle,
son acte même n'est pas volontaire mais contraint ; l'ordre public a bien été atteint mais l'agent ne devrait pas avoir à en répondre pénalement en raison d'une cause de non responsabilité subjective. Pourtant, la jurisprudence en la matière laisse à craindre qu'il sera difficile aux femmes d'en bénéficier.
2 "voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public", article 2 I. du projet de loi.
3 Puces RFID, consultables à distances, bases de données des photos d'identité...
4 http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/nszw/310310/voile-integral-les-mecanismes-juridiques-proposes-par-le-conseil-detat