La Grèce a reçu un violent coup de semonce cette nuit, de la part de la BCE, quelques heures avant la rencontre entre Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, et son homologue allemand, Wolfgang Shauble.
Il a été signifié au gouvernement grec qu’il devait rentrer dans le rang, revenir à la raison, reconnaître la légitimité de la Troïka, payer ses dettes, et cesser de vouloir remplir la mission confiée à lui par ses électeurs. La fête postélectorale étant finie, il faut resserrer les cous avec des cravates et cesser de rêver qu’on peut mettre fin à la politique d’austérité qui lamine la Grèce et paupérise gravement ses habitants, tout en préparant le lit du fascisme. Si le gouvernement mené par Tsipras n’obtempère pas, son pays sera soumis au régime sec: les robinets financiers européens seront coupés.
La vague de l’argent s’est donc élevée cette nuit, tel un mur de béton borné, pour tenter de frapper de plein fouet l’un des berceaux de la démocratie. La BCE, soutenue par les banques centrales allemande, autrichienne, hollandaise, finlandaise et française (le gouverneur de la Banque de France et Hollande jugeraient tous deux « légitime » l’initiative de la BCE) a donc décidé d’agir par la force et dans une grande précipitation. L’objectif est de signifier l’autorité, mais également de nuire à la Grèce, en provoquant une panique bancaire. Comme le dit Sapir, « Concrètement, cela équivaut à mettre un pistolet sur la tempe d’un gouvernement nouvellement élu pour exiger de lui qu’il renonce à des mesures approuvées par son électorat. On appréciera le sens aigu de la démocratie des dirigeants de la BCE et plus généralement des autorités européennes ».
Le gouvernement grec refuse depuis son élection de négocier avec l’entité « Troïka » qui n’a aucune légitimité démocratique. Composé de la Commission Européenne, du FMI et de la BCE, cette Hydre à trois têtes impose ses règles à l’ensemble de l’Europe, suivant une idéologie néolibérale qui cache de moins en moins son jeu totalitaire et antidémocratique. Son objectif, de plus en plus évident, est de gouverner l’Europe en court-circuitant les peuples et en imposant ses désidérata, par l’entremise d’une caste de technocrates non élus, richement payés et totalement soumis.
Cette politique privilégie le schéma délirant de Friedmann : destruction de tous les services publics, privatisation totale, mondialisation sans limites, sans foi ni loi. Un tour de passe-passe, déjà appliqué en France avec la loi de 1973, et ensuite étendu à l’Union Européenne, a renforcé la puissance du capitalisme financier : on a enlevé aux banques centrales le pouvoir de prêter aux États pour le donner aux banques privées. On arrive ainsi à ce schéma inouï, à cette arnaque cynique: la BCE prête de l’argent à très bas taux aux banques privées, qui prêtent ensuite de l’argent à fort taux aux pays. C’est ainsi que les « dettes » des États ne cessent de grossir, pour le plus grand malheur des peuples et pour le plus grand bonheur des agents du capitalisme financier. Les pays doivent donc de plus en plus se serrer la ceinture, et pratiquer une austérité dont le but est tout simplement la disparition des États souverains, et leur mise sous tutelle néolibérale totale, certains pays étant plus bénéficiaires que d’autres d’une prétendue « fédération européenne » qui n’est qu’un agglomérat d’intérêts contradictoires dans lequel le plus fort gagne au détriment des autres.
Le gouvernement grec, refusant catégoriquement de rendre des comptes à l’Hydre à trois têtes qui a humilié et mis à genoux son pays, a tenté de négocier séparément avec ses partenaires européens. Yanis Varoufakis et Alexis Tsipras ont donc rencontré différents ministres des Finances et chefs d’État, afin de leur exposer la situation de la Grèce et de tâter le terrain. L’Hydre à trois têtes a très vite réagi avec violence, par l’intermédiaire de son « Agence de conseil technique » qu’est depuis 2010 la BCE.
La BCE a choisi clairement son camp : celui de l’Allemagne, meneuse du jeu européen depuis longtemps. Mais, en agissant ainsi, « elle vient de déclencher un processus qui peut aboutir à l’inverse de ce qu’elle recherche. Loin de faire céder le gouvernement grec, cette mesure pourrait le forcer à prendre des mesures radicales qui, à terme, provoqueraient une rupture définitive entre la Grèce et ses créanciers et conduiraient ce pays à sortir de l’Euro » (Sapir).
Le gouvernement grec, qui a décidé de redresser un pays exsangue, a apparemment anticipé ces diverses tentatives de l’Hydre à trois têtes. Avait-il prévu les lâchages rapides de certains pays européens, c’est probable. En ce qui me concerne, je ne décolère pas devant celui de la France, honteusement « dirigée » par un renégat de la gauche aux ordres de la Troïka.
La bataille ne fait que commencer. Saluons la magnifique résilience de la Grèce, qui a su, malgré la stratégie du choc dont elle a fait la sinistre « expérience », relever la tête devant l’Hydre mauvaise et nous montrer la voie.