Pour la première fois en France, un livre sur la santé mentale des personnes migrantes réunit des spécialistes de plusieurs disciplines : psychiatres, sociologues, juristes, philosophes, politologues… Des chercheurs et universitaires reconnus croisent leurs regards pour mieux comprendre les enjeux humains et sociaux de cette réalité souvent méconnue. L’ouvrage vient de paraître aujourd’hui.
« Depuis une quarantaine d’années, les sciences sociales françaises ont produit un corpus de savoir considérable sur les phénomènes migratoires, leur dimension historique et la spécificité. des mobilités contemporaines. Les méthodes des différentes disciplines des sciences sociales appliquées aux phénomènes migratoires ont permis d’établir des faits, de démonter les idées reçues, de mettre à distance les visions caricaturales, les a priori idéologiques, les manipulations politiques : les données chiffrées de plus en plus précises sur les migrations dans le monde permettent de cerner au plus près les mouvements de population, récusant les idées fausses sur les menaces d’invasion ; les analyses des politiques migratoires nationales et européennes ont pointé les effets délétères des politiques de fermeture des frontières et les mythes, comme celui de l’ « appel d’air » sur lesquels elles reposent ; l’enregistrement des données relatives à l’origine a permis de mettre en évidence et de mesurer les effets des discriminations ; les enquêtes de terrain auprès des populations migrantes ont développé. des approches fines des expériences migratoires, restituant à leurs acteurs et actrices leur pleine humanité. » Jocelyne Streiff-Fénart, Directrice de recherche émérite au CNRS.
Les troubles liés au stress et à l’adaptation, les états de stress post-traumatique, les troubles de l’humeur et psychotiques, les troubles anxieux et psychosomatiques, l’usage de substances, les troubles du spectre autistique ainsi que les conduites suicidaires figurent parmi les problématiques les plus fréquemment observées chez les migrants et leurs enfants. De nombreuses études révèlent une prévalence et une incidence particulièrement élevées de ces troubles de santé mentale au sein de cette population.
Dans ce cadre, un courant en psychiatrie des migrants a émergé, mettant en lumière les enjeux sociaux et économiques, désormais au cœur des recherches contemporaines. La question des discriminations, des inégalités sociales et ségrégations, du racisme, de la précarité de l’emploi, des faibles revenus, des barrières culturelles et linguistiques, ainsi que de l’accès limité aux soins, a connu une évolution significative en psychiatrie. Les recherches récentes ont conceptualisé ces divers facteurs comme des causes majeures de stress, suggérant que les disparités en matière de santé mentale entre groupes sociaux peuvent, en partie, être attribuées à ces expériences d’adversité, d’exclusion et de marginalisation.
Ainsi, il devient primordial que la psychiatrie prenne en compte les difficultés sociales comme des enjeux cliniques majeurs et des axes de recherche prioritaires. Les recherches futures devront adopter une démarche intégrative, qui analyse l’interaction entre les conditions sociales défavorables, l’exposition aux risques environnementaux, les facteurs de protection ainsi que les influences génétiques et épigénétiques. C’est là tout l’intérêt des approches pluridisciplinaires dans le domaine des neurosciences sociales.
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