LE ROSIER DE MONSIEUR MELENCHON
J’ai planté un rosier au mois de Février, à l’époque bénie où le Front de Gauche avait la sève montante, bouillonnante dans ses artères. Je l’ai planté dans le caniveau devant ma maison. C’est un rosier populaire, il sera arrosé par les eaux de pluie, il s’agrippera au mur de pierres sèches sans tuteur aucun , le dos au mur comme un résistant qui ne veut pas reculer. Je l’ai acheté dans un Lidle, sans avoir aucune information sur sa couleur. Je l’ai baptisé Mélenchon. Il sera rouge c’est sûr. Et puis même s’il est rose, je ferai comme ma mère avec ses hortensias, je ferai changer la couleur.
Pendant quelques semaines, il a végété puis il a fait quelques feuilles. Il a su résister à deux attaques déjà. Une inondation a failli l’anéantir. Il a séché tout seul ses feuilles au soleil. Par contre, je lui ai sauvé la vie une fois.
En effet, Mercredi dernier, en sortant dans la rue, je tombe nez à nez avec deux employés municipaux munis d’une débroussailleuse prêts à en découdre avec la végétation sauvage et indomptée du caniveau. Des pissenlits, un peu plus haut, avaient déjà perdu leur tête jaune et la chélidoine, tueuse de verrues, était réduite en poussière. Je hurlai « Mon rosier ». Ils me regardèrent goguenards et me dirent « on l’a vu ». Je me méfie car s’ils ne se servent plus de produits style roandup qui vous stérilisait un espace en moins de deux, ils ont toutefois, la débroussailleuse facile.
Ce matin donc, 7 Mai 2012, après avoir bien fêté dignement, avec mari et amie, la défaite de Sarkozy, je suis sortie pour aller au village voisin acheter mon pain et mon journal quotidiens (et oui, j’habite un village sans commerce) et je me demandais sur cette route empruntée des milliers de fois pourquoi elle me paraissait soudain si joyeuse. Après la pluie de ces derniers jours, toute la végétation paraissait célébrer la victoire de Hollande. Les hirondelles construisaient allégrement leurs nids, les vignes faisaient oublier dans un bourgeonnement anarchique, leurs alignements militaires , l’air était transparent, le maçon qui remuait son sable me paraissait davantage content, la buraliste d’habitude revêche me rendit mon journal en me gratifiant d’un sourire plus large. Je me suis dit que le socialisme était à l’œuvre..
A mon retour, après avoir garé ma voiture, je suis tombée nez à nez avec mon rosier. Je n’en ai pas cru mes yeux, il avait un bouton bien gonflé qui pointait vers le ciel comme le doigt de E.T.
Depuis, je ne peux m’empêcher d’aller le voir. Je reluque ses feuilles, pistant la moindre tache brune. Je me suis informée sur les maladies possibles. Je suis prête. Les pucerons noirs, les taches de couleurs diverses n’ont qu’à bien se tenir ! Je vais le surveiller, le bichonner. Je veux qu’il recouvre mon mur de roses rouges.