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La consanguinité désigne une relation entre deux personnes partageant un ancêtre commun. Elle se définit plus précisément comme le résultat d’une reproduction sexuée entre individus apparentés, donnant lieu à des unions qualifiées de « mariages consanguins ». Bien que ces pratiques soient devenues marginales dans certaines sociétés, elles demeurent courantes dans plusieurs régions du monde, notamment dans une vaste zone allant de la rive sud de la mer Méditerranée jusqu’au sous-continent indien, en passant par le Moyen-Orient, la Mésopotamie, le Golfe persique et l’Asie du Sud-Est.
Selon les données actuelles, environ 10,4 % de la population mondiale est issue d’unions entre parents proches (second degré ou plus). Ces pratiques ont des conséquences majeures en termes de santé publique, notamment par l’augmentation de la prévalence des maladies génétiques à transmission autosomique récessive. En effet, dans
Une étude prospective conduite entre 2007 et 2011 à Bradford, ville multiethnique de l’ouest de l’Angleterre, apporte des éléments concrets sur les effets de la consanguinité. La cohorte, constituée de 13 776 nouveau-nés, a été suivie de la naissance à l’âge adulte. Il s’agit de l’une des plus vastes études de ce type à ce jour. Parmi les enfants, 3 % (386 cas) présentaient une anomalie congénitale. Le risque était deux fois plus élevé chez les enfants issus d’unions entre cousins germains, particulièrement fréquentes au sein de la communauté pakistanaise (18 % des naissances).
Mais les effets ne se limitent pas aux malformations visibles ou aux maladies génétiques rares. L’étude a révélé que les enfants issus de mariages consanguins avaient moins de chances d’atteindre un bon niveau de développement : par exemple, seulement 54 % d’entre eux atteignaient un « bon stade de développement » contre 64 % pour les enfants de parents non apparentés. De plus, 11 % présentaient des troubles du langage, contre 7 % dans le reste de la population étudiée.
La consanguinité ne relève pas uniquement de choix individuels. Elle est souvent enracinée dans des traditions familiales, sociales ou religieuses. Dans de nombreuses communautés du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Asie du Sud, les mariages consanguins sont considérés comme un moyen de préserver l’héritage familial, de renforcer les liens sociaux ou d’assurer une certaine stabilité économique.
Cependant, ces pratiques posent des défis majeurs pour la santé publique, notamment dans les communautés où l’endogamie est forte. Même en l'absence de lien de parenté direct (comme chez les cousins), les membres de groupes ethniques très unis peuvent partager un patrimoine génétique commun. Cela augmente les risques de transmission de mutations spécifiques, comme cela a été observé dans certaines tribus d'Arabie saoudite ou d'Israël, où l’effet fondateur et la dérive génétique ont entraîné la concentration de maladies rares.
La question de l’interdiction des mariages consanguins divise. Dans certains pays, comme les États-Unis, la Chine, Taïwan, la Corée du Sud ou les Philippines, ces unions sont interdites par la loi. En Norvège, le mariage entre cousins est illégal depuis 2024, et la Suède prévoit une interdiction similaire dès 2025.
Au Royaume-Uni, malgré une proposition faite au Parlement en 2024, aucune interdiction n’a été adoptée. Les experts privilégient aujourd’hui une approche préventive, basée sur l’éducation génétique, l’accès aux tests prénuptiaux et le conseil génétique, considérés comme des outils plus efficaces et moins discriminants qu’une interdiction pure et simple.
Interdire les mariages consanguins soulève une tension entre le respect des libertés individuelles (dont la liberté de se marier) et la nécessité de protéger la santé publique, en particulier celle des générations futures. Il est essentiel de ne pas stigmatiser certaines communautés, mais plutôt de favoriser le dialogue, la sensibilisation et la prévention.
Les mariages consanguins ne doivent pas seulement être vus comme une décision personnelle, mais aussi comme une pratique communautaire qui reflète des dynamiques culturelles profondes. La modernité et les avancées scientifiques offrent aujourd’hui des outils permettant de concilier traditions et santé, à condition de les mettre à disposition de manière équitable, éthique et culturellement adaptée.
« Considérer le mariage à la fois comme un choix intime et une pratique communautaire bien établie nous permet d'explorer comment la modernité se façonne au sein d'une communauté migrante établie de longue date. Cela incite à critiquer certains aspects des théories dominantes et nous rappelle que les communautés défavorisées qui sont également victimes de discrimination concilient choix individuels et cohésion communautaire d'une manière différente de celle des communautés « d’accueil ».