
« L’école pour tous », c’est le grand dispositif de l’Éducation Nationale.
Cependant il semblerait que les moyens alloués à cette vaste ambition soient très éloignés de la réalité du terrain. Et qu’une fois de plus les principaux décideurs de cette réforme ne connaissent pas grand-chose au handicap.
La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est sensé assurer « le droit à l’éducation garantie » , « Les difficultés particulières que rencontrent des enfants, adolescents ou adultes en situation handicap ne peuvent avoir pour effet ni de les priver de ce droit ni de faire obstacle au respect de cette obligation.
(source : monparcourshadicap.gouv.fr)
Premier soucis : le démantèlement des structures existantes pour….du vide.
Les enfants en situation de handicap étaient jadis accueillis dans des classes spécialisées ou centres spécialisés (itep et IME).
Cela veut dire que les locaux étaient adaptés aux différents handicaps, accessibilité, équipements particuliers, enseignants spécialisés formés et diplômés, etc. Tout n’était pas parfait mais avait le mérite d’avoir été pensé pour s’adapter à son public.
Aujourd’hui il est question de « l’inclusion pour tous ». Qu’est-ce que ça veut dire ?
Concrètement, il s’agit de scolariser en milieu scolaire « ordinaire » 80 % des enfants en situation de handicap.
Je vous renvoie au site de l’Éducation Nationale pour vous imprégner de sa belle littérature que je qualifierai de science fiction :
« pôles d’appuis renforcés, accompagnement humain renforcé, livret de parcours inclusif, matériel pédagogique adapté, ... ».
Un bien beau jargon habituel à l’Éducation Nationale.
Mais qu’en est-il de la réalité ?
La réalité est que l’état a comme souvent des idées mais qu’il ne met pas les moyens suffisants.
La réalité est que ce « tout inclusif fourre-tout » n’est pas du tout adapté à tous les élèves en situation de handicap.
Je l’ai évoqué plus haut, les nombre d’enfants déscolarisés est énorme.
Le handicap est plural : moteur, cognitif, visible, invisible, etc.
L’inclusion de tous les élèves en milieu « ordinaire » ou presque est une chimère.
Chaque élève a le droit à une éducation, de s épanouir, de se sentir bien dans sa vie.
Mais nombre de politiques, administrations et mêmes d’associations de parents d’élèves ont une vision tronquée du handicap et de l’inclusion.
Ce serait réducteur de penser que tous les handicaps se « compensent » de la même manière.
Certains élèves ont besoin de conditions particulières qu’un milieu « ordinaire » ne peut leur offrir.
Comme souvent et contrairement aux représentations convenues, le handicap ne se réduit pas à une personne dans un fauteuil et la construction d’une rampe et d’un ascenseur. Certains troubles nécessitent une prise en charge spécifique.
Dans certains cas, placer des élèves dans une classe « normale » qui n’est pas adapté à ses besoins devient de la maltraitance.
D’un point de vue matériel, l’Éducation Nationale ne s’est pas donné les moyens financiers de ses ambitions.
Comme souvent en matière de handicap, il y a les belles paroles et la réalité.
Les récits de ratés sont multiples : pas d’argent pour recruter des assistants, ces assistants souvent non formés eux-aussi, précaires et mal payés, des postes peu attractifs donc...locaux mal adaptés, inaccessibles, etc.
Comme souvent, les décideurs se cachent derrière des arguments financiers inaudibles quand il s’agit de bien être d’enfant, d’égalité des chances ou plus généralement de droits des personnes handicapées.
Autre problème souvent évoqué à tort, il s’agit de la formation des enseignants.
Je lisais dernièrement un très mauvais article dans lequel il était question de la mauvaise volonté des enseignants à inclure dans leurs classes.
Je l’évoquais plus haut, l’encadrement et l’enseignement auprès d’un public handicapé est dans de nombreux cas une affaire de spécialistes !
Et de plus, on n’enseigne pas la même chose de la même façon à un enfant avec un trouble autistique, schizophrène, paraplégique, mal-entendant ou mal-voyant ! Certains enseignements nécessitent des connaissances et compétences fortes.
Je prends toujours cet exemple : accepteriez-vous de confier votre voiture à quelqu’un qui n’est pas garagiste pour changer l’embrayage ou réparer les freins ? Alors que vous seriez prêt à confier la chaire de votre chaire à quelqu’un qui n’aurait pas été formé et n’y connais pas grand-chose au handicap de votre enfant ?
Dans cet article, parents, associations tirent à boulets rouges sur les enseignants qui ne seraient peu enclins à répondre présent sur le sujet.
Or le problème est ailleurs.
Ce n’est pas aux enseignants à palier le manque de moyens qui fait défaut à l’Éducation Nationale pour scolariser tous les élèves.
Le tout inclusif n’est pas la bonne solution car tous les handicaps ne sont pas adaptés au milieu dit « normal ».
Dans le premier degré par exemple, il est question de différenciation : l’enseignant s’adapte au niveau de chacun, différencie activités, enseignements, exercices et évaluations selon les profils de ses différents élèves. Comment s’adapter à un nombre important de profils très différents et spécifiques ?
La prise en compte spécifique des élèves handicapés est parfois complexe. Je l’évoque plus haut avec mon histoire de garagiste. C’est compliqué d’être un bon spécialiste de tout.
Et il n’est as seulement question d’enseignement proprement dit.
Un Professeur des Écoles doit « gérer » une classe, ses déplacements, ses activités de natures très différentes. Il y a le français, les mathématiques mais aussi les arts visuels, la musique, l’EPS, la musique ; des déplacements et du matériel à gérer, de la discipline aussi. Les élèves ne sont pas des « poupées de porcelaines » qu’on pose sur une chaise pour toute une journée.
Les enseignants surveillent les récréations, parfois le réfectoire.
Comment gérer certains profils spécifiques en plus des autres cohortes ?
Comment faire son travail correctement tout en incluant et en évitant toute stigmatisation qui pourrait surgir ? C’est très compliqué dans de telles circonstances et souvent avec un gros maque soutient financier et donc humain.
Ce « tout inclusif » est une prise en compte au rabais des besoins de chacun.
Dans de nombreux cas, l’inclusion est une bonne chose et à condition que les moyens soient suffisants. Mais ce n’est pas une généralité et de nombreux efforts sont encore à produire.
Parce que l’éducation, le bien-être d’un enfant sont un droit et non comme souvent avec le handicap, ne doivent être une faveur.