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Billet de blog 11 octobre 2020

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Quel avenir pour la psychiatrie en Afrique?

Quel avenir pour la psychiatrie en Afrique? Cette question prend de l’acuité dans le contexte actuel de la pandémie de covid-19 qui oblige à repenser l’organisation et la dispensation des soins aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. Nous nous sommes appuyé pour répondre en grande partie aux travaux et à l’action d’un psychiatre zimbabwéen qui s’appelle Dixon Chibanda.

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Quel avenir pour la psychiatrie en Afrique © Afropanorama Podcasts

Ce numéro de parole de psy est entièrement dédié à un de mes aînés dans la profession médicale, je cite le Docteur Jean-Robert Ngola. Il y a peu, alors qu’il travaillait au Nouveau Brunswick au Canada, il a été accusé d’avoir été le patient 0 de la covid-19 par le premier ministre de la province. Cela lui a valu un traitement indigne de la part de certains malgré le soutien indéfectible de ses patients.

Aujourd’hui le Docteur Ngola a quitté le Nouveau Brunswick et travaille désormais dans la province du Québec.  Il a été blanchi de tout soupçon. Nous pensons à lui.

Quel avenir pour la psychiatrie en Afrique?

Cette question prend de l’acuité dans le contexte actuel de la pandémie de covid-19 qui oblige à repanser l’organisation et la dispensation des soins aussi bien en Afrique que dans le reste du monde.

Nous nous sommes appuyés pour répondre en grande partie aux travaux et à l’action d’un psychiatre zimbabwéen qui s’appelle Dickson Chibanda.

Il a publié en 2017 une lettre dans le Lancet une lettre intitulée :

The future of psychiatry in Africa-thinking outside the box.

Vous vous demandez alors certainement pourquoi est-ce que la parole de Dixon Chibanda mnérite d’être écoutée.

Aussi vais-je commencer par faire tracer un petit portrait du personnage.

Qui est Dixon Chibanda?

Dixon Chibanda est un psychiatre zimbabwéen qui a formé les grands-mères à détecter et soigner la dépression. Il est parti de l’idée ci-après : dans les communautés africaines, il y a plus de grand-mères que des psychiatres. Les grands-mères sont importantes au sein des communautés et sont écoutées. On peut donc les former à écouter les patients souffrant de dépression dans la communauté. C’est ce qu’il a appelée la thérapie du banc ou bench thérapie ou encore le banc de l’amitié.

Dans les pays comme le Zimbabwe qui compte 14 psychiatres pour 12 millions d’habitants ou le Congo Kinshasa qui peut au grand maximum espérer 50 psychiatres pour une population estimée à 84 millions d’habitants, on se rend vite compte qu’imaginer un seul instant que les psychiatres puissent répondre à la demande des soins est utopique. Il faut absolument mettre en place des solutions innovantes tenant compte de la réalité locale.

Que dit-il dans  la lettre publieé par le Lancet?

Très peu de psychiatre en Afrique

Il commence par rappeler le contexte : en Afrique subsaharienne, les soins psychiatriques sont difficiles d’accès. Un chiffre montre l,ampleur du problème. Dickson Chibanda rappelle que l,on compte 1 psychiatre pour 1.5 million d’habitants.

En plus, la part des budgets africains réservée à la santé mentale est généralement de moins de 1% par an.

Dans ce contexte, quels sont les chantiers pour promouvoir une meilleure disponibilité des soins psychiatriques en Afrique.

Dixon Chibanda en a identifié cinq :

  1. Sortir de sa zone de confort

Il est urgent pour les psychiatres africains de sortir de leur zone de confort qu’est l’Hôpital psychiatrique. On note parfois un certain malaise chez certains parmi eux quand il s’agit de travailler en dehors de leurs services. Il est urgent aujourd’hui d’avoir ce dialogue multidisciplinaire entre la psychiatrie et les autres disciplines médicales voire non médicales. Le client vit dans une société, a une histoire et un corps…La prise en charge biopsychosociale, devenue aujourd’hui un standard en psychiatrie ne saurait se concevoir avec des psychiatres travaillant dans leurs bulles…Ce chantier resonne en écho au travail que nous même avons initié à Kinshasa en créant l’unité de psychiatrie de liaison au sein des cliniques universitaires de Kinshasa qui en cette période de pandémie de covid-19 a montré toute sa pertinence.

  • Défendre les droits humains fondamentaux des patients

Dans des régions où les droits de l’homme tout court ne sont pas toujours respectés, il tombe sous le sens que le malades psychiatriques, fragilisés et stigmatisés rencontrent des difficultés pour le respect de leurs droits fondamentaux. Les conditions dans lesquelles les malades sont traités pour ne prendre que cet exemple doivent absolument interpeler la conscience des soignants. Certains hôpitaux sont dans des conditions infrahumaines.

  • Intégrer la santé mentale dans les programmes spécifiques

Ici il s’agit des programmes tels que la lutte contre le VIH/Sida ou la Protection maternelle et infantile dans leurs volets psychosocial. On remarque parfois voire souvent que les psychiatres sont absents de la conception et de la mise en place de ces aspects des programmes spécifiques.

  • Soigner les patients au sein de la communauté

Les soins psychiatriques au sein de la communauté permettent de maintenir le lien social pour le patient et font reculer la stigmatisation. Il existe un certain nombre des données que l’on obtient de meilleurs résultats lorsque les patients sont soignés au sein des communautés plutôt que dans des structures hospitalières.

Pour un psychiatre en Afrique, l’hospitalisation devrait être l’exception et les soins au sein de la communauté la règle.

  • Utiliser les technologies digitales pour l’évaluation, le diagnostic et le suivi des patients

L’Afrique est le continent qui connait actuellement la marge de progression la plus rapide pour les téléphones portables. En 2017 on estimait à plus d’un milliard le nombre de téléphone en circulation. C’est un formidable outil dont devraient s’emparer les psychiatres pour la prise en charge des patients et l’amélioration de l’accessibilité aux soins. Il est possible de développer des applications pour le suivi et l’évaluation des patients à distance avec le relai des travailleurs communautaires au niveau des soins de santé primaire.

Dixon Chibanda conclut son papier ainsi :

« Pour atteindre l’avenir et continuer à être pertinent sur le terrain, le psychiatre africain devra sortir des sentiers battus en termes de prestation de services, d’utilisation de la technologie et de travail interdisciplinaire. »

C’EST UN VÉRITABLE DÉFI QUI EST LANCÉ AUX PSYCHIATRES AFRICAINS…

Références

1. Community Mental Health | http://www.friendshipbenchzimbabwe.org | Harare [Internet]. [cité 3 sept 2020]. Disponible sur: https://www.friendshipbenchzimbabwe.org/

2. Chibanda D. The future of psychiatry in Africa-thinking outside the box. Lancet Psychiatry. 2017;4(10):741‑2.

3. Chibanda D. Transcript of « Why I train grandmothers to treat depression » [Internet]. [cité 3 sept 2020]. Disponible sur: https://www.ted.com/talks/dixon_chibanda_why_i_train_grandmothers_to_treat_depression/transcript

4. Chibanda D. Transcript of « Why I train grandmothers to treat depression » [Internet]. [cité 3 sept 2020]. Disponible sur: https://www.ted.com/talks/dixon_chibanda_why_i_train_grandmothers_to_treat_depression/transcript

5. Chibanda D. Why I train grandmothers to treat depression [Internet]. [cité 19 sept 2020]. Disponible sur: https://www.ted.com/talks/dixon_chibanda_why_i_train_grandmothers_to_treat_depression

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