E VIVA TARANTINO !!!!!!
Je dois avouer tout d’abord que je hais la violence. Dans les rapports humains, dans la vie comme au cinéma. Il y a plus de quarante ans, je me souviens avoir été collée pour avoir jeté au fond de la classe, pendant un cours de français, la « terre » de Zola parce que je ne supportais pas la violence des personnages. Je me rappelle également être sortie de la salle de cinéma au milieu du film « las garras del poder » parce que la justification de la torture en Amérique latine qui y était faite par des cols blancs de la CIA me rendait malade. Alors quand mon fils m’a demandé si je voulais aller voir le dernier Tarantino, j’ai commencé par refuser puis comme il m’a dit, comprenant ma réserve, je serai à côté de toi, j’ai eu honte de ma faiblesse. Il m’avait déjà fait le coup pour Inglorious basterds et c’est vrai, j’avais adoré le film. Il faut dire que Tarantino n’y va pas avec le dos de la cuillère. J’y vais toujours à reculons, ayant peur d’avoir peur mais sa violence outrancière est tellement exagérée qu’elle en devient jubilatoire. Je ne vais pas vous raconter le film mais la scène finale où Django pulvérise la belle maison coloniale du sud, style « autant en emporte le vent » après avoir liquidé la plupart des esclavagistes est jouissive. Les corps sont déchiquetés , pulvérisés. Ils tressautent sous l’impact des balles comme des mannequins remplis de son sur un stand de tir mais cette violence relève plus du trépignement de colère. La mort de Lara , sœur de l’abominable Calvin Candie relève elle du dessin animé. Quand Django lui tire dessus, elle disparaît comme aspirée dans une autre pièce telle une Olive, ou un Popeye disparaissant dans son tuyau de pipe. Sa mort n’est pas violente, elle est balayée d’une chiquenaude, au niveau de sa responsabilité . La violence vengeresse de Django n’a rien à voir avec celle des maîtres. Cette scène où les servantes noires , habillées toutes pareils , mettent la table, de conserve, chacune une assiette et le couvert en même temps , chacune finissant avec le même geste pour lisser la nappe est bien plus violente que cette débauche d’hémoglobine. DiCaprio sciant avec une scie à métaux, un crâne sur la table pour montrer à ses convives les zones prouvant l’infériorité des noirs est glaçante. Le même Dicaprio expliquant posément et poliment à un combattant mandingue pourquoi il va le faire déchiqueter par ses chiens vous fait rentrer dans votre fauteuil. Tarantino prend partie, il rigole pour ne pas pleurer, il manie l’humour d’une manière déjantée et son humour est au service de la cause qu’il défend. Ainsi, l’esclave Django paradant sur son cheval en habit de valet en soie bleue du XVIII ème siècle, fouettant les esclavagistes blancs devant ses frères est l’exemple à suivre. Il n’est pas ridicule dans cet accoutrement, c’est la servitude qui l’est. Tarantino renvoie à la responsabilité individuelle de chacun et c’est à Dicaprio qui joue magistralement un propriétaire du sud pervers , sadique, qu’il fait se demander pourquoi, un noir qui pendant quarante ans a eu en main tous les matins un rasoir tranchant ne s’en est jamais servi pour lui trancher le cou. Le docteur Shultz , arracheur de dents officiel mais chasseur de primes allemand utilise de son côté un langage et des manières châtiés qui dénotent encore plus et rendent la violence encore plus insupportable. Django va devenir chasseur de primes, au côté de Shultz avant de pouvoir se libérer et exécuter sa vengeance .Sa libération va être sinusoïdale. Il va cacher son jeu, faire croire qu’il est du côté des maîtres, tuant largement, assistant silencieusement à la mort atroce de ses congénères, et assassinant parfois aussi verbalement les esclavagistes . Il est devenu le Siegfried de la légende que lui a racontée Shultz . Il va réussir à sauver sa bien aimée Broonhilda parce qu’il n’a plus peur de rien.
Il paraît que la lutte des classes est entrain d’être gagnée par la classe de Buffett. Tarantino avec le personnage du maître d’hôtel Stephen, faux uncle Ben's, oncle Tom cynique et dangereux renvoie à toutes les traitrises de classe qui font que le système peut continuer à exister.
Le film se passe deux ans avant la guerre de sécession, en pleine période esclavagiste. La libération de Django est un peu anticipée par rapport à celle de ses congénères. On sait ce qui s’est passé ensuite et on est un peu optimiste . Mais Tarantino nous titille, le cinéma n’est pas un lieu uniquement pour aller pleurer , souffrir, se dédouaner.
E VIVA TARANTINO !!!!!