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Billet de blog 30 décembre 2017

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"Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d'une troisième......

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 2 novembre 1917 , Lord Arthur James Balfour , ministre britannique des affaires étrangères annonce à Lord Walter Rothschild , porte parole des juifs britanniques , que "le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour le peuple juif ".C'est la première victoire symbolique du sionisme qui jusque là n'était qu'un mouvement ultra minoritaire au sein des communautés juives d'Europe tiraillées par la Première guerre mondiale .

Fort du soutien considérable que leur ouvre la Déclaration Balfour , les dirigeants du mouvement sioniste , voient s'ouvrir la perspective plus ou moins lointaine d'un Etat juif en Terre sainte ."Une nation , écrira Arthur Koestler le cofondateur du Betar  , a solennellement promis à une seconde le territoire d'une troisième ..."

Les raisons qui poussent la Grande Bretagne à ce soutien ne sont pas dénuées d'arrières pensées. Elles relèvent à la fois du court et du long terme et sont motivées par l'obsession du contrôle de la route des Indes et de son artère jugulaire : le canal de Suez .

Dans l'immédiat , Londres , en pleine conflit mondial , vise à consolider ses positions en se conciliant le mouvement sioniste , qui depuis 1897 , date de sa création sous la houlette de Theodore Herzl , a grandi en force et en autorité au sein des communautés juives d'Europe et d'Amérique.Pour les diplomates et stratèges  britanniques la promesse d'un "foyer national "pourrait faire des juifs un atout majeur pour faire basculer la première guerre mondiale en leur faveur :Aux Etats Unis la forte communauté juive pourrait faire pression pour accélérer son engagement dans le confit en Europe ; en Allemagne ou en Autriche-Hongrie cela pourrait les détacher de leur gouvernement , en Palestine ils appuieraient les troupes d'Allenby qui peinent à enfoncer les lignes ottomanes enfin cela pourrait également freiner la radicalisation de la révolution russe (il ne faut pas oublier que beaucoup de dirigeants bolcheviks et mencheviks étaient juifs ) et par là même éviter la défection de l'allié russe .

Mais ces vues vont au delà de la seule conjoncture .Littéralement obsédée par la sécurité de son système colonial , la Grande Bretagne redoute l'emprise sur la Palestine de la France qui "si près du canal de suez serait une formidable et permanente menace pour les lignes de communication essentielles de l'Empire "(Sir Herbert Samuel futur haut commissaire Britannique en Palestine ) .L'habileté et la roublardise des dirigeants sionistes fera le reste ."Une Palestine juive , argumente Haîm Weizmann , un des principaux dirigeants de l'Organisation sioniste , serait une sauvegarde pour l'Angleterre , particulièrement en ce qui concerne le canal de Suez ."

Les sionistes en sont clairement conscients dès l'origine : ils ne sont qu'un point de fixation permettant de justifier la présence britannique en Palestine ainsi que la sauvegarde de ses intérêts au Moyen Orient  .Ils n'ignorent pas loin de là, la  raison pour laquelle la Grande Bretagne s'est engagée et sont conscients qu'il ne leur faudra jamais relâcher la pression afin qu'elle tienne parole : mais la carte britannique se révèle de loin la plus payante .De son coté , Londres , sait bien que le mouvement sioniste a d'autres ambitions .Lord Curzon qui succède à Lord Balfour déclare :"Pendant que Weizmann vous dit une chose , et que vous pensez "Foyer national juif " , il a en vue quelque chose de très différent .Il envisage un état juif , et une population arabe soumise , gouvernée par les juifs .Il cherche à réaliser cela derrière l'écran et la protection de la garantie britannique ".Pour l'heure encore faut-il pour les britanniques ne pas s'aliéner les arabes qui constituent l'écrasante majorité de la population de la Palestine mandataire , sans parler de la plupart des anciens alliés de la Révolte arabe de 1916.

Quid des promesses faites au chérif Hussein de la Mecque ? Quid du Royaume Arabe promis en échange de la rébellion face aux ottomans ?

Le texte de la déclaration mentionne l'obligation de ne rien faire "qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine .Ce flou coutera cher ...très cher .Et il est sacrément culotté de parler des arabes chrétiens et musulmans en tant que  "communautés non juives en Palestine" , eux qui représentent  en 1917 l'écrasante majorité de la population (plus de 90% de la population totale ) !!!

Selon l'historien israélien Avi Shlaim , Ernest Bevin , le secrétaire au Foreign Office d'après guerre ( l'équivalent de notre ministre des affaires étrangères ) "aurait déclaré un jour au leader sioniste David Ben Gourion , que la déclaration Balfour de 1917 était la plus grave bourde commise dans la politique extérieure occidentale durant la première moitié du XX è siècle .Dans la perspective des intérêts britanniques , c'était certainement une bourde stratégique .Elle engageait la Grande Bretagne à soutenir l'établissement d'un foyer national pour le peuple juif en Palestine , ou les juifs constituaient moins de 10 % de la population .La promesse britannique ouvrit la voie à la création de l'Etat d'Israël , mais déclencha aussi un des conflits les plus amers des temps modernes ".

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