L’affaire DSK- Nafissatou Diallo ,de la difficulté d’être une femme.
Comment la mort de quelqu’un que l’on ne connaît pas peut-elle vous toucher ? Je ne connaissais pas Kristina Rady. C’est en lisant les journaux que j’avais appris la mort de la femme de Bertrand Cantat. C’est par l’histoire déjà tragique du chanteur de Noir Désir qu’elle avait eu de l’importance pour moi. Quand j’avais appris son suicide, j’avais été choquée comme beaucoup par l’acharnement malsain de la mort sur cette famille. Puis j’ai oublié. L’affaire DSK et Nafissatou Dialo m’y font repenser aujourd’hui et la ressuscite de son oubli. Il y a pourtant très peu de similitudes entre ces deux affaires mais une même souffrance écrase ces deux femmes, victimes et responsables de rien. Kristina Rady s’est suicidée. Elle avait 41 ans. Les journaux people ont montré une femme au visage d’ange, des yeux légèrement en amande, c’était une fille de l’Est : traductrice, femme de théâtre. Sa disparition( c’est le mot généralement employé, à tort pour parler de la mort) était ici un mot juste : elle était là et puis elle n’y était plus, pourtant elle ne voulait pas disparaître. Sa mort a été gommée, estompée, supplantée par celle de centaines de milliers d’autres en Haïti qui eux aussi ne voulaient pas mourir. Sa mort n’avait rien pesé dans la balance, juste un petit entrefilet en fin de journal, quelques photos. Elle était en concurrence avec bien plus fort qu’elle. Un séisme terrible venait de ravager Haïti. Il fallait montrer la souffrance du peuple Haïtien et surtout donner aux « fauves pleurnichards » comme l’a dit Rosa Luxembourg à propos d’une autre catastrophe, leur pâture jusqu'à ce que repus, ils s’endorment jusqu’au prochain cataclysme. Le peuple haïtien souffre, la nature dans sa haine aveugle l’a martyrisé. Pourquoi attendre les catastrophes pour agir ? C’était déjà le pays le plus pauvre de la terre. Ceux qui venaient lui tenir la tête hors de l’eau étaient ceux là même qui l’enfonçaient auparavant. Les Haïtiens n’existent –ils que pour montrer la puissance de l’Amérique, les compétences des ONG , la richesse honteuse du monde occidental? Ils n’ont pas besoin de notre voyeurisme. Lorsque la nature s’est calmée, que le temps a fait naître l’oubli, ils ont pu retourner dans leur bidonville, continuer à manger des galettes de boue et de farine mélangées, se battre pour avoir de l’eau et défendre leur vie contre les gangs des puissants : La jungle au quotidien !
Pendant ce temps, en France, des bloggeurs bien intentionnés, envoyaient des messages de soutien à Cantat, s’indignaient de sa malchance, du sort qui s’acharnait contre lui : le poète maudit de Noir Désir. Oubliée Kristina . Niée sa mort! Très peu de commentaires sur elle. Qui est la victime dans tout ça ? Des années après les événements tragiques de Vilnius, la prison, leur vie ensemble à nouveau, il semblerait qu’elle ait été rattrapée par des ondes de choc souterraines mais toujours présentes. Haïti était en partie détruite, des répliques continuaient à la secouer et un simple souffle pouvait désormais venir à bout des architectures les plus solides. Kristina Rady a fait partie de ces dégâts collatéraux dont parlent les militaires : une tragédie imprévisible mais où tout était prévisible. Elle était là, c’est la seule faute qu’elle ait commise. Quel courage a eu pourtant cette femme pour défendre son homme quand celui ci était au fond de son cachot. Elle l’a protégé de l’opprobre, expliquant qu’on ne pouvait réduire sa vie à ce seul acte. La vie de l’homme qu’elle aimait, du père de ses enfants ne pouvait se résumer à ce geste affreux et définitif. Elle a défendu son honneur et le SIEN: Non il ne l’avait pas battu, elle n’aurait pas accepté de vivre avec une brute, un macho. ! Faire face aux média sans pitié, dans ces circonstances alors qu’elle était pour tout le monde la femme trompée, abandonnée. Quel courage et quelle dignité ! Elle aurait pu rester dans l’ombre. Elle ne l’a pas fait. C’est peut-être à ce moment que sa vie a basculé ? Comme une élastique sur laquelle on a trop tiré et qui casse. Bertrand Cantat était un dieu de la scène et Marie Trintignant était belle. C’étaient des stars, des lumières aveuglantes auprès de qui il devait être difficile d’exister. Bertrand Cantat n’est pas le plus à plaindre. Son geste était horrible et il fallait qu’il paye pour cela. La culpabilité si elle ne vous tue pas, peut être une béquille. Mais pour celui qui n’est responsable de rien, qui a tout donné, tout supporté ? Elle voulait exister et il n’y a eu que la faucheuse pour le lui autoriser. Le choix de sa mort par pendaison est très peu féminin mais il révèle la détermination de Kristina Rady.. Les barbituriques, c’est long, aléatoire. On peut toujours vous sauver à votre insu. La pendaison est un saut dans le vide et on sait qu’on n’atteindra jamais le fond. C’est une mort sûre, rapide et sans échappatoire possible. On sait que l’on ne se ratera pas. Ce n’était pas un appel au secours, c’était un adieu. Adieu Kristina ! Depuis, Noir Désir a signé sa dissolution. Le guitariste du groupe a invoqué une question de morale. Il n’y aura pas d’autre album. Amen ! Aujourd’hui
après un déchaînement médiatique autour de DSK, les médias ont amorcés un vaste mouvement de balancier contraire et se sont attaqués à Nafissatou Diallo. Elle qui était la victime, est devenue la parjure, la prostituée dont la parole est ignorée et mise en doute. En Amérique, les faits n’ont plus aucune réalité lorsqu’on a menti sur la bible. L’argent, le pouvoir y règnent en maître. Nafissatou Diallo a menti sur les raisons de son immigration. C’est une menteuse ! Elle a perdu son joker.
Marie Trintignant, Kristina Rady ne sont plus là. Tout, à jamais , a pris fin pour elles deux. Nafissatou Diallo, elle, va avoir de gros soucis. DSK, depuis quelques jours, envisage l’avenir avec davantage de sérénité. Il peut continuer à aller au restaurant et sortir. Les Haïtiens, dans l’indifférence générale, se débattent toujours dans la misère la plus noire, entre choléra et corruption. La corne de l’Afrique ne fait bouger personne.
Monique Arcaix