
Grèce: qu'est-il donc arrivé au Plan B?
Après que Stathis Kouvelakis eut reproché à Tsipras (1) de ne pas être avoir tenu le cap contre l'austérité, d'avoir suggéré "Il n'y a pas d'alternative", et d'avoir brisé les règles du parti, quatre personnes ont débattu sur Twitter de la politique de la Plateforme de Gauche de Syriza.
Les échanges ont démarré, le 21 juillet 2015, lorsque Theodora Oikonomides (Grèce), l'une de ces personnes, a jugé que Kouvelakis et la plateforme de gauche étaient également responsables du manque d'alternative. Morgan Finnsio (Suède), Zoe Mavroudi (Grèce), Theodora Oikonomides et Ian Cosh (Toronto) ont alors échangé sur cinq questions de stratégie politique: (1) À quel point peut-on reprocher à la plateforme de gauche de ne pas avoir préparé de plan B? (2) Que doit-elle faire maintenant? (3) Quel est le rôle de Varoufakis? (4) Quel est le sens du vote OXI et quelle est sa signification pour la mobilisation? (5) Qu'en est-il de la radicalisation et du rôle du leadership?
Les débatteurs ont décidé de partager leurs échanges sur Twitter, espérant que cela pourrait être utile à d'autres. J'ai traduit leurs échanges avec le même objectif.
Dans le texte, K désigne Kouvelakis, LP désigne Left Platform, Plateforme de Gauche et TINA There Is No Alternative, Il N'y A Pas d'Alternative.
1)
À quel point peut-on reprocher à la plateforme de gauche de n'avoir pas préparé de plan B?
Ian Cosh: "Tsipras, qui est aussi président de Syriza, refuse toujours de réunir le comité central du parti", a dit Kouvelakis (2).
Theodora Oikonomides: En toute justice envers Tsipras (je fais de gros efforts ici) et même si j'apprécie Kouvalekis, son article me semble peu avisé.
Ian Cosh: Comment ça?
Theodora Oikonomides: Parce que la position de Kouvelakis, qui est lui-même juge et partie comme on dit en français, est problématique. Le reproche à l'égard de Tsipras en ce qui concerne TINA est vrai et juste, mais nous attendons toujours de voir l'alternative offerte par la plateforme de gauche, et nous attendons qu'elle aille au fond de l'argument "Tsipras devrait offrir une/notre alternative". C'est une façon d'effacer ses propres responsabilités (Et je dis ça avec une grande tristesse parce que la plateforme de gauche est celle dont je suis proche au niveau théorique/idéologique).
Morgan Finnsio: Oui. J'attends vraiment une présentation détaillée de leur plan alternatif, dont ils ont dit que c'était pour bientôt.
Theodora Oikonomides: Oui, mais vous savez, le "c'est pour bientôt" après-coup n'est guère satisfaisant maintenant.
Finnsio: C'est tristement vrai. Mais c'est probablement nécessaire pour avancer.
Iann Cosh: La LP n'a-t-elle pas publié un texte sur une alternative?
Morgan Finnsio: Ils ont publié un texte interne au parti. Mais ils ont aussi dit qu'un plan public serait bientôt présenté.
Theodora Oikonomides: Il y a un fossé plutôt énorme entre le "texte" et le "plan" au moment où le système bancaire est au bord de l'effondrement.
Ian Cosh: n'ont-ils pas fait des efforts depuis février pour convaincre Tsipras de permettre aux gens de travailler sur une alternative?
Theodora Oikonomides: Mais c'est précisément mon propos. Avaient-ils besoin de sa permission pour travailler sur une alternative? Maintenant qu'ils vont s'y atteler, nous les électeurs, sommes-nous censés croire que ceci est sérieux (et honnête)?
Morgan Finnsio: Je répondrai par oui et non à votre question. Varoufakis pensait que pour que l'effort de création du plan B passe d'une activité secrète de petit groupe à un travail public de préparation à grande échelle, qui aurait attiré l'attention du public et des créditeurs, il fallait une décision du pouvoir.
Ian Cosh: Pour développer un plan précis adapté aux circonstances, il fallait accéder aux données du Ministère des Finances, avoir l'aide d'assistants de recherche, etc - toutes choses qui ne sont pas accessibles à des parlementaires ordinaires. Quelqu'un comme Lapavitsas pouvait esquisser les contours d'un plan, mais pour établir un plan concret, ils avaient besoin de toutes les autres données.
Morgan Finnsio: Vrai. Varoufakis avait besoin de sortir, et Lapavitsas/la plateforme de gauche d'entrer. Tsipras a apparemment bloqué les deux possibilités.
Theodora Oikonomides: Pour vous répondre du mieux que je peux, mon problème avec la LP (et encore une fois, ce sont les gens dont je suis proche), c'est qu'ils n'ont même pas fait une esquisse. Le débat autour de l'euro versus la drachme s'est tenu ces cinq derniers mois à un niveau purement théorique/idéologique. En disant "nous donnerons un plan si vous nous donnez l'accès", ils n'envoyaient pas un très bon message, qui sentait trop la tambouille du parti et ne pouvait pas beaucoup convaincre sur leur propre capacité à gouverner, non?
Morgan Finnsio: D'accord. C'est une défaillance de la part de la plateforme de gauche, peut-être autant que de celle de Tsipras. Et K. (tranquillement) l'a tout autant admis.
Ian Cosh: Oui, je pense que K. a écrit quelque part que la plateforme de gauche aurait dû insister davantage, ne pas faire autant confiance à la stratégie du leader.
Morgan Finnsio: K a déploré l'erreur majeure de la part de LP, de ne pas avoir produit leur propre plan B détaillé au bon moment.
Iann Cosh: Mais je suis sûr d'avoir lu quelque part que le pouvoir a repoussé les demandes de développer le plan B.
Zoe Mavroudi: Tsipras n'a pas bien accueilli les initiatives extérieures à son équipe. On ne peut pas reprocher ça à LP.
Morgan Finnsio: Vrai, mais je pense que nous pouvons et devons les critiquer pour ne pas avoir surmonté cette difficulté.
Theorodora Oikonomides: Exactement. Gardons aussi à l'esprit que la plateforme de gauche n'est pas seulement composée de Kouvalekis et des compagnons de route comme Lapavitsas.
2) Que peut faire la plateforme de gauche maintenant?
Ian Cosh: OK. Mais cette critique ne change rien au point soulevé par K: le discours du Leader. Tsipras pouvait dire: "OK, travaillez sur le plan B. De quoi avez-vous besoin?"
Zoe Mavroudi: Des gens ont approché Tsipras avec des propositions pour résoudre la crise des liquidités. Il n'a pas répondu. Il ne veut pas de plan B. Beaucoup de gens de la plateforme de gauche de Syriza Antarsya avaient étudié le plan B. Il les a ignorés, ce qui ne signifie pas qu'il n'y avait pas de plan.
Morgan Finnsio: En effet, je pense que tous nous voyons le poids, la centralité et la problématique des décisions et de la ligne de Tsipras, ici. Mais je pense que le point de Theodora était que - vu cette situation - la plateforme de gauche devait être créative et constructive.
Zoe Mavroudi: Comment? Hors des structures du parti? Ils l'ont déjà fait en écrivant, parlant, enseignant.
Theodora Oikonomides: Comme je l'ai déjà dit je suis d'accord avec ça. Cependant, ne prenons pas au pied de la lettre ce qui concerne les "rebelles". Nous devrions avec eux aussi prendre en compte le paramètre " politique interne du parti".
Morgan Finnsio: Tout à fait. Difficile de juger sans connaître les détails des luttes internes ces cinq derniers mois.
Zoe Mavroudi: Le point de Kouvelakis: la fin de la politique. Les structures démocratiques ne peuvent pas fonctionner, même avec les meilleures intentions du monde.
Morgan Finnsio: Ce qui compte c'est le résultat, et là dessus nous pouvons constater les défaillances de toutes les parties de Syriza.
Theodora Oikonomides: Ce qui, pour moi, est la vraie fin de la politique (tristement).
Iann Cosh: Je continue à penser que si la plateforme de gauche demandait à développer un plan détaillé, on lui dirait de ne pas le faire, on lui refuserait l'accès aux supports d'informations et de recherche. En ce sens, elle peut difficilement être blâmée de ne pas avoir eu un plan prêt au moment crucial.
Theodora Oikonomides: Je crains que vous ne surestimiez la discipline du parti quand vous dites "on lui dirait de ne pas". Et Lafazanis était un ministre de premier plan. Difficile de croire qu'il n'ait pas pu forcer l'accès. Encore une fois, comme je l'ai déjà dit, en principe Kouvelakis a raison. En pratique, il y a là des lacunes énormes.
Ian Cosh: Mais Tsipras pourrait les encourager à travailler sur un plan maintenant.
Theodora Oikonomides: Si (et c'est un énorme Si) Tsipras veut que quelqu'un travaille sur le plan B maintenant, je ne peux imaginer qu'il ait demandé à des gens incapables de se taire.
Ian Cosh: Que pensez-vous du point de K. concernant les règles du parti, le fait de ne pas avoir réuni le comité central?
Theodora Oikonomides: oh, ceci est le seul point sur lequel il a absolument raison de crier au meurtre bleu.
Iann Cosh. C'est aussi le point le plus désolant. J'espérais entendre que K. s'était trompé.
Morgan Finnsio: Est-ce que quelqu'un arrive à déchiffrer ce que fait Tsipras, au fait? Sa démarche est énigmatique, pour dire le moins.
Zoe Mavroudi: Je ne cherche plus personnellement à me battre pour décoder les intentions du gouvernement = c'est pourquoi la plateforme de gauche a l'obligation d'agir.
Theodora Oikonomides: Moi aussi pour les intentions du gouvernement. J'espère que si la plateforme de gauche agit, elle saura ce qu'elle fait, mais j'ai un doute.
Morgan Finnsio: je suis d'accord, elle a maintenant l'obligation d'agir, d'une manière ou d'une autre. Espérons que ça sera décisif.
3) Les relations de Varoufakis avec la plateforme de gauche
Ian Cosh: Qu'en est-il des relations de Varoufakis avec la plateforme de gauche? Est-ce que son alignement sur la plateforme de gauche change l'équation, de votre point de vue? Je pense en particulier à votre idée que la plateforme de gauche tend à être désorganisée, peu pratique. Ainsi, Varoufakis pourrait peut-être apporter quelque chose d'important?
Theodora Oikonomides: Sommes-nous déjà sûrs qu'il est réellement aligné sur la plateforme de gauche? Vraiment, je ne sais pas. S'ils peuvent mettre de côté les débats académiques/idéologiques (et les égos), oui. C'est un gros SI (je sais, je suis pessimiste).
Ian Cosh: Bon. Romaric Godin a avancé l'idée que Varoufakis pouvait jouer un rôle moteur dans le parti Pro-Grexit.
Morgan Finnsio: Varoufakis est maintenant un joker. Forte opposition à l'Accord, encore indécis sur le Grexit, semble-t-il. L'alignement de Varoufakis sur la plateforme de gauche/Grexit serait encourageant, mais je ne suis pas certain que ça changerait automatiquement beaucoup de choses.
4) L'importance du NON. Bataille pour définir sa signification
Zoe Mavroudi: Le plus gros facteur dans ce désordre est les 61% de Non. Nous revenons à la plateforme démocratique. Les parties le savent maintenant. La plateforme de gauche de Syriza sait que trahir les 61% serait un suicide politique.
Theodora Oikonomides: Vrai. D'un autre côté, les embrouilles de la politique peuvent aggraver les choses et je ne suis pas encore certaine qu'il y ait une interprétation claire de OXI. Il y a des hauts et des bas.
Morgan Finnsio: Je suis d'accord, pas d'interprétations claires. Donc, une partie de la lutte maintenant est de définir OXI de façon décisive.
Zoe Mavroudi: OXI était assez clair et au moment du contrôle des capitaux, l'eurozone nous a montré les dents.
Morgan Finnsio: Assez clair pour le moment, oui, sauf si on laisse Tsipras (ou le camp du OUI) le redéfinir lentement. Eh oui, cette théorie du "momentum" est ce à quoi nous nous sommes accrochés depuis janvier, espérant la radicalisation des Grecs...
Ian Cosh: Il existe une incroyable contradiction entre appeler à un référendum sur l'offre antérieure, appeler à la démocratie, etc, et puis ne pas organiser de référendum sur cette quasi capitulation de souveraineté.
Zoe Mavroudi: ça ne change pas le résultat du 5 juillet. Discuter de cela en termes d'avant-après ne fait qu'envenimer les choses.
Morgan Finssio: je suis d'accord avec vous, mais envenimer les choses peut durer longtemps en politique, malheureusement; c'est un danger.
Zoe Mavroudi: mais c'est "la fin de la politique". Si vous êtes d'accord, alors vous savez que les partis/les medias mènent aussi à l'effondrement.
Morgan Finssio: Oui, mais les gens ne restent pas automatiquement mobilisés, radicaux, combatifs. Il faut les rallier, et comme K. a offert l'une des importantes leçons des six mois passés, de nouvelles victoires sont essentielles.
Theodora Oikonomides: Définir la question d'un référendum est ipso facto la plus grosse contradiction, qui s'est déjà manifestée, et on ne sait pas combien de gens s'en plaignent actuellement. C'est complètement fou.
Morgan Finssio: Précisément. C'est la nouvelle partie de la bataille - ce ne devrait pas l'être, mais ça l'est. La plateforme de gauche, je pense, le sait.
Theodora Oikonomides: mais LP ont leur part dans tout cela, gardant la ligne antérieure du parti (référendum = négociations). Ce n'est pas juste pour les votants.
Morgan Finnsio: je ne peux pas réellement être en désaccord là dessus. Une autre leçon importante à retenir. Et certains, comme K et Lapavitsas étaient - et c'est à porter à leur crédit -, relativement cohérents pour pointer les incohérences, même avant janvier. Cela dit, ils étaient peut-être plus muets, et centrés sur la victoire au référendum, durant sa préparation.
Avancer à partir du NON: interprétation vs action
Ian Cosh: une autre chose à porter au crédit de Varoufakis, c'est qu'il a vu dans le vote NON l'énergie positive pour une action plus radicale.
Morgan Finnsio: Oui et je pense que la plateforme gauche le pensait aussi: Si le peuple dit NON dans cette situation, alors on ira logiquement vers l'escalade.
Theodora Oikonomides: C'est ce que je pense aussi. Mais J'aimerais avoir plus de preuves que c'était l'intention des 61%. Je ne peux pas interpréter les 61% sans "Nous sommes prêts à risquer l'escalade" mais je n'en vois pas la preuve.
Morgan Finnsio: Une telle preuve se matérialisera-t-elle jamais, cependant? N'est-il pas mieux, comme le fait LP, de simplement le supposer et d'aller de l'avant?
Theodora Oikonomides: C'est pourquoi je suis (probablement trop) prudente avec toute pensée d'espoir.
Ian Cosh: C'est à propos de l'action. Allons de l'avant. Laissons les gens voir ce qui arrive. Et consultons-les encore.
Morgan Finnsio: Comme Lapavitsas l'a dit, il y a deux noeuds politiques majeurs en Grèce - les résultats de l'élection de janvier et le référendum de juillet. Ensemble ils sont certainement suffisants pour un leadership, qui en temps de crise doit être audacieux pour que l'on puisse avancer.
Ian Cosh: Il n'aurait pas été antidémocratique de refuser une plus dure austérité. En prenant des mesures défensives comme Varoufakis l'a proposé. Voyons où ça nous mène, et puis peut-être tenons un nouveau référendum, en disant aux gens:"maintenant nous sommes à une nouvelle jonction, et voici quelles sont les options..."
Theodora Oikonomides: N'était-ce pas ainsi qu'il aurait fallu d'emblée faire le référendum pour définir le chemin?
Ian Cosh: C'était un mandat "négatif", i.e. les gens ne voulaient pas - ne voulaient plus de cette austérité.
Theodora Oikonomides: Mais c'est exactement le problème. Ils ont eu un mandat négatif pour quelque chose qu'ils ne peuvent pas faire respecter parce que, même avec des mesures défensives /drachmes, cela signifierait une autre forme d'austérité, et cela n'a jamais été discuté ni par Tsipras, ni par LP. L'ensemble du processus était profondément malhonnête et je ne peux pas dire que je vois le plus minuscule mea culpa de la part des meilleures personnes de LP comme Kouvelakis. Pour moi, le pire résultat possible du référendum c'est si le vote NON tourne en politique de "la vie de Brian" (Monty Python), et j'ai très peur que ce soit le cas - également en abandonnant sur le bord de la route les gens qui veulent non pas la gauche, mais un gouvernement qui les représente (et il y en a beaucoup parmi les NON, et aussi parmi les électeurs de Syriza).
Morgan Finnsio: alors pensez-vous que la manière actuelle de LP d'éviter la rupture est plus sage que tout affrontement avec Tsipras?
Ian Cosh: Mais les points de vue des personnes peuvent changer lorsqu'elles constatent les résultats des actions. Imaginons que le gouvernement ait défendu le vote NON en refusant plus d'austérité. L'UE baisse les salaires et fait la guerre économique en Grèce. Alors le gouvernement prend des mesures défensives, proposées par Varoufakis. Le gouvernement peut dire aux gens: "Voici comment l'eurozone nous traite et traite notre démocratie. Voulons-nous continuer la lutte, ou est-ce trop dur?"
Morgan Finnsio: Le pessimisme de l'intellect, l'optimisme de la volonté, l'irascibilité du Grec: tous indispensables. Il est très difficile de soutenir la mobilisation de masse quand un gouvernement populaire la ralentit.
Ian Cosh: Et je suis d'accord, Morgan. Le leadership est nécessaire. Le leadership qui reconnait la mobilisation de masse quand elle apparait et qui est prêt à l'utiliser, même si je sais que ce genre de discours est considéré par beaucoup d'Européens comme du "populisme", avec un sens négatif .
Morgan Finnsio: Mais au lieu de ça, il y a Tsipras - qui est maintenant, apparemment, un modéré. Aussi la plateforme gauche a, de fait, un énorme dilemme.
Theodora Oikonomides: Tous les deux ont un dilemme. Tsipras est à des années-lumière derrière la partie de l'électorat qui est vraiment radicalisée. LP est à des années-lumière devant celle qui ne l'est pas. Personne ne peut bien évaluer maintenant la taille de l'un ou de l'autre, vu toutes les équivoques des deux côtés. Je sais que je dis cela beaucoup ces jours-ci, mais ils se dépeignent tous eux-mêmes comme étant dans un cul de sac. C'est déprimant.
Morgan Finnso: Mais il n'est pas vrai que dans une crise politique, "la chance favorise l'audace". Tandis que la passivité risque ici de permettre aux forces d'apathie, de modération (et même de réaction) de pousser les Grecs vers le "centre apolitique", la "place honorable" que Tsipras semble avoir sculptée et peut-être même au-delà.
Ian Cosh: Exactement. Mais j'avais ajouté que le risque n'est pas que les gens retournent vers le "centre apolitique", mais plutôt qu'ils veuillent se tourner vers les acteurs audacieux les plus disponibles - si ce n'est pas la gauche séculaire, ce sera bon, vous voyez... Les suspects habituels.
Morgan Finnso: En effet, c'est le "au-delà" que j'ai mentionné. Et c'est quelque chose qui, nous le voyons, traverse toute l'Europe.
Theodora Oikonomides: J'allais écrire la même chose. Cependant, je pense que nous pouvons être d'accord sur le fait que sauter dans l'inconnu n'élimine pas le risque des suspects habituels, particulièrement si le gouvernement ne peut pas contrôler la transition. Vu la faiblesse des structures étatiques en Grèce, le potentiel de chaos est incommensurable (Et juste pour clarifier, je ne défends pas Tsipras ici, je dis juste un fait).
Ian Cosh: J'étais justement en train de penser, Theodora, que vous "étiez" en train de faire une bonne défense de Tsipras :)
Theodora Oikonomides: C'est tristement vrai. Tout Syriza est vissé de façon monumentale. Je ne vois d'issue nulle part.
Morgan Finnso: Oui. Imprudence, hésitation, désespoir = mauvais. Audace, décision et fermeté = bon. Minces frontières.
Pessimisme, optimisme, courroux
Ian Cosh: Un de ces jours peut-être je lirai une transcription de cette conversation post-référendum et je la comparerai à la nôtre.
Question de Morgan: Est-il sage pour LP d'éviter la confrontation avec Tsipras?
Theodora Oikonomides: sur ce point spécifique, je ne pense pas que ce soit la "bonne chose", mais probablement la chose "judicieuse" à faire. Bien sûr ils peuvent arguer que le vote NON était un mandat pour l'escalade, mais ayant contribué à la farce du référendum, ils ont besoin de gagner une bataille d'impressions ici et cela implique d'évaluer l'opinion publique. Je suis heureuse qu'ils n'aient pas pris subitement des décisions hasardeuses.
Selon le scénario de Ian, qu'est-ce qui aurait pu être fait après le référendum?
Theodora Oikonomides: Sur la partie 2, oui, je peux imaginer plein de choses qui auraient pu arriver la nuit du 5 juillet. Mais une réalité très différente s'est développée durant les deux dernières semaines. Si le "momentum" a existé alors il est perdu ou il s'est transformé. Si LP agit, ils doivent le faire sur cette base.
5) Radicalisation, mobilisation et rôle du leadership
Morgan Finnsio: Quel dommage, car "la stratégie du momentum/radicalisation populaire graduelle" semblait vraiment marcher. Et j'ai conscience que c'est charitable de parler de cela en termes de stratégie consciente.
Theodora Oikonomides: J'allais le dire.
Ian Cosh: C'est même mieux que si ça avait été une stratégie consciente :)
Theodora Oikonomides: D'accord. Parce que l'on espère que la radicalisation ne va pas se dégonfler comme un ballon.
Morgan Finnso: Je vais différer de vous! Si ça avait été une stratégie consciente et délibérée, peut-être que ça aurait pu continuer, jusqu'à sa conclusion logique, ou au moins au-delà du référendum, qui a été son zénith (jusqu'ici).
Ian Cosh: j'étais dans une union qui est devenue très radicalisée, et le leader a décidé de suivre les membres. Le leader était ambivalent, il a dit "Quoi que vous décidiez, nous ferons tout pour que ça marche". Et nous avons gagné. Énorme (bien sûr, ces anecdotes personnelles sont la base des stratégies politiques universellement solides).
Theodora Oikonomides: C'est génial :) Mais il y a des limites à la comparaison parce que le choix des gens qui rejoignent une union n'est pas la même chose que le choix d'un peuple entier.
Ian Cosh: Je devine que ça m'a procuré une expérience particulière des relations entre les leaders et les "suiveurs".
Morgan Finnsio: Bon, j'espère que Zoe est d'accord avec le fait que quelque chose de similaire peut arriver en Grèce. Je ne veux pas sous-estimer les gens de Grèce ou d'ailleurs, mais je pense que le leadership politique est nécessaire.
________
http://tlaxcala-int.org/article.asp?reference=15329
https://www.jacobinmag.com/2015/07/greece-debt-euro-grexit-kouvelakis …