Introduction
Le 7 avril 2023, la célébrissime plateforme de diffusion de contenu cinématographique « Netflix », a vu son catalogue déjà bien fourni augmenté d’une nouvelle série : Jusqu’ici tout va bien, que l’on doit à deux personnes : l’humoriste belge Nawell Madani et le bien discret Simon Jablonka (nous verrons la raison officielle de sa discrétion dans un prochain ouvrage). Cette production reste dans l’esprit de pratiquement toutes les « œuvres » traitant des Maghrébins de France : un ramassis de clichés tous plus risibles les uns que les autres[1]. Naturellement, le ton de l’humour est bien présent, afin, comme de coutume, de faire en sorte que les attaques ne soient précisément pas perçues comme des attaques ; l’autodérision, cette fois-ci est utilisé comme une arme de soumission.
Les mécanismes de l’autodérision comme arme de soumission
« La plaisanterie sert souvent de véhicule à la vérité ». Cette phrase aurait été prononcé par Philippe Bacon, un philosophe anglais né à Londres au XVIe siècle. Cette citation signifie que, bien souvent, lorsqu’une personne souhaite faire passer un message (négatif, généralement), sans que celle-ci soit victime d’attaques, elle le fait sous le ton de l’humour. En effet, faire passer un message sous couvert de dérision permet de se dédouaner d’une potentielle hostilité ; ainsi, on peut dire ce qu’on pense, sans se faire attaquer, ou presque.
Nous avons parlé de la dérision, mais ce qui nous intéresse particulièrement pour notre sujet, c’est l’autodérision, c’est-à-dire se moquer de soi-même. Le mécanisme de l’autodérision est le même que celui de la dérision, c’est-à-dire être en mesure de formuler des attaques moqueuses sans se voir attribuer une quelconque visée hostile, puisque « ce n’est que de l’humour ». La différence réside dans le fait que, au lieu de s’attaquer aux « Autres », on s’attaque à « Nous ». C’est à ce moment que les humoristes interviennent, dans un rôle d’alibi qui, sous couvert de légèreté et de second degré, sont en réalité investi d’une mission éminemment politique.
Le rôle des humoristes est crucial ; crucial parce que grandement utile ; crucial parce que l’excuse de l’humour permet, comme nous venons de le dire, de faire passer des messages subliminaux sans se voir jeter l’opprobre. C’est ainsi que des humoristes comme Smaïn dans les années 80, Jamel Debbouze dans les années 90-2000, ou Nawell Madani aujourd’hui, possèdent un rôle clé dans le néo-harkisme ; ils sont la caution qui permet de renforcer les clichées et autres stéréotypes ; effectivement, ces comiques utilisent leur rôle d’amuseurs publiques pour contribuer au renforcement des clichées contre les membres de leur communauté. L’autodérision, bien que souvent perçue comme une forme d'humour se voulant libératrice[2], peut se transformer en un outil de soumission lorsque celle-ci est mise en scène dans des productions artistiques ou médiatiques qui réduisent l'identité à une série de stéréotypes acceptables pour le public dominant. Et c’est précisément le contenu principal, pour ne pas dire l’ossature fondamentale des spectacles de ces humoristes français et francophones d’origine maghrébines. Dans le cas de ces derniers, nous avons systématiquement le droit aux mêmes clichés :
- L’accent « du bled »[3]
- La vulgarité
- Le langage « de quartier » (le wesh-wesh)
- La délinquance et la criminalité (qu’on allie souvent à l’islam)
L’idée est de se moquer de soi-même, de sa culture, pour faire rire les « Autres ». En se moquant d’eux-mêmes (mais surtout de leur famille) de façon répétée et stylisée, ces Néo-harkis entrent dans un pacte implicite de collaboration : ils se désarment volontairement, rendant leur identité risible pour la rendre inoffensive, et consolident ainsi les préjugés du groupe majoritaire ; nous sommes dans l’esthétisme de la soumission, ou de la soumission « esthétisé ».
Cette pratique répond souvent à une demande implicite ou explicite du marché culturel, qui valorise les œuvres dans lesquelles les personnes issues de minorités représentent leur culture sous un angle caricatural et (ou) folklorique. Les humoristes Néo-harkis deviennent ainsi des acteurs consentants de leur propre marginalisation, et leur autodérision est valorisée comme une forme de complaisance sociale. Ils sont drôles aux yeux de l’Autre, de l’autochtone, parce qu’ils rient d’eux-mêmes, parce qu’ils rient des leurs.
L’esthétique de la soumission, que nous formulons ici, est un concept qui explore la manière dont la représentation visuelle et symbolique de certaines figures marginalisées, telles que les « Néo-harkis », sert d'outil à la fois de soumission volontaire et de validation sociale dans le domaine artistique et médiatique. En revisitant les mécanismes d'autodérision dans un but précis[4], cette esthétique devient une arme de collaboration indirecte, où les personnes représentées, souvent issues de minorités culturelles ou ethniques, participent à leur propre marginalisation, dans un mouvement à la fois séduisant mais également oppressif. Le discours consiste généralement à affirmer que l’autodérision est une forme d’humour « libératrice », qu’il n’y a aucun mal à se moquer de « soi-même » ; pourtant, au-delà de la motivation de l’humoriste, c’est la portée de son œuvre au sein de la société qui importe véritablement. A partir du moment où la démarche de l’amuseur publique a un effet délétère sur une partie de la population (sa communauté d’origine), c’est bel et bien cet effet qu’il convient de prendre en compte de manière prioritaire, et non la motivation de sa démarche, fut-elle innocente et dénuée de mauvaises intentions. Nous pouvons décortiquer cette « esthétique de la soumission » comme ceci :
- Une composante fondamentale
- Représentation visuelle réductrice
Dans l'esthétique de la soumission, la mise en scène visuelle tend à réduire la complexité identitaire de l'individu ou du groupe en le cantonnant à des stéréotypes rassurants. Par exemple, les vêtements, les postures, les expressions linguistiques et même les expressions faciales dans ce genre d’ œuvres se réfèrent souvent à des caricatures largement diffusées, amplifiant ainsi les clichés ethniques ou culturels pour les rendre facilement identifiables et consommables par le public majoritaire. Dans le cas qui nous intéresse, celui des humoristes francophones d’origine maghrébines, ces expressions à caractère caricaturales sont bien connues ; l’accent « blédard » ou de « quartier » , popularisé par Smaïn dans un premier temps, et par Jamel Debbouze par la suite.
- Symbole de l'autodafé
L’esthétique de la soumission s’inscrit également dans un symbolisme d’autodafé, où l'individu semble non seulement « consentir » à son infériorisation, mais pire encore, à être l’acteur principal de son infériorisation ; nous sommes pleinement dans ce symbolisme de l’autodafé. Dans cette esthétique, l'autodérision devient d’abord un rituel d'expiation : en ridiculisant leur propre culture, les comiques Néo-harkis donnent l’impression de s’excuser pour leurs différences, ou de les gommer dans un geste d’absolution sociale. Les symboles de l’auto-flagellation incluent la mise en avant d’une soi-disant « barbarie » ou « archaïsme » de leur culture d’origine, ou encore la valorisation des éléments les plus rétrogrades de celle-ci. Nous nous rappelons des sketchs mémorables de Smaïn, qui jouait le rôle de l’éternel « arabe » voleur ou du président « arabe » parlant avec un accent « du bled ».
- Jeu de la conformité séduisante : le but final
Nous arrivons à l’épilogue de cette composante de l’esthétique de la soumission. Généralement, arrivé à ce stade, l’acte de soumission devient comme une séduction volontaire, où l'individu adopte les codes, les goûts, et les valeurs du groupe dominant pour être accepté. En fait, le comique « arabe » finit par délaisser son rôle pour entrer dans une sorte de « conformité », comme si celle-ci fut toujours, secrètement, le but recherché par ce dernier. Faire rire les « Blancs » en se moquant des siens, pour finalement atteindre la place du « Blanc »[5]. L’exemple le plus symbolique est peut-être celui de Jamel Debbouze, l’humoriste franco-marocain qui a construit toute sa carrière sur son « arabité » folklorique, a finir par épouser une femme « blanche » et par donner à son premier enfant le prénom de « Léon ». La conformité devient alors une forme de « spectacle » se jouant hors de la scènne, où l'artiste ou la figure médiatique incarne une version « polissée » et « adaptée » de son identité d’origine, cultivant une identité hybride qui finit par devenir une construction faussement authentique.
Synthèse visuelle simplifiée
Départ → Réduction Identitaire → Autodérision et Soumission → Conformité et Adoption des Codes Dominants → Identité Hybride Polissée
Le schéma représente une progression ascendante dans le processus de soumission :
- Départ : L’individu part de son identité initiale.
- Réduction Identitaire : Simplification de l’identité à travers des stéréotypes.
- Autodérision et Soumission : Participation active à sa propre infériorisation.
- Conformité et Adoption des Codes : Assimilation pour plaire au groupe dominant.
- Identité Hybride Polissée : Création d’une identité faussement authentique, adaptée et acceptable.
- Une fonction idéologique
Fonction idéologique de l’esthétique de la soumission
Ce que nous avons appelé l' « esthétique de la soumission » répond à une fonction idéologique puissante. Elle contribue à valider la position dominante du groupe majoritaire en créant l’idée d’un consentement libre de la part des minorités à leur propre infériorisation. Les humoristes français d’ascendances maghrébines ont une fonction bien précise dans cet agenda dominant, comme nous l’avons expliqué plus haut. Ces comiques sont, dans un même temps, la caution ainsi que la courroie de transmission de cette position d’infériorité de ces descendants d’immigrés d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne. Ils ne font pas que contribuer à la conservation de cette posture d’éternelles étrangers inassimilable, pis ; ils en sont l’une des justifications principales. L’amuseur néo-harki, par ses sketchs comportant moultes stéréotypes à l’endroit de sa communauté d’origine, est ainsi l’une des raisons pour laquelle les Franco-maghrébins sont perçus comme étant des irrévocables allogènes qui ne peuvent s’intégrer à la société française. Le spectateur du groupe majoritaire (les « Blancs ») en vient à interpréter cette soumission visuelle et symbolique comme la preuve d'une supériorité culturelle, nourrissant ainsi des dynamiques de domination et de condescendance. C’est dans cette optique que les amuseurs publics franco-maghrébins possèdent un rôle clé dans le maintien de cette position d’infériorité des populations d’origine maghrébines.
Dans la culture populaire, cette esthétique se traduit par des rôles et des personnages stéréotypés dans les séries télévisées, les spectacles, les films, et même0 parfois, les campagnes publicitaires, où les personnages issus de minorités adoptent volontairement des postures d’infériorité. Des exemples classiques incluent des personnages qui incarnent des rôles de racailles de cité, vulgaire, insultant et généralement mélangeant sa sous-culture[6] et la religion musulmane, contribuant allégrement à cette idée qu’il existerait un individu hybride « islamo-racaille ». Nous avons également toujours droit à ce fameux personnage qui semble traverser les époques, de l’arabe « blédard » ne sachant pas formuler une phrase dans un français correct ou faisant de lui un « clown ethnique », un « bouffon racial » destiné à faire rire ou à apaiser les angoisses identitaires du public majoritaire.
Dans l'art contemporain, cette esthétique se retrouve dans des œuvres où des artistes d’origine immigrée mettent en scène leur propre identité comme une série de clichés visuels. Nous avons cité les trois exemples d’humoristes les plus emblématiques dans la soumission : Smaïn, Jamel Debbouze et Nawell Madani. Les œuvres de ces amuseurs jouent sur une ambiguïté manifeste : elles revendiquent une forme d’autodérision comme liberté d’expression, mais cette posture sert souvent à conforter le public dominant dans ses stéréotypes, voire à en accentuer l’impact. Ces artistes collabeurs qui adoptent cette esthétique sont implicitement valorisés comme des « bons représentants » ou des « bons exemples » de minorités « intégrées », permettant ainsi au groupe dominant de renforcer ses normes sans avoir à user de coercition directe et frontale. Par ailleurs, cette esthétique contribue à renforcer l'idée que l'intégration ne peut se faire que par la soumission et l’abandon des valeurs d'origine.
Dans la culture populaire, cette esthétique se traduit par des rôles et des personnages stéréotypés dans les séries télévisées, les spectacles, les films, et même les campagnes publicitaires, où les personnages issus de minorités adoptent volontairement des postures d’infériorité. Des exemples classiques incluent des personnages qui incarnent des rôles de « l’ami fidèle » ou du « clown ethnique » destiné à faire rire les « identitaires » du public majoritaire. Dans l'art contemporain, cette esthétique se retrouve dans des œuvres où des artistes d’origine immigrée mettent en scène leur propre identité comme une série de clichés visuels. Nous avons cité les trois exemples d’humoristes les plus emblématiques dans la soumission : Smaïn, Jamel Debbouze et Nawell Madani. Les œuvres de ces amuseurs jouent sur une ambiguïté manifeste : elles revendiquent une forme d’autodérision comme liberté d’expression, mais cette posture sert souvent à conforter le public dominant dans ses stéréotypes, voire à en accentuer l’impact.
Le paradoxe de la soumission esthétisée : Autonomie ou aliénation ?
L’esthétique de la soumission soulève un paradoxe complexe : d'un côté, elle offre une illusion de pseudo liberté à l'individu qui semble « choisir » délibérément sa propre dérision et ainsi participer à sa propre marginalisation. De l'autre, cette liberté fictive n'est que superficielle, car elle s'inscrit en réalité dans un cadre idéologique qui renforce la domination du groupe majoritaire et conforte les préjugés existants. Dans ce processus, la liberté de l’artiste ou de l’individu à se soumettre volontairement masque une aliénation profonde, car il devient l’agent de son propre effacement. La soumission devient une forme d’art en soi, où l’individu s’efforce de devenir l’image que l’autre attend, et ce faisant, il abandonne toute authenticité au profit d’une identité fabriquée pour plaire et être acceptée. On ne peut décemment parler de liberté lorsque notre démarche s’inscrit dans un paradigme bien précis, avec un rôle tout aussi précis. Le néo-harki pensant être « libre » parce qu’il se met soudainement (ou non) à faire preuve d’autodérision envers sa personne (et, par extension, envers sa communauté d’origine), pense que l’autodafé est un synonyme de « liberté » ; pour lui, il n’existe qu’une seule façon d’être libre : celle qui consiste à se « libérer » des « frontières » communautaires. L’ « émancipation » est donc devenu un synonyme de « liberté ». Pourtant, « émancipation » et « liberté » sont des concepts qui, bien que pouvant paraitre intimement liés, ne sont pas strictement équivalents, et donc ne peuvent être considéré comme des synonymes ; ces deux termes ne pouvant ainsi nullement être utilisé de manière interchangeables. Leur distinction repose sur des dimensions philosophiques et sociologiques fondamentales qu’il convient de comprendre et de prendre en considération pour éviter de tomber dans l’erreur qui consisterait à amalgamer deux concepts proches mais pourtant différents.
Point de vue philosophique : liberté et émancipation
Liberté
Dans la tradition philosophique, la liberté est généralement définie comme la capacité de l’individu à agir selon sa volonté, sans contraintes externes ou internes. Cependant, cette notion se décline en plusieurs dimensions :
Liberté négative (Isaiah Berlin) : l’absence d’obstacles extérieurs à l’action individuelle, comme les lois oppressives ou les normes restrictives.
Liberté positive : la capacité de déterminer sa propre vie, ce qui implique un contrôle sur soi-même et un accès aux ressources nécessaires pour s’épanouir.
Émancipation
L’émancipation, en revanche, implique un processus par lequel un individu ou un groupe se libère d’une domination, d’une oppression ou d’un état de dépendance. C’est une conquête de la liberté, qui passe souvent par une prise de conscience de sa condition et une lutte pour dépasser des structures qui limitent cette liberté. Par exemple, en Occident , Les Lumières valorisent l’émancipation intellectuelle, où l’individu se libère de l’ignorance et des dogmes grâce à la raison. Karl Marx, lui, associe l’émancipation à la lutte contre les aliénations économiques et sociales.
D’un point de vue philosophique, la liberté est un état ou une condition que l’on cherche à atteindre, tandis que l’émancipation est le chemin pour parvenir à cet état. L’émancipation est donc une étape ou un moyen pour conquérir la liberté, et non la liberté en tant que telle.
Point de vue sociologique : liberté et émancipation dans une société
Liberté dans une société
Du point de vue sociologique, la liberté est toujours conditionnée par les structures sociales, politiques et culturelles. Les individus peuvent être théoriquement libres (absence de coercition explicite), mais en pratique, leur capacité à exercer cette liberté dépend de facteurs tels que :
L’accès aux ressources (éducation, travail, logement), les normes sociales (inégalités de genre, de classe, de race), les relations de pouvoir qui façonnent les comportements individuels. Ainsi, la liberté dans une société est rarement absolue ; elle est souvent limitée par des structures systémiques. Nous avons un exemple extrêmement intéressant et bien précis pour illustrer notre propos : le fameux slogan républicain « Liberté Égalité, Fraternité ».[7]
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 constitue un texte fondamental de la Révolution française. Elle proclame un ensemble de droits naturels, à la fois individuels et collectifs, tout en précisant les conditions de leur application. Adoptée définitivement le 26 août 1789, cette Déclaration figure parmi les trois textes cités dans le préambule de la Constitution française du 4 octobre 1958. Sa valeur constitutionnelle, reconnue par le Conseil constitutionnel depuis 1971, en fait une partie intégrante du droit positif français, s’inscrivant ainsi au sommet de la hiérarchie des normes en France. Les articles 4 et 5 de la Déclaration définissent la liberté en ces termes :
Article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
Article 5 : « La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »
D’après cette Déclaration, la liberté s’entend comme une liberté conditionnée par la Loi. Elle repose sur le principe de ne pas nuire à autrui. En conséquence, elle est partielle et encadrée : un individu ne peut, par exemple, s’approprier un bien qui ne lui appartient pas sans léser son propriétaire, ni exercer une violence physique envers autrui, car de tels actes constitueraient des nuisances. Ainsi, dans ce contexte, la liberté est définie comme une liberté limitée et réglementée par la Loi.
Émancipation dans une société
L’émancipation est une dynamique qui vise à transformer ces structures systémiques susmentionnées pour permettre une plus grande liberté. Elle suppose une prise de conscience collective des mécanismes de domination et une action pour les renverser. Par exemple , l’émancipation des femmes implique une lutte contre le patriarcat et les inégalités de genre, de même que les mouvements antiracistes travaillent à démanteler les systèmes de discrimination pour élargir la liberté des minorités.
Là où la liberté peut être individuelle et abstraite, l’émancipation est collective et concrète. Elle se situe dans une interaction avec les structures sociales qui permettent ou entravent cette liberté.
Conclusion
Pour conclure, nous pouvons résumer la situation ainsi : La liberté est un objectif, un état recherché, qu’il s’agisse d’une autonomie individuelle ou d’une absence de domination externe. Elle est plus abstraite, philosophique, et peut exister théoriquement même dans une société imparfaite. L’émancipation, quant à elle, est un processus, un moyen dynamique pour atteindre une forme de liberté. Elle est profondément ancrée dans le contexte social et repose sur une prise de conscience des obstacles à cette liberté. Dans une société, la liberté sans émancipation est souvent illusoire, car elle peut ignorer les contraintes invisibles imposées par les structures sociales. Inversement, l’émancipation vise à rendre cette liberté réelle et accessible à tous. En résumé, émancipation et liberté ne sont pas synonymes, mais complémentaires. L’émancipation est le chemin pour rendre la liberté effective dans une société.
En clair et pour résumer, nous pouvons dire que l’Esthétique de la soumission est une forme insidieuse de représentation qui masque et justifie la domination des « Autres » et l’infériorisation du « Soi » sous le couvert d’un libre choix, où l’individu accepte et revendique des stéréotypes dévalorisants pour être valorisé dans l’ordre dominant. En décortiquant cette esthétique, il devient possible de dénoncer les dynamiques d’infériorisation volontaire et de proposer une réappropriation visuelle et symbolique qui affirme l'identité de manière autonome et libératrice.
[1] Nous traiterons ce sujet dans un ouvrage ultérieur : « Banlieue Bourgeoise »
[2] Mais se « libérer » de quoi, exactement ?
[3] Grandement propulsé par l’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze dans les années 90 et 2000, que ce soit dans ses spectacles ou dans la série culte « H ».
[4] Même si ce but est souvent ignoré de ces humoristes.
[5] Nous avons le même cas dans le rap français. Par exemple, Joey Starr, du groupe NTM (Nique Ta Mère) qui jouait le rôle du « gros dur » de banlieue (alors que ses seuls faits d’armes consistaient à frapper des femmes et des…singes), mais qui a fini par jouer des rôles d’homosexuels au cinéma, ou encore celui de Sofiane Zermani, connu sous le nom de scène de « Fianso », qui partait du rappeur « fou », « kaïra » ; pour finalement faire des interviews parlant de Shakespeare en se caressant la cuisse d’une manière très suggestive.
[6] Pour comprendre le phénomène sociologique de la sous-culture, lire notre ouvrage « Sordes Urbis, racailles : les abysses urbaines, une odyssée de la délinquance. Sociologie des « racailles », comprendre le phénomène ». Europa Éditons.
[7] Nous avons traité la question de ce slogan dans notre ouvrage « Les Fables d’Eric Zemmour, autopsie d’un sophiste. Déconstruction des mensonges d’Eric Zemmour sur l’Islam et les musulmans ». Europa Éditions. Janvier 2024