D'abord extrait de canalacadémiele compte rendu de la visite du pape à l'institut le samedi 13 septembre entre 9h et 9h30:
Entrant par l’immense double porte du palais de l’Institut, sa Sainteté a été accompagnée sous la Coupole par les Secrétaires perpétuels de chacune des cinq académies. Il est rarissime que cette ancienne porte du roi soit ouverte –généralement elle réservée au Chef de l’Etat- mais le Chancelier de l’Institut de France a tenu, par ce geste symbolique, à donner à cette réception tout l’éclat qu’elle mérite.
Pour que cette visite soit immortalisée, l’éclat en a été gravé dans le métal et dans la pierre. Le Chancelier a en effet offert au Pape une médaille afin de lui exprimer la profonde gratitude, le respect et le fidèle attachement des académiciens.
Puis le Pape a adressé quelques mots non seulement pour remercier mais pour insister sur les liens profonds qui l’attachent à la culture française dont, a-t-il dit, il reste un grand admirateur, exprimant sa gratitude car elle a tenu une grande place dans son parcours intellectuel.
Citant Rabelais, « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », il a rappelé que deux académies de l’Institut, deux académies pontificales et l’Institut Catholique de Paris, avaient ouvert en janvier un colloque interacadémique pour mener une réflexion afin d’éviter ce risque de dichotomie entre la science et la conscience. Et il a émis le voeu que ces travaux puissent se poursuivre.
Puis le Chancelier a dévoilé une plaque de pierre, située à droite du cénotaphe de Mazarin, plaque surmontée des armoiries papales et gravée d’un texte commémorant l’événement : « Sa Sainteté le pape Benoit XVI, est venu en ce lieu le 13 septembre 2008 ; il a reçu les marques de respect et d’attachement de ses confrères de l’Institut de France, sous cette Coupole où il fut installé le 6 novembre 1992, comme membre de l’ASMP. »
Puis les réflexions que la pose de cette plaque m'a inspirées.
Le Pape et l’Institut
Le samedi 13 septembre le pape Benoît XVI
doit passer vingt minutes dans les locaux de l'Institut de France, quai de Conti, et y dévoiler une plaque commémorative de cet événement, ou non événement: peut on considérer que le fait qu'un être humain, fût-il pape, pose son pied sur le sol constitue en soi un événement?
Les conditions dans les quelles cette brève visite a été décidée et organisée ne sont pas vraiment claires, même pour les membres de l'Institut.
Mais, quelle que soit l'opacité du mécanisme qui a abouti à la venue
prochaine du pape quai de Conti et contre laquelle Jean-Pierre Kahane a
certainement raison de s'élever, je pense qu'il n 'y a pas que sur
la forme que nous devons nous insurger.
Quel sens peut avoir l'apposition d'une plaque commémorative du fait
que le pape a foulé de son auguste pied le carrelage de la Coupole ?
Quel message l'Institut veut il ainsi transmettre aux générations
futures puisque, quand l'on fait graver dans le marbre le souvenir
d'un évènement c'est bien pour en conserver la mémoire pour les
générations futures ?
Jeanne d’Arc au moins était morte quand on s'est amusé à mettre des
plaques commémoratives de son passage un peu partout entre
Neufchâteau et Bourges et l'on célébrait ainsi l'étonnant personnage
qui avait "bouté les Anglais hors de France" et délivré Orléans.
Comme Jean-Pierre Kahane le remarque justement, ce n'est pas le cardinal, savant
théologien, membre éminent de l'Académie des Sciences Morales et Politiques
que l'Institut veut ainsi honorer. Si cela était le cas, les
murs du quai de Conti disparaîtraient vite sous les plaques : le très
estimable confrère qu'il est ne l'est pas plus que des dizaines
d'autres.
C'est bien au Pape, réputé "infaillible" représentant sur la terre du Dieu
d'une fraction de l'humanité, reconnu en plus par seulement une
partie des adorateurs de ce même dieu, que l'on va rendre un tel honneur.
Et je pense que cela est une atteinte grave à la laïcité inscrite dans
notre Constitution, voire une offense faite à tous les fidèles
d'autres religions comme à tous ceux qui se passent
fort bien de religion. Et c'est certainement une offense faite à la
science qui ne connaît pas de vérité révélée, pas de dogme, pas
d'autre vérités que celles qui, établies par l'observation,
l'expérimentation ou le raisonnement, sont vérifiables et
discutables, contestables à l'infini.
Comment expliquerons nous à des enfants qui visiteraient le quai de
Conti la présence de cette plaque qui va à l'encontre des principes
qui ont guidé l'action et la pensée de la plupart d'entre nous, dans
leur être de scientifiques, d'enseignants et de citoyens ? Cette
plaque signifie-t-elle que l’Institut dont nous faisons partie
approuve toutes les positions de Benoît XVI, passées, présentes et à
venir sur tous les sujets sur lesquels il croit bon d'intervenir ?
Comment peut-on faire ainsi abdiquer une compagnie riche d'un millier d'hommes et de femmes remarquables par leurs talents et la force de leur pensée de toute possibilité de critique à l'endroit des idées d'un seul parce qu'il porte une soutane blanche et un curieux chapeau baptisé tiare.
Maurice Nivat