« Les Jeux paralympiques sont la plus grande vitrine des personnes handicapées sur la scène mondiale, ils sont une plateforme mondiale pour l’inclusion par le sport », valorise le Comité international paralympique.
Quel est le bilan de cette médiatisation mondiale du handisport ? En a-t-elle favorisé la pratique en France ? Y-a-t-il eu des changements concrets et visibles dans une ville comme Paris ? Et pour qui, sportif handisport de haut niveau ou amateur ?
Comme il en est questions dans nombreux de mes posts, je m’interroge sur les effets de promesses faites lors des JOP. Comme souvent, il en découle des ambitions plus ou moins fantasmées et des bilans mitigés.
Pour commencer, voici ce que propose le Ministère de la Jeunesse et des Sports sur sont site internet. Je ne parle pas d’un court d’extrait puisque c’est plus de la moitié de la toute petite page « Priorités ministérielles » onglet « Impacter positivement la société » :
Faire du sport un vecteur d'inclusion et d'insertion
Mettre le sport au coeur de la société, c’est le rendre accessible à toutes et tous, et particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin, à commencer par les personnes en situation de handicap. Aujourd’hui, alors que 70% d’entre elles se disent intéressées par le sport, moins d’une sur deux (47%) pratique une activité sportive régulière. C’est cette réalité que nous voulons changer et la perspective des Jeux Paralympiques doit nous y aider en apportant l’élan et l’inspiration nécessaires.
D’abord, les jeux sont passés depuis plusieurs mois. Il est question de la « perspective des JOP » mais plus de 3 mois après, j’aurai aimé un bilan ou à minima quelques exemples heureux et bienveillants de cette nouvelle réalité post JOP. N’y aurait-il pas tout simplement absence d’améliorations remarquables dans la pratique du sport pour les PSH ? Je me le demande.
Au rayon des ambitions démagogiques, dont je parle beaucoup dans mes posts et qui sont insupportables, voici quelques extrait de
« Transformations olympiques, des jeux au services des Parisiens » publié par la Mairie de Paris :
L’AMBITION DE LA VILLE
Faire de Paris une ville exemplaire et de conception universelle en termes d’accessibilité dans les lieux publics et les transports.
L’EFFET JEUX
Les Jeux Paralympiques de 2024 constituent une occasion unique de transformer la ville en faveur de tous et de changer le regard sur le handicap.
Toujours le blabla habituel, pour ne pas dire des mensonges.
D’abords parce que Paris n’a rien fait ou presque pour améliorer ou pardon « transformer » la ville en termes d’accessibilité dans les transports.
Ah si il y a bien les 17 quartiers à « accessibilité augmentée » que j’évoque dans un précédent post et plus de taxi PMR. Nous voilà sauvés.
Je rappelle que 90 % des stations de métros sont inaccessibles, les nouvelles stations sont mal conçues (bouton d’ouverture de portail trop petites par exemple), le réseau bus défaillant, etc.
Donc les JO et JOP n’ont que très peu apporté aux PSH en termes d’accessibilité.
Je ne parle pas d’autre villes de France.
Toujours la Ville de Paris :
Par ailleurs, même si la démocratisation du sport a beaucoup progressé, la pratique sportive n’échappe pas aux facteurs discriminants de nature économique, sociale ou culturelle. De nombreux publics sont éloignés de la pratique sportive : les femmes, les personnes en situation de handicap, les seniors, les catégories socio-professionnelles modestes, etc.
Dans ce contexte, la Ville de Paris agit en prévention primaire sur tous les déterminants d’une vie plus active et saine : qualité de l’air, espaces verts, mobilités actives, soutien au mouvement sportif, et développement d’offres sportives adaptées à tous les publics et tous les âges de la vie. En prévention secondaire, Paris Sport Nutrition et Sport après Cancer proposent des activités sportives permettant de s’intégrer dans des parcours de soins pour les personnes atteintes de pathologies graves et chroniques.
UNE OFFRE ADAPTÉE À TOUTES LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP QUI SOUHAITENT FAIRE DU SPORT : inciter tous les clubs en convention à avoir des sections para-sports, développer la pratique dans les établissements sociaux et médico-sociaux, former les cadres techniques des clubs et les éducateurs sportifs de la Ville à l’encadrement de pratiquants en situation de handicap.
Source : Transformation Olympique, des jeux au service des parisiens https://cdn.paris.fr/paris/2020/06/10/827bb0d53634b8941a54cd2b1dd4a5c6.pdf
Heureusement que la ville « agit en prévention primaire sur tous les déterminants d’une vie plus active et saine ». Il faudra qu’elle m’explique où ça se passe et concrètement ce qui a été fait depuis 3 mois à Paris donc mais aussi ailleurs, en faveur du handisport.
S’il on rentre davantage dans les détails, il convient de différencier les athlètes handisport et les pratiquants amateurs.
Car comme dans toutes les catégories de la société, les athlètes en situation de handicap sont souvent la cinquième roue du carrosse.
Par exemple, il n’y a pas d’athlètes sourds aux JOP.
« La seule raison qui empêche les personnes sourdes de participer aux jeux, c’est que ni les Jeux olympiques ni les Jeux paralympiques n’ont mis en place l’accessibilité nécessaire pour cela », regrette Lynn, du Collectif de luttes anti-validistes.
Or les athlètes sourds ont leurs propres jeux depuis longtemps. Cette séparation serait due aux trop nombreuses contraintes imposées par le Comité Olympique en termes de catégories sportives, mise à disposition d’interprètes, de contrôles des épreuves.
« On ne voit pas non plus d’athlètes avec des handicaps psychiques tels que la schizophrénie ou des personnes autistes », ajoute Jean-Pierre Garel hercheur sur la scolarisation et l’inclusion des personnes en situation de handicap à l’Université de Bordeaux. En bref, une large majorité des handicaps semble occultée.
Lorsque les compétitions sont couvertes, elles le sont majoritairement d’une manière stéréotypée et peu représentative de la réalité. Les athlètes mis en avant sont ceux aux handicaps physiques. Ceux aux handicaps moins visibles sont peu présents, alors qu’ils constituent la majorité des personnes handicapées. « La minorité d’entre elles qui est éclairée laisse dans l’ombre toutes les personnes dont la déficience pourrait conduire à des performances moins étonnantes ou des images moins séduisantes », résume Jean-Pierre Garel.
Pour Elena Chamorro militante contre le validisme, « dans un pays où le validisme est structurel, les Jeux paralympiques ne sont, à l’heure actuelle, qu’un événement qui correspond bien à ce monde où le statu quo est la règle. »
Source : Basta !
Je n’évoquerait que succintement ici la surchage administrative et autres liées aux catégories handisport. Celles-ci évoluent, cela peut être compliqué de se faire « classifier ». La nécessité des guides, véritables athlètes eux-aussi, etc. Autant de contraintes que les valides n’ont pas...
Et dans la pratique loisir, qu’en est-il ?
Il existe de nombreux freins. Déjà et comme toujours, il est question d’accessibilité globale des équipements.
Il est question d’aménagements extérieurs et intérieurs. Ceux-ci ne sont pas toujours possibles ni fait de manière cohérente.
On voit par exemple des piscines avec un accès PMR, dotées d’une chaise de mise à l’eau mais sans cabine accessible pour se changer !
Gymnases, terrains de sport, piscines, la ville de Paris annonce que 325 équipements seront accessibles en 2026. A voir si c’est encore de belles paroles et si la ville s’y tiendra !
Ensuite vient la difficulté de l’équipement personnel. Cette mère de famille évoque le prix de certains équipements nécessaires à la pratique sportive de son enfant.
Si pour la majorité des familles, un paire de baskets et quelques autres accessoires suffisent. C’est une autre approche quand on a un handicap : entre 6000 et 20 000 euros pour une prothèse sportive (les autres appareils hors sports et loisirs étant pris 100 % en charge), des fauteuils qui peuvent couter également plusieurs milliers d’euros.
Pour info, c’est (seulement) le 4 décembre 2024 qu’a été voté une loi en faveur du remboursement intégral des fauteuils roulant par l’Assurance maladie ! Jusque là, les remboursement étaient dérisoires quand on sait l’importance d’un tel équipement (par exemple entre 394 et 962 euros pour un fauteuil, jusqu’à 5187 euros pour un fauteuil électrique spécialisé). L’appareillage sportif ou dit « de loisir » n’est pas pris en charge en France. La situation peut varier si le handicap fait suite à une maladie ou un accident.
Dans le cas d’une prothèse, cela peut représenter jusqu’à 450 000 euros pour suivre la croissance d’un enfant.
Dans de nombreux cas, se sont des associations qui prennent le relais. « Sinon faire du sport pour certaines PSH serait impossible » dit cette même mère de famille.
En 2023, Elisabeth Borne (ex première ministre), avait annoncé que le gouvernement allait généraliser le remboursement des lames de course et des prothèses sportives dans la prestation compensatoire du handicap, dépendant de a la MDPH.
Or, ces démarches ne sont pas connues de tous et ne concernent qu’un seul type de handicap.
Et qui connaît la MDPH, connaît ses délais de traitement souvent très long ou ses moyens, qui diffèrent selon le département.
Quand certaines personnes ont des besoins réels et qu’ils sont obligés de lancer des cagnottes ou de contracter un crédit pour financer leur équipement, c’est ça le sport comme facteur d’inclusion ?
Enfin, il existe aussi des discriminations moins « structurelles » et davantage « sociétales ».
Cabines et douches PMR « squattées » ou inefficientes, comportement validistes. Des efforts sont aussi à faire parmi les sportifs valides, vous monsieur et madame tout le monde.
Je ne me suis jamais fait autant discriminé qu’à la piscine, quand j'y vais en dehors des mes horaire de club handisport.
Je comprends que certains usagers manquent d’intimité dans les sanitaires et autres mais pourquoi utiliser les cabines réservées ? Et quand je demande à ces personnes j’ai souvent une même réponse et surtout du mépris voir animosité : « il n’y a personne dans cette douche, c’est grave si je l’utilise ? » Je me suis même vu stigmatisé quand ces deux personnes qui interpellent toutes les personnes présentes dans les sanitaires en criant « nous allons occuper la douche PMR, cela dérange-t-il quelqu’un ? ».
Je me suis fait ensuite insulté de « Darmanin » par un monsieur âgé !
Et dans le bassin ce n’est pas mieux. Régulièrement ce sont les nageurs équipés de plaquettes et palmes qui nagent en dehors des lignes réservées à cet effet qui sont insultants. « Si tu es handicapé, tu n’as qu’à changer de ligne ! » m’a dit cette personne alors que je lui demandais de rejoindre sa ligne réservée au matériel.
J’ai eu beau lui expliquer que des autres nageurs ont également le droit de venir nager et avoir une pratique apaisée, sans se faire dépasser par des nageurs avec des plaquettes en plastiques saillantes et des palmes d’apnéistes, qui me rasent les oreilles, elle n’a pas pour autant réagi.
Les maitres nageurs responsables de la sécurité me disent qu’ils n’ont pas que ça à a faire, que c’est à moi de chasser ces autres nageurs. Certains m’ont même déjà également dit de changer de ligne !
Ce sont encore des micro-violences que les PSH doivent essuyer. Il n’a pas été pourtant question de former les professionnels ?
Une amie qui fréquente une salle de sport m’a également évoqué le cas d’usagers valides blessants obnubilés par leur personne et leur performance, prêt à tout pour faire leurs 50 tractions sur la machine que vous occupez pourtant : « si vous êtes handicapée, laissez-moi cette machine » ; « si vous êtes handicapée, ça ne sert à rien de venir ici » ; etc.
En résumé, malgré les belles promesses faites avant les JOP, le sport comme facteur d’inclusion n’est pas une évidence :
décalage entre sportifs valides et non valides, accessibilité défaillante, surcoûts liés au handicap, manque de formation des personnels encadrants, public mal informé validiste voir handiphobe...
Bien-sûr que des améliorations sont perceptibles mais comme dans de nombreux domaines relatifs au handicap, nous sommes loin des ambitions annoncées et peu de gens s'en préoccupent.