Mohammed Ibn Najiallah (avatar)

Mohammed Ibn Najiallah

Chercheur en histoire, auteur.

Abonné·e de Mediapart

13 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 décembre 2024

Mohammed Ibn Najiallah (avatar)

Mohammed Ibn Najiallah

Chercheur en histoire, auteur.

Abonné·e de Mediapart

Le mot "Algérie" n'est pas une création française : Le subterfuge terminologique

Mohammed Ibn Najiallah (avatar)

Mohammed Ibn Najiallah

Chercheur en histoire, auteur.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Introduction

 Les adeptes de la thèse fallacieuse faisant de l'Algérie une création coloniale française affirment que le nom « Algérie » serait apparu pour la première fois après la conquête européenne du Maghreb central, et que, par définition, cet État ne peut être qu'une invention française puisque c'est elle qui lui aurait donné son nom. Nous allons déconstruire cet argument sophistique en trois étapes. Tout d'abord, nous commencerons par montrer que le terme « Algérie » n'est aucunement d'origine française. Ensuite, nous verrons que cette appellation existait plusieurs siècles avant le débarquement français à Alger, et nous terminerons, dans le prochain chapitre, notre démonstration par prouver l'invalidité de ce raisonnement en mettant en lumière le caractère fallacieux de sa fondation sémantique. En premier lieu, pour comprendre l'inconsistance de ce raisonnement orienté idéologiquement, il faut comprendre que, d'une part l'existence d'un pays n'est pas avérée par sa seule appellation, mais par un patrimoine archéologique, anthropologique, historique et culturel. Et, de ces points de vue, l'existence de l'Algérie en tant qu'entité ne souffre d'aucune contestation possible. Les appellations, elles, changent au fil des siècles et des dominations et influences étrangères. Cela est valable pour chaque nation sur terre. La France n'a pas débuté son existence à partir de l'arrivée des Francs. Il ne viendrait donc pas à l'idée d'une personne saine d'esprit d'affirmer que la France n'existait pas avant l'arrivée de ces tribus germaniques, en balayant d'un revers de la main toute l'histoire antérieure de cette nation.

Al Djazaïr ou Algérie ? Le subterfuge terminologique

L'appellation Al Djazaïr vient d’Al Djazirat Al Maghreb, qui signifie, en langue arabe, « les îles du couchant ». En effet, lorsque les Arabes ont conquis le nord de l'Afrique, au 7e siècle, ces derniers ont nommé cette région Al Maghreb, qui signifie, en schématisant, l'ouest (ou l'Occident) du monde arabo-musulman, comme l'explique l'historien arabe né à Tunis, Ibn Khaldûn. Par ailleurs, ce qui prouve que cette appellation du pays est très ancienne, c'est que ce même Ibn Khaldûn désigne, dès le 14e siècle, le Maghreb central avec le terme Bilad Al Djazaïr, qui se traduit, en arabe, par « le pays d'Alger ».

Le mot arabe Al Djazaïr a été retranscrit et déformé un certain nombre de fois par les divers peuples occidentaux ayant été en contact avec le peuple arabe. Au 19e siècle, les Espagnols désignaient la capitale algérienne sous le nom Argel. Les Italiens, eux, utilisaient déjà le terme Algieri, et même Algeri. [1] [2] [3]

Les Anglais, eux, employaient le mot Algiers. Dès le 13e siècle, des cartes maritimes contiennent des transcriptions européennes de l'appellation Al Djazaïr, comme celle conservée à Gênes, l'Atlas de Tammar[1], ou, encore, une carte pisane de la bibliothèque nationale datée entre 1275 et 1300.

A partir du 14e siècle, le terme que l'on retrouve sur les documents de cette époque est Aljer, prononcé Aldjère, qui n'est qu'une contraction du mot arabe Al djezira. La forme italienne, Algieri, est, quant à elle, déjà présente au 13e siècle dans une carte maritime datée de 1300. Ce terme est également présent sur un planisphère italien au 15e siècle et sur une carte de Magliabechi. Enfin, en février 1751, soit, près d'un siècle avant le débarquement français en Algérie, un traité de paix entre la régence d'Alger et Hambourg fût signé, et le mot employé pour désigner l’Algérie pré-coloniale était...Algeriis.

 Bien avant l’invasion coloniale de l’Afrique du Nord, on retrouve, dans la langue latine, différentes formes de ce qui deviendra, plus tard, le terme « Algérie ».

Dans un ouvrage édité entre 1626 et 1629, on peut déjà voir par ailleurs le mot « Algérie » :

 « …Tripolis & Algerie Prosultanis… »[2]

En 1629, dans l’ouvrage « Syngramma historicum , in quo continentur I. prolegomenon de historia », nous pouvons lire :

« Algeriana profecto in Maurit » ; et « Algieram Affricae…”[1]

Quelques années plus tard, en 1649, dans l’ouvrage « Joan. Henrici Alstedii Scientiarum omnium encyclopaediae », nous lisons :

« Saldae, Colonia, Algeria… »[1]

 En 1656, Ambrogio Calepino écrivait déjà :

« …vulgò Algeriam vocant, regnum Ariadeni Barbarossa…”[2]

Voici donc la première supercherie. Le mot « Algérie », ni même « Alger », ne sont aucunement d'origine française, mais de simples déclinaisons littérales des diverses formes européennes de l'appellation originelle arabe du territoire algérien, « Al Djazaïr », qui est toujours le nom par lequel les Algériens appellent leur patrie depuis l'époque médiévale. Les Français, pour nommer leur possession d'Afrique du Nord, ne feront qu'ajouter deux voyelles au mot  « Alger » (Alger/ie), comme avec la régence de Tunis[1], qui donnera le mot « Tunisie ».

Ensuite, le deuxième élément que nous devons mettre en évidence pour démasquer la fausseté du raisonnement des algerianophobes, c'est que ces détracteurs malhonnêtes utilisent uniquement le terme français « Algérie » pour tenter de prouver, avec maladresse, que l'Algérie serait une création française. Effectivement, ceci n'est pas fait de manière innocente, puisqu'en restreignant le champ de recherche étymologique à la seule terminologie française désignant le pays, les négateurs auteurs de cette thèse chimérique évitent volontairement de pousser la réflexion et la recherche au-delà de leur espace terminologique qui ne comprend que le terme « Algérie ». La manipulation sophistique réside, ici, dans le fait de déterminer, dès les prémisses du raisonnement, la conclusion souhaitée par ces derniers.

L'"Algérie" dans la littérature ancienne

Pour parer à cette tentative de manipulation, il est impératif de rappeler que le terme « Algérie » étant un mot français, ce dernier est donc utilisé essentiellement (de manière officielle, en tout cas), lorsque le locuteur s'exprime en langue française. Or, fonder une thèse sur l'existence d'un pays de civilisation arabo-musulmane et de langue arabe en se basant sur un terme français, est, assurément, la meilleure manière de tomber dans l'erreur la plus totale. Pour mener une étude pertinente, c'est donc la langue arabe qu'il convient d'utiliser comme référence afin de comprendre l'origine de cette appellation. Et celle-ci, en arabe, est « Al-Djazaïr », et, comme nous l'avons démontrée, cette appellation est utilisée par les Algériens depuis un millénaire pour nommer leur pays. Pour aller plus loin, et démontrer, une bonne fois pour toutes, que la France coloniale ne fût aucunement la créatrice, en 1830, du terme « Algérie », nous allons voir que plusieurs années, voir, plusieurs siècles avant la démarche impérialiste française, plusieurs ouvrages et archives officielles mentionnaient l’Algérie pré-coloniale avec le terme « Algérie », sous ses diverses inclinaisons, et que les habitants de ce territoire (et non pas uniquement les dirigeants algériens, comme tentent de le faire croire les négateurs algérianophobes, comme nous allons le démontrer) étaient déjà appelés « Algériens ».

 Le premier document historique dont nous disposons où figure l’appellation originelle du Maghreb central, en langue arabe, est un ouvrage de l’historien arabe Al Bekri, daté de l’année 1068, intitulé « Royaumes et routes d’Al Bekri ». Dans ce livre, où l’historien arabe raconte le parcours de voyageurs traversant les frontières du Maghreb, ce dernier écrit :

« Des dunes somptueuses d’un pays nommé Al Djazaïr ».

 Le 10 août 1357, une lettre du roi de Pierre IV, le roi d’Aragon, adressait une lettre au roi du Maroc, dans le but de prolonger un traité de paix de cinq années supplémentaires. Dans celle-ci, le roi utilisa, 500 ans avant que la France ne débarque en Algérie, les mots « Alger » et « Algerit ».[2]

Au 14e siècle, Ibn Khaldûn, le célèbre historien et précurseur de la sociologie né à Tunis, publia son œuvre majeure, « Al Muqqadima ». Dans cet ouvrage, rédigé sur plusieurs années, Ibn Khaldûn mentionna la ville d’Alger avec l’appellation « Al Djazaïr ».[3]

Ferdinand le Catholique, dans une archive officielle catalane, une lettre du roi datée du 18 décembre 1511, appelait déjà l’Algérie pré-coloniale avec le terme « Algerii ».[4] Un an plus tard, le 24 août 1512, le roi Ferdinand mentionna encore la régence d’Alger en l’appelant « Alger ».[5]

Le dernier élément que nous allons mettre en évidence, est une pièce de monnaie algérienne datée de quelques années avant le débarquement colonial sur les terres algériennes. Par ailleurs, celle-ci nous permettra de démontrer trois éléments d’un coup.

En effet, dans une pièce datée de l’année 1823, nous pouvons y voir une phrase écrite en langue arabe, dont la traduction est :

 « Frappé en Algérie (Dûribû fi Al Djazaïr). »

 En plus de nous démontrer que l’appellation de l’Algérie pré-coloniale « Al Djazaïr », dans la langue originelle du peuple algérien, n’a pas changé depuis que les Arabes l’ont nommée ainsi, et cela, jusqu’aujourd’hui, cette pièce nous prouve également que le royaume d’Alger n’était pas une colonie turque et était totalement indépendant de la Sublime Porte (comme nous l’avons démontré de manière factuelle grâce à des archives officielles, dans le premier chapitre de cette troisième partie), puisque la Régence battait sa propre monnaie, et, de plus en langue arabe.

Les témoignages mettant en lumière sans ambiguïté aucune le caractère fallacieux et totalement mensonger de sophistes algérianophobes reniant l’existence du nom francisé du pays ne s’arrêtent nullement aux seuls ouvrages écrits ou aux correspondances officielles entre l’Algérie pré-coloniale et les différents États avec lesquelles elle fût en relations diplomatiques, puisque plusieurs éléments cartographiques viennent corroborer allégrement tout ce que nous venons d’énoncer.

Nous débuterons notre démonstration avec une gravure sur plaque de cuivre d’un marchand, éditeur et cartographe d’origine espagnole, nommé Antonio Salamanca, né en 1478, représentant un plan de la capitale de la régence d’Alger. Dans celle-ci, publiée à Rome en 1541, nous pouvons y voir que le nom utilisé pour nommer la ville d’Alger, est « Algeri ». Près de 300 ans avant que la France ne débarque dans l’Algérie pré-coloniale afin d’y mener sa mission impérialiste, le terme « Algérie », sans la lettre « e » (en italien), existait déjà.  Nous pourrions, en réalité, d’ores et déjà nous arrêter là, puisque cet élément prouve d’emblée que le terme « Algérie » n’est aucunement une création de la France coloniale, car ce terme, bien qu’(à peine) orthographié différemment, préexiste de trois siècles la colonisation française du Maghreb central. Mais, pour les plus sceptiques, ou les plus atteints de la maladie de la mauvaise foi, nous allons leur faire le plaisir (ou le déplaisir, selon les cas) de leur apporter d’autres exemples.

 Sebastian Münster, un cartographe allemand, publia un ouvrage en langue latine en 1550, intitulé « Cosmographia Universalis. De Africae Regionibus ». Dans celui-ci, l’auteur utilisera à plusieurs reprises le terme « Argieram », pour désigner la régence d’Alger et/ou sa capitale. Ce mot, qui dérive évidemment d’« Alger », lui-même étant le résultat d’une déformation du mot arabe « Al Djazaïr », comme nous l’avons démontré quelques pages en arrière, sera utilisé dans les ouvrages et documents latins pour nommer l’Algérie actuelle, et cela, plusieurs siècles avant que ne débute la colonisation impérialiste française, notamment dans l’ouvrage du français Nicolas Durand de Villegagnon, publié en 1542. Sebastian Münster, par ailleurs, dessinera une carte quelques années plus tard, en 1578, où il utilisera le mot « Argiera », toujours en latin, pour qualifier l’Algérie actuelle (et non pas seulement sa capitale).

 Entre 1572 et 1617, un topo-géographe allemand du nom de Georg Braun, et un graveur belge, publièrent plusieurs volumes d’une sorte d’Atlas intitulé « Civitates Orbis Terrarum », regroupant plusieurs villes du monde. Dans cet ouvrage, précisément dans le deuxième volume, publié en 1575, ce sont les termes « Algeria » et « Algerii » qui sont employés pour la capitale algérienne.

 A la fin du 16e siècle, le cartographe et géographe Abraham Ortell (ou Ortelius), né à Anvers, en Belgique, écrivait déjà, dans une carte publiée en 1584, l’appellation « Algeri » pour nommer la capitale du Maghreb central. Donc, près de 300 ans avant la conquête coloniale de la régence d’Alger.

 En 1616 et 1618, le Français Jean l’Hoste créa deux globes, l’un terrestre et l’autre céleste. Dans la première, nous pouvons voir l’Algérie actuelle représentée avec pratiquement les mêmes frontières nord que celles d’aujourd’hui.

 Au début du 17e siècle, précisément en 1623, Daniel Meisner, un poète et graveur né dans la République Tchèque actuelle, publia une série de plus de 800 gravures représentant des paysages urbains. Dans l’une d’elles, figurait la capitale algérienne, nommée, déjà, « Algier ».

 A la toute fin du 16e siècle, c’est Gerard Mercator Jr, le petit-fils du célèbre Gerard Mercator flamand, qui inventa tout simplement la projection cartographique de la Terre dite « cylindrique », qui n’est d’autre que le planisphère de référence à notre époque, qui publiera, en 1628, une carte du continent africain. Dans celui-ci, nous pouvons également lire le mot « Algieri », pour nommer la capitale de la régence d’Alger.

 Peu après le milieu du 17e siècle, en 1655, le célèbre cartographe français Nicolas Sanson publia une carte de la « Barbarie » (l’Afrique du Nord ). Nous pouvons y voir le Maghreb central dans ses frontières nord actuelles, sous le nom de « Royaume d’Alger ».

 Toujours en cette année 1655, c’est un autre cartographe français, Pierre Duval, qui n’est autre que le neveu de Nicolas Sanson, qui publiera une carte de l’Algérie pré-coloniale, qu’il nomma, par ailleurs, « Carte du Royaume d’Alger ». Également, le pays tout entier est appelé, par le cartographe, « Pais (pays) d’Alger ». Dans cette carte, un élément nouveau et particulièrement intéressant est à relever, puisqu’il est très révélateur de la puissance et de l’influence de l’Algérie pré-coloniale. En effet, sur cette carte, la mer Méditerranée est renommée, par Pierre Duval, en « Mer d’Alger ».

 En 1698, un autre cartographe français du nom de Nicolas de Fer, publiera une carte où il indique l’appellation « Royaume d’Alger » pour désigner l’Algérie actuelle. Sur cette même carte, le cartographe désigne les habitants du Maghreb central avec le terme « Algériens ». Ce qui signifie que, près de 150 ans avant que les colons occidentaux ne foulent le sol de l’Algérie, le terme « Algériens » était déjà employé pour nommer les habitants de l’Algérie pré-coloniale. Comment la France aurait-elle donc pu « créer l’Algérie » en 1830, si les Algériens existaient déjà un siècle et demi avant qu’elle ne débarque en Algérie ? Continuons.

 Au tout début du 18e siècle, le géographe français Guillaume Delisle, publiera une carte, l’année 1700, soit, pratiquement un siècle et demi avant le débarquement français en terre algérienne, dans laquelle il indiquera « Royaume d’Alger », pour désigner l’Algérie pré-coloniale.

 Au début des années 1730, Thomas Shaw, le Britannique que nous avons déjà cité dans notre ouvrage, dessina une carte appelée : « Carte de la partie méridionale du Royaume d’Alger ».

 En 1740, l’avocat et homme politique Sir John Willes, publia une œuvre intitulée « The Bench », dans laquelle il dessina un plan de la capitale de l’Algérie pré-coloniale. Nous pouvons voir qu’il nomma son document « Plan de la ville d’Alger et des pays alentour ».

 En 1744, Emanuel Bowen, d’origine galloise et cartographe royal pour le roi d’Angleterre George II ainsi que pour le roi français Louis XV, publia une carte d’Afrique du Nord. Dans celle-ci, nous pouvons constater que l’Algérie, dans ses frontières actuelles au Nord et dans une partie de son Sahara, existait bel et bien, sous le nom de « Royaume d’Alger », près de 100 ans avant la colonisation française du territoire du Maghreb central.

 En 1760, un cartographe italien du nommé Antonio Borg, publia une carte intitulée « Citta e Porto d’Algeri in Barbaria ». La France coloniale aurait-elle véritablement pu « inventer » le mot « Algérie » en 1830, si celui-ci était déjà utilisé des décennies, voir des siècles, avant cette date ?

 En 1764, un hydrographe français originaire de Marseille, dessina un plan de la capitale de la Régence arabe d’Alger, qu’il nomma « Baye (baie) d’Alger. »

 La même année, un autre Français, Jacques-Nicolas Bellin, publia lui aussi un dessin d’Alger, qu’il intitula également « Plan de la Baye (baie) d’Alger ».

 Quelques années plus tard, en 1775, c’est un certain R. Baldwin qui publia, dans un magazine londonien, une carte du Maghreb où l’Algérie actuelle apparaît avec les mêmes frontières et le même nom que sur la carte d’Emanuel Bowen. En 1805, soit, 25 ans avant l’entrée des troupes françaises, une carte de John Carry, cartographe britannique né en 1755, montrait déjà l’Algérie et le Maghreb actuel avec les mêmes frontières que celles d’aujourd’hui, excepté le sud du Sahara. Par ailleurs, dans cette carte, le terme « Algiers » est utilisé pour désigner l’ensemble du territoire du royaume d’Alger, et non pas uniquement sa capitale, comme tentent de le faire croire encore très souvent les sophistes hostiles pathologiquement à l’Algérie. Enfin, le dernier exemple que nous allons citer, est celui du colonel Rottiers et de Witdoeck, qui publièrent également un plan de la capitale algérienne, en 1828, soit, deux ans avant que le gouvernement français ne prenne possession de la ville. Encore une fois, c’est « Baie d’Alger » qui était employé.

Pour conclure sur ce thème déjà bien fourni, nous allons, maintenant, jeter un œil curieux sur la presse française, afin de voir si les journaux datés d’une période antérieure à l’année de l’entreprise colonialiste de 1830 mentionnaient déjà le nom d’ « Alger ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que les éléments issus de la presse sont extrêmement riches et nous seront très utiles pour notre démonstration. En effet, lors de nos recherches, nous avons pu recueillir un nombre incalculable de pages de journaux datés de la fin du 17e siècle à la veille de l’expédition française du début du 19e siècle, qui font référence de manière explicite à l’Algérie pré-coloniale. Comme il est naturellement impossible d’être exhaustif, tant le nombre est faramineux (plus d’un millier de pages de journaux sur une période de deux siècles), nous allons présenter, dans les lignes qui suivent, les cinq premiers journaux français ayant mentionné le nom d’Alger.

 L’une des mentions les plus anciennes du mot « Alger », pour mentionner l’Algérie pré-coloniale, se trouve dans le premier numéro du tout premier journal français de l’histoire : « La Gazette ». A la date du 1er janvier 1631, l’hebdomadaire écrit :

 « Vaisseaux marchands de Marseille pris par ceux d’Alger ». [6]

 40 ans plus tard, c’est un autre journal, « Le mercure galant » trimestriel cette fois, qui vit le jour, en date du 1er janvier 1672. Et c’est encore dans ce premier numéro que nous retrouverons la mention d’ « Alger ». [7]

 A la toute fin du 17e siècle, un journal bihebdomadaire vint s’ajouter à La Gazette et au Mercure Galant au sein de la presse écrite française. Dans le numéro 55, nous pouvons y lire une phrase faisant référence aux « pirates de Tripoli et d’Alger ».[8]

 Au siècle suivant, c’est le premier numéro du nouveau journal hebdomadaire « Observations sur les écrits modernes », fondé le 1er janvier 1735, qui cite « Alger »[9]

 Le 22 février 1752, « La Gazette de Cologne », journal bihebdomadaire fondé le 13 avril 1734, ouvrit son 15e numéro avec une chronique nommé « Afrique. D’Alger ». [10]

 En bonus, nous pouvons également faire référence à une médaille d’argent et une autre d’or, datées de 1751, représentant un traité de paix signé entre Hambourg et le royaume d’Alger.[11] Dans ces dernières, le terme indiqué et gravé pour nommer l’Algérie pré-coloniale est « Algeriis ».

 Également, toujours en bonus, nous pouvons citer une gravure datée de l’année 1612 représentant une femme « maure », où il est indiqué « Alger, en Barbarie ».

Conclusion

 Nous pourrions également citer les cartes d’Adrien Hubert Bruse, de Jean Janvier, et de bien d’autres. Nous pourrions multiplier les exemples de ce type pendant encore des dizaines de pages supplémentaires, tant les preuves cartographiques prouvant non seulement l’existence factuelle d’une Algérie pré-coloniale, mais également que le nom du pays n’est aucunement une création française, mais, pour toutes les nommer et les détailler, il nous faudrait y consacrer un ouvrage entier, tellement les éléments sont nombreux.

Comme nous venons de le voir, la tartufferie intellectuelle de l'utilisation fallacieuse de l'appellation francisée, et (non pas d’origine française), « Algérie » n'a de fondement qu'une simple substitution de terme, un remplacement de l'appellation véritable dont l'origine provient de l'arabe, langue du peuple, par un terme n'étant pas plus qu'un bricolage terminologique (et non une création) assemblant une version européenne déclinante de la désignation arabe du pays, en se contentant seulement de rajouter le suffixe « ie », bien que, comme nous l’avons vu, elle ne fit, en réalité, qu’ajouter la lettre « e » , puisque le mot « Algeri » existait déjà en langue française en 1681. Cette acrobatie linguistique, pourtant, ne peut suffire à supprimer la substance historique attestée de ce pays, qui rappelons-le encore une fois, n'est pas déterminée, ni avérée par son appellation, ou l'une d'entre elles[12], mais par un passé historique avéré par son héritage civilisationnel et culturel.

Mohammed Ibn Najiallah 

[1] D'ailleurs, personne ne dit que la Tunisie est une création coloniale. Il est étrange que seule l'Algérie soit victime de ce mensonge.

[2] Capmany, memorias. Coleccion diplomatica, T IV, p 121. Archives de la couronne d’Aragon. Ex regest. Diversorum regis Alfonsi III, 1355-1359, fol. 303 B

[3] Ibn Khaldûn, Discours sur l’histoire universelle (al-Muqqadima). Collection UNESCO d’œuvres représentatives. Traduction Vincent Monteil. Tome premier. P. 129

[4] Capmany, memorias. Coleccion diplomatica, T II p.323

Archives municipal de Barcelone. Ex Lib. Virvido, fol, 103

[5] Capmany, memorias. Coleccion diplomatica. T II, P 326

Archives municipal de Barcelone. Ex Lib. Virvido, III, fol 87

[6] La Gazette. 1er janvier 1631. P.38

[7] Le Mercure galant. 1er janvier 1672. P. 299

[8] La Quintessence des nouvelles historiques, critiques, politiques, morals et galantes. 10 juillet 1698. Numéro 55. P. 1

[9] Observations sur les écrits modernes. 1er Janvier 1735. Page 1

[10] Gazette de Cologne. Numéro 15. 22 février 1752. P. 1

[11] La Gazette. Numéro 17. 24 avril 1751. P. 5

[12] Surtout lorsqu'elle se limite à une version postérieure de plusieurs siècles à sa véritable terminologie.

[1] « Joan. Henrici Alstedii Scientiarum omnium encyclopaediae. Johann Heinrich, Alsted. 1649. P.250

[2] Ambrosii Calepini Dictionarium (octolingue)... accurate emendatum... Adjectae sunt latinis dictionibus hebraeae, graecae, gallicae, italicae, germanicae, hispanicae atque anglicae. Ambrogio Calepino. 1656. P.506

[1] Syngramma historicum , in quo continentur I. prolegomenon de historia. Philipp Glaser. 1629. P. 142

[1] Luxoro Atlas.

[2] Illustris viri Jacobi Augusti Thuani,... Historiarum sui temporis ab anno... 1543 usque ad annum. Jacques-Auguste Thou. 1626-1629. P.17

[1] Journal des débats politiques et littéraires. 1er février 1817. P. 1

[2] Introduttione nell'antica repub. romana del sig. Pietro Magno. Pietro Magno, Ambrosio Lisci. 1606.

[3] Cronica del gran regno del Peru. Pedro de Cieza de León. 1576.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.