La définition que donne le dictionnaire en ligne Le Robert, du nom féminin pitié, est la suivante : « sensibilité aux souffrances d'autrui ». Le terme antonyme, son contraire, se définit par « cruauté », « indifférence », « inhumanité », selon antonyme.org. Un état, une émotion qui peut se verbaliser sous une forme plus familière et dévalorisante, « tu fais pitié ! », par exemple.
Quelle est alors la véritable définition de la pitié ? Puisque ce terme peut revêtir plusieurs formes, selon le contexte dans lequel il est employé.
Serait ce très osé d'avancer que la pitié appartiendrait plus à un jugement, et que son contraire serait plus le confort ?
La pitié n'est exhortée que par celui qui ressent, en employant ce terme ou un synonyme, celui qui l'en inspire à souvent plus du mal à s'en vanter.
La pitié est un rapport à sens unique. L'autre impose sa pitié et le meut dans sa position de non privilégié, de victime passive.
Ressentir la pitié permet de se repositionner à sa place de privilégié, sur le grand échiquier de la vie, à sa place plus confortable.
Le problème étant, beaucoup instaure ce rapport de pitié sans même s'en rendre compte. Souvent, les personnes supposées l'inspirer, s'en aperçoivent, d'une manière ou d'une autre, tôt ou tard. Cela peut se traduire par un sentiment d'impuissance, de frustration, de colère parfois sourde.
On vous voit. Si on ne vous voit pas, on est dans le déni.
On n'a juste pas les mêmes outils pour s'exprimer, et on ne court pas les mêmes dangers en terme de répercutions sociale et sociétale.
La pitié conforte, elle réchauffe les égos, elle a le pouvoir d'auto-conviction qu'on est quelqu'un de bien. La pitié n'est pas aveugle ; elle voit la violence, elle voit l'injustice, mais elle s'en dédouane. C'est loin d'elle, « c'est comme ça », c'est les autres mais c'est surtout pas nous. Elle permet de se faire sentir acteur dans la lutte, alors qu'elle ne fait souvent rien, à part partager parfois des stories sur les réseaux sociaux et pourquoi pas un petit don dans une association/ONG de temps en temps.
Au contraire, elle met en dette de reconnaissance.
Oui Julien (je m'excuse auprès de tout les Julien), je vais t'administrer une fellation gargantuesque parce que tu as écouté le Cœur sur la Table et condamné de vive voix un agresseur sexuel. Merci d'avoir reconnu qu'être une femme c'est souvent laid, bravo Juju, allez hop.
On pourra qualifier comme la cerise sur le gâteau, celui qui, doté d'un ego bien trop fragile, va s'en aller revendiquer et s'identifier comme faisant partie du même groupe que celui qui inspire pitié. Alors que, la véracité de cette avance est très probablement à revoir. Il est très difficile pour certains d'admettre qu'ils en font partie, d'eux, les gens privilégiés » ; aussi « cool » et « déconstruit » qu'ils essayent de prétendre l'être. C'est difficile, parce qu'il faudrait admettre de jouer un rôle dans le problème, très souvent, systémique.
N'oublions jamais qu'il n'y a pas mieux placé que l’oppressé pour parler de l'oppresseur ; qu'une femme pour parler de la masculinité, qu'une personne « racisée » (terme mis entre guillemet car il convient d'admettre que c'est un terme exclusivement à destination des blancs) pour parler de la blanchité, qu'un pauvre/précaire pour parler des bourgeois, personnes aisées financièrement.
Réside là, la définition même du privilège ; la douceur de ne s'apercevoir de rien.
Sauf que, je le répète, on vous voit.
Le rapport mise en place par le prisme de la pitié, qui ne dit souvent pas son nom d'ailleurs, est celui de l'ascendant et l'ascendé.
Arrête Corentin (je m'excuse auprès de tout les Corentin) de forcer pour payer mon sandwich comme si j'étais une lavette anémiée, au bord d'un précipice. Je crois pouvoir me l'offrir et je ne pense pas que cela soit déductible des impôts, qui plus est.
Ce sont exactement ceux qui disent qu'il n'y a pas de sous métier. Bien sûr que si, il y en a, et il n'y a que les sur-métier pour aller dire une chose pareille. Mais ça permet, encore une fois, de se couvrir sous la douce couverture de la méritocratie, ou encore celle de la chance (la variante des gens de gauche dans le déni).
Et oui Virginie (je m'excuse auprès de toute les Virginie), tu n'as pas eu que du « cul » dans ton parcours. Et oui, ça sert d'avoir un papa PDG et une maman avec un carnet d'adresse aussi gros que Capital de Karl Marx, contrairement à ta camarade qui n'a pas eu de stage et qui doit travailler comme serveuse à côté de sa maîtrise.
Non Kévin (je ne m'excuse pas auprès de tout les Kévin), ce n'est pas parce que tu as partagé une cagnotte en soutien aux palestiniens que cela fait de toi un bon allié. Il faut aussi admettre et comprendre que c'est avant tout une question de colonisation permit et nourrit par la société dans laquelle tu vis, et par conséquent, le confort dans lequel tu es.
Je pense que ce texte va paraître comme exacerbé, aigre ou tiré par les cheveux. Dans ce cas là, remettez vous en question. Mais par pitié, essayez quand même de ne retenir qu'une seule chose, DE-CEN-TREZ VOUS, MAINTENANT, PLUS QUE JAMAIS.
On peut être véritablement acteur de changement, mais cela ne pourra se faire que de manière COLLECTIVE.