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Billet de blog 21 novembre 2024

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La "Beurette" et le fetichisme ethnique : hypersexualisation de la femme maghrébine

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Le fetichisme ethnique

Le fétichisme ethnique est un concept sociologique qui fait référence à la valorisation excessive et essentialisée d'une culture ou d'une ethnie, considérée comme supérieure aux autres. Cette valorisation est souvent basée sur des stéréotypes et des clichés culturels, réduisant l'ensemble d'une culture ou d'une ethnie à des caractéristiques superficielles et réductrices. Le fétichisme ethnique peut se manifester de différentes manières dans la société, notamment à travers des pratiques culturelles ou de consommation qui cherchent à s'approprier des éléments culturels d'une ethnie ou d'une culture spécifique, sans en comprendre réellement la signification ou la portée. Par exemple, la commercialisation de produits ou d'éléments de décoration inspirés de cultures autochtones, sans impliquer les communautés concernées dans la conception ou la distribution de ces produits, est souvent considérée comme une forme de fétichisme ethnique. Le fétichisme ethnique peut également se manifester à travers des discours ou des attitudes glorifiant ou dénigrant une culture ou une ethnie en particulier, sans tenir compte de la diversité et de la complexité de cette culture ou de cette ethnie. Par exemple, l'idée que toutes les personnes d'une ethnie ont des caractéristiques ou des aptitudes spécifiques, sans tenir compte de la variabilité individuelle, peut être analysée comme une forme de fétichisme ethnique. Le fétichisme ethnique peut avoir des conséquences négatives sur les personnes appartenant à l'ethnie valorisée, en renforçant des stéréotypes et des préjugés qui limitent leur autonomie et leur capacité à s'émanciper des représentations sociales qui les définissent. Il peut également contribuer à marginaliser et à exclure les personnes appartenant à d'autres cultures ou ethnies, en renforçant l'idée qu'elles sont inférieures ou moins intéressantes que la culture ou l'ethnie valorisée.

La "Beurette" et l'homme "Noir"

C'est surtout le cas pour les Noirs et les femmes maghrébines. On a tendance, en France, à hypertrophier l'idée selon laquelle les femmes arabes seraient attirées par les hommes noirs, ce qui est faux dans la quasi-totalité des cas, malgré une propagande métissophile qui tend à faire croire le contraire.En effet, les stéréotypes et les représentations sociales concernant les femmes arabes et les hommes noirs contribuent souvent à véhiculer des idées fausses et préjudiciables à ces groupes minoritaires. Ces représentations s'inscrivent dans des racines historiques et culturelles complexes, souvent liées à des relations de pouvoir et de domination entre les groupes sociaux.Concernant l’attirance supposée des femmes arabes pour les hommes noirs, il s'agit en réalité d'un stéréotype construit dans l'imaginaire collectif, sans réel fondement scientifique ou sociologique. Ce stéréotype peut avoir des conséquences négatives pour les personnes concernées, car il les essentialise et les réduit à des caractéristiques stéréotypées, sans tenir compte de leur diversité et de leur complexité. En sociologie, on parle de construction sociale de la réalité pour désigner le processus par lequel les représentations sociales et les stéréotypes sont formés et diffusés dans la société. Ces constructions sociales sont le fruit de processus complexes, impliquant des interactions entre les individus, les institutions et les médias. Elles peuvent être renforcées ou remises en question par les luttes sociales et politiques menées par les groupes minoritaires.

Dans le cas spécifique de l'hypertrophie de l'idée selon laquelle les femmes arabes seraient attirées par les hommes noirs en France, cela peut être lié à une représentation fantasmée de l'Autre, renforcée par des préjugés racistes et sexistes visant à essentialiser ces groupes minoritaires. Ces représentations peuvent être déconstruites par une éducation critique et une prise de conscience des mécanismes sociaux responsables de leur formation et de leur diffusion dans la société. Cette idée s’inscrit également dans un imaginaire stéréotypé qui suggère, implicitement, que la femme arabe, supposément "affamée" et "insatiable" sexuellement, serait attirée par les prétendues caractéristiques physiques des hommes noirs, notamment la mythification de la taille de leurs organes génitaux. De tels clichés renforcent des stéréotypes à la fois sexistes et racistes, réduisant les femmes arabes et les hommes noirs à des constructions fantasmées, sans tenir compte de leur diversité individuelle. Ces représentations, bien qu'issues de l'imaginaire collectif, peuvent avoir des répercussions graves sur les personnes concernées. En sociologie, le terme stigmate désigne les préjugés et les représentations négatives attachés à certains groupes sociaux, qui affectent leur vie sociale, économique et culturelle. Le stigmate peut être lié à l'ethnicité, au genre, à la sexualité ou à d'autres caractéristiques sociales, et contribue à renforcer les inégalités et les discriminations structurelles. Dans le cas précis de l’image de la femme arabe supposément attirée par les hommes noirs, il s’agit d’un stigmate qui alimente des représentations négatives et essentialisantes à l’encontre de ces deux groupes minoritaires. Cette représentation non seulement réduit les individus à des clichés, mais elle contribue également à leur marginalisation sociale et culturelle, en perpétuant des stéréotypes oppressifs.

La représentation de la femme maghrébine dans les médias : la "Beurette" ; du Porno à la télévision

Avec le temps, cette représentation s'est transformée et réactualisée, notamment dans le contexte de l'immigration maghrébine en France. Elle a été mêlée à d'autres stéréotypes visant les immigrés et les minorités visibles. Ainsi, l'image de la femme maghrébine perçue comme sexuellement insatiable a été associée à celle de la "femme voilée", dépeinte comme une figure captive de sa culture et de sa religion. Dans ce cadre, elle est souvent imaginée comme ne pouvant être "libérée" qu'à travers l'amour d'un homme blanc ou noir, symbolisant tour à tour la modernité ou l'émancipation. Cependant, il est essentiel de rappeler que cette image relève d'un stéréotype, loin de la réalité vécue par les femmes maghrébines. Ces dernières sont des individus riches de leur diversité, dotées de désirs, d’aspirations et d’expériences uniques. Les représentations stéréotypées et essentialisantes ne sont que des constructions sociales, souvent réductrices, qui occultent la complexité et l’humanité des personnes qu’elles prétendent décrire. Une démarche critique est nécessaire pour déconstruire ces images et encourager des représentations plus nuancées et respectueuses de la diversité culturelle et sociale. Quant à l’idée véhiculée selon laquelle la femme arabe serait "affamée de sexe", et que cette supposée "faim" trouverait satisfaction dans les stéréotypes liés à la prétendue virilité de l’homme noir, elle illustre l’interconnexion de deux fantasmes racistes et sexistes. Ce type de représentation fantasmée renforce des clichés oppressifs, au détriment des personnes concernées, en les réduisant à des objets de désir exotisé.

Le constat est tout aussi alarmant concernant la représentation des femmes d'origine arabe dans les médias, qu'ils soient traditionnels ou numériques. Les stéréotypes attribués aux femmes maghrébines oscillent entre deux extrêmes : celui de la femme aux mœurs légères et impudique, et celui de la musulmane soumise et malheureuse, trop ignorante pour comprendre que son habillement ferait d'elle une victime du patriarcat arabo-islamique. Parfois, ces deux rôles réducteurs et dégradants se cumulent dans une même représentation. Dans le cinéma français, par exemple, il est courant de voir des personnages féminins maghrébins jouant le rôle de victimes maltraitées par leur famille, contraintes (bien évidemment) de porter le voile islamique et privées de leur liberté de vivre comme les autres jeunes filles de leur âge. Ces récits mettent souvent en scène une libération progressive, rendue possible grâce à une relation amoureuse avec un homme, qu’il soit africain subsaharien ou français "de souche". À travers cette relation, l'héroïne s’affranchit de l’autorité supposée oppressive de sa famille et découvre les "plaisirs de la vie" : fumer, boire ou encore entretenir des relations sexuelles. Ces œuvres véhiculent une vision problématique, associant systématiquement la liberté féminine à la transgression des préceptes religieux, réduisant cette quête d'émancipation à la promiscuité sexuelle ou à une apparence vestimentaire dite "moderne". Cependant, ces représentations ne se limitent pas au cinéma ou à la télévision. L'industrie pornographique joue également un rôle significatif dans la construction de cette image hypersexualisée de la femme maghrébine. Depuis quelques décennies, les femmes d'origine arabe sont devenues des objets de fantasme dans ce milieu. Sur les sites pornographiques, des catégories telles que "beurettes" ou "voilées" témoignent de cette fixation stéréotypée. Plus encore, on observe un glissement sémantique inquiétant : le terme "beurette", autrefois neutre, est désormais associé à une connotation péjorative et équivalent au mot "prostituée". Il n’est pas rare de trouver des intitulés de vidéos comme "beurette latina", "beurette blanche" ou "beurette sénégalaise", attribués à des actrices, souvent amatrices, de ces productions.

Ce phénomène illustre à quel point l'image de la femme maghrébine en France est souvent réduite à des clichés liés à la légèreté et à la sexualisation. En effet, la catégorie "beurette", créée par l'industrie pornographique française dans les années 1990, s'inscrit dans un contexte de demande croissante de fantasmes exotiques liés à l'immigration maghrébine. Cette catégorie, qui a connu un grand succès auprès d’un public masculin majoritairement blanc, a contribué à renforcer des stéréotypes sexistes et racistes. Ces productions exploitent l’altérité culturelle et sexuelle pour répondre à des fantasmes stigmatisants, tout en participant à la marginalisation et à la déshumanisation des femmes maghrébines. La catégorie "beurette" a rapidement dépassé le cadre de l’industrie pornographique pour investir les médias mainstream, la publicité, la mode et plus largement la culture populaire. Cette figure, devenue emblématique de la diversité culturelle et de l’exotisme en France, a toutefois contribué à renforcer des stéréotypes liés à la sexualité, à la soumission et à la différence culturelle. Il est néanmoins essentiel de souligner que la fétichisation des femmes d’origine maghrébine en France ne se limite pas à l’univers de la pornographie. Elle est omniprésente dans de nombreux domaines de la société, où les femmes maghrébines sont fréquemment réduites à leur appartenance ethnique ou religieuse et à une représentation sexualisée de leur corps. Cette fétichisation s’inscrit dans un cadre plus large, marqué par des dynamiques de racisme, de sexisme et d’héritages coloniaux, qui participent à la marginalisation et à la dévalorisation des femmes issues de l’immigration maghrébine.

La catégorie "beurette" dans les sites pour adultes est apparue en France dans les années 1990, une période marquée par une forte immigration maghrébine et une crise économique. L’industrie pornographique française, cherchant à satisfaire une demande croissante de fantasmes exotiques liés à l’altérité culturelle et sexuelle, a créé des contenus mettant en scène des femmes maghrébines hypersexualisées. L’émergence de cette catégorie a été facilitée par l’essor des technologies numériques et de l’internet, qui ont accéléré la diffusion massive et mondiale de contenus pornographiques. Les sites pour adultes ont ainsi joué un rôle central dans la popularisation de cette catégorie, en proposant des vidéos aux titres évocateurs comme "Fatima la coquine" ou "Samia la beurette". Ce contenu, ciblant principalement un public masculin majoritairement blanc, répondait à des fantasmes construits autour de l’altérité culturelle et sexuelle, tout en renforçant des stéréotypes concernant la sexualité, la soumission et les différences culturelles. Les femmes maghrébines y sont souvent présentées comme des figures exotiques, dociles et soumises, prêtes à satisfaire les désirs fantasmés des hommes.

La création et le succès de la catégorie "beurette" doivent être compris dans le cadre d’un contexte sociétal plus vaste, où se croisent racisme, sexisme et colonialisme. Ces dynamiques nourrissent une marginalisation systémique des femmes issues de l’immigration maghrébine en France. Elles contribuent également à la construction et à la diffusion d’une image stéréotypée et dégradante des femmes maghrébines dans l’imaginaire collectif français. Ce type de représentation peut avoir des conséquences délétères sur leur vie quotidienne, leur intégration sociale et leur perception par autrui. Avec de tels modèles et représentations, il n'est pas surprenant que certaines jeunes filles d'origine maghrébine puissent suivre des chemins peu recommandables, les exposant à des situations néfastes. Elles sont confrontées quotidiennement à un reflet de femmes aux mœurs légères. Les femmes qui ne correspondent pas à ces stéréotypes, ne répondant pas à l'orientalisme désiré par les pervers fétichistes non-arabes, sont marginalisées. Ces hommes fantasment sur l'idée de posséder et d'accéder facilement à l'intimité des femmes arabes. Cette volonté de détourner la femme arabe de ses valeurs traditionnelles et religieuses, dans le but de la rendre réceptive à leurs avances, rappelle la période coloniale en Algérie, où les femmes musulmanes étaient "dévoilées" de force. Aristote, le célèbre philosophe grec, disait il y a plusieurs siècles : "La nature a horreur du vide". Le vide créé par l'absence de représentations positives et respectables des Arabes de France dans les médias est comblé par des créations artificielles façonnées par les élites mondialistes bourgeoises. Ainsi, des hommes et des femmes "musulmans" totalement déracinés ont été créés, qui adhèrent uniquement aux valeurs mondialistes destructrices, en opposition totale avec leur patrimoine civilisationnel ancestral, qu'ils finissent même par rejeter et mépriser avec véhémence. Il est logique de détester et de s'éloigner de ce qui nous attire.

Conclusion

Il est important de souligner que la création de la catégorie "beurette" sur les sites pour adultes s'inscrit dans un contexte plus large de racisme, de sexisme et de colonialisme, qui contribue à la marginalisation et à la dévalorisation des femmes issues de l'immigration maghrébine en France. Elle participe également à la construction d'une image stéréotypée et dégradante des femmes maghrébines dans l'imaginaire collectif français, qui peut avoir des conséquences néfastes sur leur vie quotidienne et leur intégration sociale.Pour contrer ce type de représentations stigmatisantes, il est essentiel de promouvoir une éducation critique capable de questionner les stéréotypes et les préjugés pesant sur les groupes minoritaires. Cette démarche passe par une sensibilisation aux processus sociaux de construction des représentations et des stéréotypes, tout en valorisant des luttes sociales et politiques portées par ces groupes. Ces actions permettent de promouvoir des représentations inclusives et positives, favorisant une meilleure compréhension et un respect accru de la diversité culturelle et sociale. L'image de la femme maghrébine perçue comme sexuellement insatiable trouve ses racines dans un imaginaire ancien, remontant en partie à l'époque coloniale. Les fantasmes orientalistes des Occidentaux, développés à cette époque, ont participé à la construction d'un exotisme fantasmatique autour de l'Orient, et plus particulièrement de la femme orientale. Les orientalistes coloniaux ont véhiculé l'idée d'une femme orientale à la fois lascive et soumise, perçue comme devant être "sauvée" par l'intervention prétendument civilisatrice de l'Occident.

Mohammed Ibn Najiallah


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