Chaque fois que la télé nous parle de canicule, "mes vieux" s'imposent davantage à moi, comme un remord. Je ne vais pas les voir assez, c'est vrai; une fois tous les dix jours. Ils habitent une petite maison à une centaine de km de chez moi. Ils sont très vieux : 90 et 92 ans. Lui marche très difficilement avec un déambulateur et, elle , plus énergique, le houspille parce qu'il ne marche pas assez vite.Ca pourrait être rigolo. Nos rapports par le passé, n'ont jamais été au beau fixe. Depuis que la vieillesse est passée par là, les rôles se sont un peu inversés. Je suis devenue la mère de ma mère et de mon père. Hier, en arrivant chez eux, lui était en robe de chambre encore à 11h du matin parce qu'il attendait l'infirmière qui l'aide pour sa toilette. Elle n'est pas venue ,elle ne s'est pas excusée, trop de travail, trop de stress. Il doit y avoir plus urgent. Je ne critique pas.On avait essayé une maison de retraite mais cela n'a pas marché, mon père s'y ennuyait. Les vieux sont mieux chez eux. Ils y sont encore libres . Mon Dieu! Ces après midi , où aller du salon à la terrasse prend un temps fou, où on s'aperçoit, dans une pièce surchauffée, que la clim ne fonctionne pas parce qu'elle n'est pas branchée, où on répète pour la millième fois la même chose: non maman je ne prends pas de sucre dans mon café (cela fait 20 ans que je suis fâchée avec le glucose), on voudrait fuir ,aller ailleurs dans un monde paradisiaque.
Hier, contrairement à mon habitude, je n'avais pas apporté de petits gâteaux. Il faisait très chaud, j'avais eu la paresse d'aller en acheter.Au moment du café,ma mère m'a dit: " J'aurais bien manger un petit gâteau". Elle l'a dit avec une telle gourmandise, une telle envie enfantine dans ses yeux que j'en ai pleuré.
Les vieux bénéficient d' aides( on leur porte leur repas, on vient faire le ménage ..) .mais ils ont besoin de plus. Plus que de maisons de retraite c'est d'une assistance et d'une présence quotidienne dont ils ont besoin. Mes vieux à moi sont encore tous les deux, le jour où le plus doux, le plus sévère va disparaître, comme dit Brel, celui ou celle qui restera se retrouvera en enfer.