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Billet de blog 19 mai 2015

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Hassan Al-Banna et la jeunesse (1/4)

Note de rappel : Le vendredi 29 mai 2015, le Tribunal de police de Lille devra juger, sur le fond cette fois-ci, la plainte pour diffamation non-publique, déposée par la direction du « Collège-Lycée Averroès », à l’encontre du professeur de philosophie, Soufiane Zitouni.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Note de rappel : 

Le vendredi 29 mai 2015, le Tribunal de police de Lille devra juger, sur le fond cette fois-ci, la plainte pour diffamation non-publique, déposée par la direction du « Collège-Lycée Averroès », à l’encontre du professeur de philosophie, Soufiane Zitouni.

La répétition outrancière de nombreux mensonges et contre-vérités de la part de la direction de l’UOIF, propriétaire et dirigeante de cet établissement d’enseignement privé musulman sous contrat d’association avec l’Etat, et le lynchage moral inadmissible qui a été réservé à ce professeur courageux, sur des réseaux sociaux et sur d’autres supports numériques et audiovisuels - avec la participation effective et étonnante du directeur de cet établissement et d’une professeur aussi - m’avaient convaincu, dès le mois de février, à la nécessité impérative d’engager une parole responsable, à découvert, sous forme de témoignages citoyens d’intérêt public, appuyant matériellement toutes les accusations formulées par ce professeur, et permettant ainsi à la Justice, aux responsables politiques, aux acteurs de l’Education Nationale, aux parents d’élèves, et à tout citoyen de se forger une opinion et d’éclairer un jugement.

Ainsi, le 11 févier, j’ai publié un premier article intitulé : «Amar LASFAR répond à Soufiane ZITOUNI : le déni ! »  (à lire ici). Le 17 mars, j’ai envoyé mon témoignage « Collège-Lycée Averroès de l’UOIF : l’arbre qui cache le désert ! » - un CD-Rom contenant des preuves matérielles - au Premier Ministre, à quelques responsables gouvernementaux, au Recteur de l’Académie de Lille et à une vingtaine d’organes médiatiques français (en premier lieu la rédaction de Mediapart), par voie recommandée avec accusé de réception. Le 19 mars, j’ai rendu public ce témoignage et ses éléments de preuves matérielles (à lire ici) et le 1 avril, j’ai publié un article intitulé : « Averroès : un lycée demi-écrémé ? » (à lire ici).

Qu’est-ce qui reste encore à dire ? Le présent article ainsi que les trois suivants, qui seront publiés tous avant le procès, apporteront de nouveaux éléments et quelques révélations inédites très utiles. Mon objectif, depuis le début de cette histoire, est, et restera toujours, d’éclairer les méandres des cavées islamistes, prenant en otage le prénom d’une foi religieuse, la mienne et celles de millions de français, pour atteindre des visées politiques lointaines, en instrumentalisant grossièrement une partie non négligeable de l’enfance française.

Mes témoignages sont « pour » l’enfance et « contre » l’islamisme, et non pas contre le « Collège-Lycée Averroès ». A l’issue de ces quatre publications, mon engagement citoyen, vis-à-vis de cette affaire en particulier, serait relativement accompli. Quelque soit la décision de la Justice, mon combat contre l’islamisme sera davantage amplifié, avec la même rigueur intellectuelle. L’obscurantisme religieux déteste la lumière. Après le 29 mai 2015, j’allumerai les phares !


Hassan Al-Banna et la jeunesse (1/4)

Par : Mohamed LOUIZI

(Temps de lecture estimé à : 25 minutes)

A l’origine d’une obsession :

Hassan Al-Banna (1906 - 1949) était professeur des écoles primaires durant presque dix-neuf ans. En parallèle avec ses fonctions dans l’enseignement, il commença sa prédication et fonda la confrérie des « Frères Musulmans » en 1928. Il quitta le chemin des écoles en 1946. L’éducation des enfants et des jeunes le préoccupait singulièrement. Cette préoccupation était excessivement manifeste chez ses « frères » contemporains. Elle l’est toujours chez ses successeurs, en Egypte, dans les pays arabes et en Occident.  S’adresser à ces tranches d’âge, à travers les parents, les instituteurs, mais aussi de manière directe, lors de rassemblements ou durant les colonies de vacances, cela représentait l’une de ses priorités capitales. Il considérait, durant toute sa vie, la jeunesse, y compris la très jeune jeunesse, comme étant l’avenir de son mouvement et de son projet islamiste.  

En effet, dans ses différentes épîtres, nombreux sont les passages dans lesquelles il abordait, longuement, la question de l’éducation de la jeunesse selon les préceptes religieux islamiques, et surtout suivant les fondamentaux de sa vision idéologique et de sa doctrine politique. Il y a même une épitre, de presque dix pages, professée vers la fin des années trente du siècle dernier, dédiée expressément à la jeunesse.

Celle-ci commence ainsi :

 «   Ô jeunes ! Une idée ne peut connaître le succès que si l’on y croit fortement ; que si l’on fait preuve de loyauté à son égard ; que si l’enthousiasme s’amplifie pour elle et que si l’on fait preuve d’aptitude  à se sacrifier et à œuvrer pour la concrétiser. D’ailleurs, ces quatre éléments fondamentaux, à savoir : la conviction, la loyauté, l’enthousiasme et l’action sont des qualités qui sont presque spécifiques aux jeunes. Car la base de la conviction, c’est le cœur intelligent. La base de la loyauté, c’est l’esprit sain. La base de l’enthousiasme, c’est le sentiment fort. Et la base de l’action, c’est l’ardente détermination. Toutes ces qualités ne se trouvent que chez les jeunes. C’est pour cette raison que les jeunes ont toujours été, par le passé comme aujourd’hui, dans chaque nation, le pilier central de son renouveau. Et dans chaque renouveau, ils étaient le secret de sa force. Et pour toute idée, ils sont les porteurs de son étendard. Dieu dit : « C’étaient des jeunes gens [les gens de la caverne] qui croyaient en leur Seigneur et que Nous avons fortifiés dans la bonne voie »[1] (La caverne) »[2].

Dans cette même lettre historique, Hassan Al-Bannaexpliqua à cette jeunesse ses devoirs et obligations, pour sauver la nation musulmane des dérives et des échecs. Il exposa, en des termes clairs, l’essentiel de sa vision stratégique lointaine, ainsi que les missions que cette jeunesse devait accomplir, pour atteindre les buts politiques recherchés par la confrérie.

Ici, il rappela l’un de ses crédos essentiels, je traduis : « Nous croyons fermement qu’il n’y a qu’une seule et unique idée qui est capable de sauver ce monde tourmenté, d’orienter l’humanité perdue et de guider les gens vers le droit chemin. Une idée qui mérite que l’on y sacrifie nos vies, notre argent et tout ce que l’on possède, que ce soit des choses dérisoires ou bien très chères, pour la proclamer et l’annoncer aux gens, afin de les entraîner à l’embrasser. Cette idée est l’islam »[3]

Un peu plus bas, il dit : « Nous allons faire le Jihad pour concrétiser notre idée. Nous allons lutter pour sa cause durant toute notre vie. Nous allons appeler tout le monde à y adhérer. Nous allons tout sacrifier pour elle. Deux choix nous sont offerts, ou bien nous vivront dignes grâce à cette idée, ou bien nous mourrons dignes pour sa cause. Notre devise sera toujours : Allah est notre ultime but ; le Messager est notre exemple et guide ; le Coran est notre constitution ; le Jihad est notre voie ; mourir dans le sentier d’Allahest notre plus grand espoir »[4]

Sur le chemin du Tamkine,marchons !

Toujours face à cette jeunesse attentive, obéissante et conquise à sa cause, il expliqua les sept étapes d’un programme politique clair, ciblant sept catégories, sept sphères concentriques, de la plus petite, la plus proche à la plus grande, la plus lointaine, en précisant que les « Frères Musulmans » savent exactement ce qu’ils veulent, et connaissent parfaitement les phases intermédiaires à traverser, avant d’atteindre la destination finale.

Il expliqua que la première étape des « frères » est d’éduquer d’abord « l’individu musulman »[5] pour qu’il soit fidèle à l’islam, un certain islam politique, dans sa pensée, dans sa croyance, dans son comportement, dans ses émotions, dans son travail, etc.

La deuxième étape est d’éduquer « le foyer musulman »[6], homme, femme et enfants. Hassan Al-Banna disait à ce propos : « nous voulons le foyer musulman. Celui-ci doit être à la fois musulman dans ses pensées et sa croyance, dans son éthique, ses émotions, son travail et son comportement. C’est pour cela que nous prenons soin de la femme au même titre que de l’homme. C’est pour cela aussi que nous nous occupons de l’enfance pareillement que de la jeunesse. Voici donc le sens de l’éducation que nous réservons à la famille »[7].     

La troisième étape est de composer le « peuple musulman »[8], à partir de toutes ces personnes et familles apprivoisées, lors des étapes précédentes. Le discours de la confrérie devait être diffusé partout dans les quartiers et les villes, tout comme dans les villages et les campagnes isolées.

La quatrième étape est d’atteindre le « gouvernement musulman »[9] qui, disait-il : « conduirait ce peuple musulman à la mosquée »[10], en précisant au passage, je traduis : « nous ne  reconnaissons aucun régime de gouvernance politique qui ne se base pas sur l’islam et qui ne puise pas ses lois de sa source [la Charia]. Nous ne reconnaissons ni ces partis politiques, ni ces configurations traditionnelles de gouvernement, que les mécréants et les ennemis de l’islam nous ont imposé »[11].

La cinquième étape est d’annexer à notre « gouvernement musulman »[12] chaque « partie de notre patrie islamique divisée par les politiques occidentales, et désunifiée par les convoitises européennes »[13]. Hassan Al-Banna visait la reconstruction à nouveau d’un Califat islamique très étendu.

La sixième étape est de permettre à « la bannière d’Allah d’être arborée à nouveau au-dessus de toutes ces contrées [occidentales] qui avaient connues le bonheur de l’islam et l’appel à la prière, pendant un certains temps, mais qui, par malheur, ont perdu ses lumières et se sont retournées à la mécréance »[14], disait-il. Il enchaîna ensuite, je traduis : « En effet, l’Andalousie, la Sicile, les Balkans, le Sud de l’Italie et les îles méditerranéennes, toutes ces colonies islamiques d’antan, doivent revenir au domaine géographique de l’islam. La Méditerranée et la Mer Rouge doivent redevenir islamiques comme avant. »[15]     

La septième et dernière étape est de « proclamer notre appel à l’islam à la face du monde entier. Nous voulons que cet appel puisse être entendu  par tous les gens, où qu’ils soient. Nous voulons le porter vers tout horizon. Nous voulons lui soumettre tout tyran, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition, et que tout culte soit rendu uniquement à Dieu. Et ce jour-là les croyants se réjouiront du secours de Dieu, qui accorde la victoire à qui Il veut, car Il est le Tout-Puissant, le Tout-Compatissant. »[16]  

Il expliqua ensuite à cette jeunesse qui l’écoutait religieusement, que pour chaque étape, les « Frères Musulmans » ont un mode opératoire, des plans - souvent secrets - clarifiant les sous-étapes, les subdivisions et les moyens adéquats. Par moment, le ton montait. Par moment, une certaine tendresse captivante se faisait entendre. La jeunesse frériste devait comprendre le projet dans sa globalité et dans ses visées lointaines, très lointaines. Elle devait intégrer, par cette occasion, quelques dogmes islamistes que répéta inlassablement Hassan Al-Banna, et à chaque occasion, sous différentes formules, rendant indissociable le « religieux » du « politique » et faisant l’éloge de la force, du Jihad et de la violence des armes, pour atteindre tous les buts précités.

La jeunesse entendit ainsi de nombreuses confirmations concises du genre : « séparer religion et politique ne fait pas parti des enseignements de l’islam »[17] ; « l’islam est à la fois religion et Etat, Coran et sabre » ; « les frères sont des moines la nuit et des cavaliers le jour »[18], etc. Les jeunes devaient comprendre que la vérité a toujours besoin d'être protégée par une force armée. Ils devaient assimiler sa théorie de l’inséparabilité entre « l’idée » et la « la force » ; entre « l’idéologie » et « la violence » ; entre « l’islamisme » et le « Jihad » ; entre « le Coran » et les « deux sabres » !   

Ainsi parla Hassan Al-Banna. Son discours, depuis, n’a pas cessé d’être relu, expliqué dans toutes les langues, vulgarisé, analysé et réincarné. Il sert depuis sa première énonciation de levier puissant, et de moyen très efficace de mobilisation apologétique, pour rajeunir, constamment, les rangs vieillissants des mouvements islamistes, se revendiquant à demi-mot à sa pensée et à son projet, ou liés directement au siège social de sa confrérie en Egypte, à travers tout un réseau international concourant, de son Tanzim planétaire, auquel adhère l’UOIF, idéologiquement et organiquement.

« Havre du Savoir », « CBSP-France » : poursuite d’une obsession ?

Force est de constater, effectivement, que ce discours, prononcé, il y a presque quatre-vingts ans, dans une Egypte de l’époque, administré sous protectorat britannique, trouve toujours une résonance particulièrement intense, aujourd’hui même en France.

Sur le site « Havre du Savoir », géré par le « frère » Moncef Zenati, membre du bureau exécutif de l’UOIF et chargé de l’enseignement et de la présentation de l’islam, une traduction d’un extrait[19] sélectionné de cette épître, est disponible en accès libre. Cet extrait n’est qu’une annonce, un avant-goût. Pour plus d’informations à son sujet, il faudrait se rapprocher des « frères » chargés de la présentation de l’islam d’Hassan Al-Banna, dans chaque ville. Je ne ferais jamais ici le reproche à un « frère » de rendre publique un texte du fondateur de la confrérie, dont il fait parti, sur un site dédié à la vulgarisation de sa pensée, bien au contraire. Encore faudrait-il que cette affiliation idéologique et organique incontestable soit simplement assumée ! Je pourrais tout de même me demander pourquoi se limiter à traduire uniquement à un tout petit paragraphe, habillement choisi, d’un très long texte de dix pages, très explicite ? Pourquoi les visées stratégiques et les étapes, par exemple, n’ont pas été traduites ?

Par ailleurs, et c’est là où le constat est troublant et de nombreuses interrogations deviennent légitimes, c’est lorsque le directeur du « Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens » (CBSP-France), « frère musulman » à son tour, et membre très actif de l’UOIF, publie le 5 septembre 2014 sur son mur Facebook, un enregistrement sonore en arabe, diffusé par la chaine qatari Al-Jazeera, de l’introduction de cette épître d’Hassan Al-Banna, adressée à la jeunesse. Lorsque l’un de ses amis francophones lui demanda gentiment une « petite traduction ». Le directeur CBSP-France répondait qu’Hassan Al-Banna voulait insister sur le rôle de la jeunesse. Le directeur de cet organisme, officiellement à caractère caritatif, résumait le propos de son défunt guide-suprême en synthétisant à sa façon, je cite : « Tout simplement les jeunes, les jeunes, les jeunes, sont le ciment de toute civilisation, de toute renaissance, etc. ». Néanmoins, quel est le rapport entre le CBSP-France et Hassan Al-Banna ? Entre le CBSP-France et la jeunesse musulmane ? Entre l’humanitaire, l’idéologique et l’apologétique ?

Le 14 février, après avoir partagé la photo du président turque Erdogan, faisant le signe de ralliement aux « Frères Musulmans » d’Egypte, avec ladite « main de Rabia »  - ou les quatre doigts du Tamkine - le même responsable du CBSP-France, posta un mot et un lien.

Dans son mot, il disait : « Soutenons le lycée musulman Averroès de Lille » et le lien est celui de la pétition : « Avec Averroès »[20]. Le 17 février, il republia ce même message et ce même lien de soutien au lycée lillois. Le 18 février, il publia un article du site saphirnews en faveur du lycée. Toujours le 18 février, il publia à nouveau son message de soutien et le lien vers la pétition, et ainsi de suite !

Des choses restent très confuses dans ma tête, je ne comprends pas le lien entre le CBSP-France ; l’épître d’Hassan Al-Banna adressée aux jeunes, il y a quatre-vingts ans ; la main du Tamkine d’Erdogan et le soutien répétitif au « Lycée Averroès ». Y’aurait-t-il déjà un lien, direct ou indirect, entre une association caritative, pour l’aide aux palestiniens, et un lycée privé musulman sous contrat d’association avec l’Etat ? Y’aurait-il là un quelconque conflit d’intérêts ? Un débordement de l’idéologique sur l’humanitaire ? Ou une simple bienfaisance et solidarité avec les jeunes de la « bande » du lycée Averroès ? Comprendra qui voudra, me dit-on. Moi, j’ai ma petite idée.

En guise d’introduction …

Certes, le prochain volet ne répondra pas à toutes ces interrogations concernant des « frères » français, agissant officiellement dans l’humanitaire mais tout en ayant un œil convoiteux sur le monde de la jeunesse musulmane. Toutefois, il présentera des projections, des traductions pratiques et des applications concrètes des discours d’Hassan Al-Banna, par la jeunesse de son époque et aussi par les générations suivantes de jeunes, après lui.

Il mettra en perspective quelques éléments supplémentaires pour aider à comprendre l’obsession qu’ont les « frères », depuis toujours, visant à atteindre, à tout prix, la domination politique globale, dans le strict respect des sept étapes que contient cette épître. L’on verra aussi la genèse du recours à la violence qu’a encouragé Hassan Al-Banna de son vivant, d’abord contre le colonisateur britannique, puis contre les israéliens et, subsidiairement, contre des quartiers juifs d’Egypte et aussi contre le régime politique égyptien lui-même. La spirale des violences engagée entre l’Etat égyptien et la confrérie, entre la confrérie et l’Etat égyptien, pour ne parler que de ce duel significatif, parmi tant d’autres, ne date pas d’aujourd’hui. Certains fruits amers, murement cueillis ces jours-ci, appartiennent à un arbre maudit dont la première graine a été plantée, dans les années trente, dans la tête de chaque jeune endoctriné par Hassan Al-Banna.

L’on verra aussi les deux principaux courants qui sont nés, à l’intérieur même de la confrérie, dès l’assassinat d’Hassan Al-Banna en 1949, qui ont pris forme depuis les années cinquante et qui continuent de coexister, malgré tout, et de rythmer la dynamique interne, avec des oppositions très conflictuelles - justement au sujet du recours systématique à la violence et aussi au sujet du culte du secret - avec un rapport de force très déséquilibré, toujours en faveur des tenants d’un discours va-t-en-guerrier, que les cosmétiques langagiers, là-bas comme ici, n’arrivent plus à masquer.

Il s’agit, premièrement, du courant minoritaire, dit Al-Bannaoun (البناؤون), relatif à Al-Banna, un courant plutôt réformiste, modérément jihadiste et rejetant le takfirisme, représenté, dans une certaine mesure, par le deuxième guide-suprême Hassan el-Houdaybi et puis, plus clairement, par le troisième guide Omar el-Tilmisani.

Et deuxièmement, le courant majoritaire, dit Al-Qotbiyyoun (القطبيون), les Qotbistes, une branche dure de la confrérie, acquise à la pensée de Sayyid Qotb, visant le pouvoir politique, à tout prix, et vénérant le Jihad armé et l’usage de la violence, si nécessaire. Les têtes d’affiche de ce courant, tous ou presque, étaient, ou sont toujours, membre de la direction des milices de jeunes paramilitaires de la confrérie, connu sous le nom d’ « al-Tanzim al-Khas » (التنظيم الخاص), que fonda Hassan Al-Banna en 1940.

Depuis 1996, avec l’arrivée du cinquième guide-suprême, Mustafa Machhour, le courant réformiste a été affaibli, mis à l’écart, et rendu très minoritaire par les qotbistes. Depuis, ce sont bel et bien les membres du noyau dur de ce courant qui ont poussé  Mohamed Morsi à se présenter aux élections présidentielles de 2012, pour atteindre ainsi le but ultime, tracé dans le plan secret du Tamkine, découvert par la police égyptienne en 1992, à la marge de la fameuse « Affaire Salsabîl »,  chez l’un des qotbistes les plus redoutables. Il s’agit de Mohamed Khayrat al-Chater, qui devait être le candidat des « frères » en 2012 et que Mohamed Morsi a du remplacer, pour raison de casier judiciaire non vierge.

Toutefois, le plus qotbiste de tous, c’est l’actuel guide-suprême par intérim, qui a fuit l’Egypte, selon de nombreuses sources concordantes, à l’aube de la chute du régime des « frères », en 2013. Il s’agit de Mahmoud Ezzat, surnommé «L’homme de fer», ou « le chef de fil du courant qotbiste », ou le « Monsieur X des frères » ou bien « Le renard ». Il était le bras droit d’un certain Sayyid Qotb jusqu’à sa pendaison, en 1966.

Aujourd’hui, il vit quelque part à Gaza, au Qatar, au Yémen, ou en Turquie. Les informations concernant son lieu de résidence actuel sont contradictoires. Ce qui est sûr et certain, c’est qu’il a fuit quelques part. Ses stratégies qotbistes, ses choix idéologiques et politiques sont, en partie, responsables du chaos égyptien actuel.

Cela ne justifie en aucun cas l’injustice et la barbarie des condamnations à mort des membres et responsables de la confrérie qui n’ont pas fuit leur pays. L’histoire retiendra les responsabilités effectives du régime corrompu en Egypte depuis des décennies, au moins depuis l’ère d’Hosni Moubarak, plongeant l’Egypte dans la misère généralisée. L’histoire retiendra le rôle des militaires dans l’instrumentalisation d’une colère populaire légitime, après un an de gouvernance islamiste inquiétante et très approximative, tâchée de nombreuses fautes incompréhensibles et insoutenables[21]. L’histoire retiendra aussi les responsabilités morales, des uns et des autres.

L’histoire retiendra certainement, enfin, la fuite de l’architecte d’un si très mauvais édifice, qui a fini par s’effondrer, tuant d’abord ses propriétaires. Il court, il court le « renard ». Il est passé par ici. Il repassera par là. Le « renard » est bien caché. Mais Mohamed Morsi, le président élu démocratiquement, puis destitué par un coup d’état militaire sanglant, est en attente d’une énième exécution, opérée par une « machine de la mort », coupant les têtes, en régime forcé, au vu et au su du monde entier.   

Qui a énoncé, en premier, le but du Tamkine à tout prix ? Qui est responsable de semer la première graine de la violence dans la tête des « frères », et dès leurs jeunes âges ? Qui a entretenu ensuite, cette jeune plante maudite ? Qui a continué à arroser cet arbre lugubre ? Le prochain volet en présentera quelques éléments de réflexions. Un aperçu d’une page de l’histoire secrète de la confrérie y sera proposé. A suivre !  


[1] Coran, 18, 13.

[2] Hassan Al Banna, Épîtres de l’imam martyr Hassan Al-Banna (en arabe), Dãr Al-Hadarah Al-Islamiyyah, p. 173.

[3] Hassan Al Banna, Ibid. p. 175.

[4] Hassan Al Banna, Ibid. p. 176.

[5] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[6] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[7] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[8] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[9] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[10] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[11] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[12] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[13] Hassan Al Banna, Ibid. p. 177.

[14] Hassan Al Banna, Ibid. p. 178.

[15] Hassan Al Banna, Ibid. p. 178.

[16] Hassan Al Banna, Ibid. p. 178.

[17]Hassan Al Banna, Ibid. p. 179.

[18] Hassan Al Banna, Ibid. p. 180.

[19] Lire et écouter ici : http://havredesavoir.fr/message-a-la-jeunesse-de-limam-hassan-al-banna/

[20] A consulter ici (statistiques) : http://www.petitions24.net/stats.php?id=109403

[21] Ici, un premier article synthétisant les raisons de la chute de Mohamed Morsi (http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2737p046-047.xml0/). Le deuxième est à lire ici (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/924026-egypte-les-3-erreurs-fatales-de-mohamed-morsi-et-des-freres-musulmans.html). Le troisième, en anglais, présente un aperçu des différents leaders actuels de la confrérie (http://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/whos-who-in-the-muslim-brotherhood).

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