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Billet de blog 1 mai 2024

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AUDIOVISUEL PUBLIC: AVANT LA FUSION IL Y A D'AUTRES PRIORITES ...

Le regroupement de l’audiovisuel public devra s’appuyer sur deux piliers : les contenus et les structures. Pour avoir une chance de réussir, il faut respecter cet ordre-là, et ne pas commencer pas une fusion.

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AUDIOVISUEL PUBLIC : AVANT LA FUSION , IL Y A D’AUTRES PRIORITES 

La fusion de l’audiovisuel public, c’est la chronique annoncée  d’une guerre de tranchée qui commence en 2025. 

Commencer par la fusion c’est mettre la charrue avant les boeufs. C’est débuter l’histoire de l’audiovisuel unique par un affrontement (social, syndical, salarial, technique, de gouvernance, de localisation) avant de savoir ce que l’on va pouvoir produire ensemble. Cet affrontement se déroulerait au plus mauvais moment. A deux ans de l'élection présidentielle, la fusion traumatisera les salariés de toutes les entités et mettra “en vrac” l’audiovisuel public alors qu’il est tout à fait indispensable dans l’équilibre démocratique des médias pendant une période cruciale pour le pays. Une fusion, à ce niveau de complexité, nécessite un minimum de 2, voire 3 ans, pour aboutir, forcément dans la douleur. 

L’idée d’une Holding est la plus pertinente. 

Une holding respecte au départ, à priori, les spécificités de chacune des entreprises qui la composent, mais a le pouvoir d’emmener l’ensemble vers un projet global commun. En outre, si le projet éditorial est clair et que les équipes apprennent à travailler de concert au sein de cette holding, la fusion, si elle doit être maintenue un jour (ce qui reste à voir), serait facilitée. 

Les contenus d’abord … 

La priorité est la qualité du service public et de ses contenus. L’objectif est de s’adresser de manière plus cohérente aux français dans une offre repensée et reconfigurée. Il faut donc d’abord travailler sur la complémentarité des contenus et toutes les collaborations possibles et mettre en place les synergies dans une offre renouvelée mais surtout améliorée. Le travail est déjà énorme, mais surtout il sera immédiatement visible par les citoyens. 

Un chantier prioritaire, qui est aussi un enjeu démocratique : l’Information.   

C’est le nerf de la guerre, le contenu le plus onéreux et le plus délicat à produire. Le premier sujet concerne le pluralisme. On connaît l’injonction du conseil d'Etat et on attend la réaction de l’ARCOM. Quoi qu’il arrive, tous les journalistes du service public devraient être “encadrés” par une charte unique, et peut être par un organisme interne à la holding et indépendant chargé de veiller au respect de l’éthique et du pluralisme.    

Avec environ 4500 journalistes (4500 !!!!), l’audiovisuel public doit être capable de proposer, au delà des éditions de chaque média, une chaîne info nationale et internationale ambitieuse et capable de dépasser les scores d’audiences indignes que France Info tv crée par France Télévisions ne parvient pas à améliorer, écrasée depuis sa création par toutes les chaînes d’information privées. La nouvelle France Info télévisions pourra s’appeler France 24, ou conserver le nom France Infos mais les deux chaînes doivent en construire une ensemble. La nouvelle chaîne d’information du service public s’offrirait un avenir différent de celui que lui propose la gouvernance actuelle de France Télévisions. Cela n’interdit pas du tout de maintenir les versions françaises arabes anglaises et espagnoles existantes et leurs diffusions internationales, avec des objectifs redéfinis par l'intérêt national dans un cadre conforme au strict respect de la liberté de la Presse.  

On me retorquera sans doute que l’objectif (notamment diplomatique) de France 24 est différent de celui d’une chaîne d’info “nationale”, je répondrais que face aux bulldozers C NEWS et BFM l’installation sur la TNT gratuite d’une chaîne d’info française différente caractérisée par un regard international plus présent (comme le fait de manière très claire LCI) ne serait pas forcément une mauvaise idée. Lorsqu’on plafonne à moins de 1% d’audience, on peut rester ouvert aux idées nouvelles.  

Dans quel état sont les entreprises de l’audiovisuel public ?

Il ne faut pas se raconter d’histoires, les deux succès majeurs du service public (et apparentés) s’appellent RADIO FRANCE et ARTE (l’apparenté). Les deux mauvais élèves sont FRANCE TELEVISIONS et FRANCE 24. L’INA est à part.

Je mets ARTE de côté puisque la chaîne n’est pas concernée par le projet de loi et je ne développe pas ici le portrait de l’INA qui n’est pas à proprement parler un média et dont la majeure partie de l’activité est au service des médias existants, publics ou privés. 

On peut reprocher à RADIO FRANCE d’être l’incarnation d’un entre soi très parisien qui pose problème et d’une gauche bobo souvent agaçante mais il n’en reste pas moins vrai que le groupe a su marier les fondamentaux de la mission de service public (des contenus exigeants, sans jamais tomber dans les recettes commerciales) et une audience record. 

FRANCE TELEVISIONS c’est tout l’inverse. L’entreprise se décompose de l’intérieur depuis des années. Avec un management violent, des maladies longue durée par centaines , une dépression généralisée dans tous les services de l’entreprise, la télévision publique est dos au mur. La méthode Ernotte - Sitbon Gomez pourrait avoir fait des dégâts irréparables dans les corps et les esprits. Editorialement, tout semble décidé en micro comité sur deux critères : Le service d’une idéologie tendance gauche écolo d’une part (qui n’a rien de gauche ou d’écolo en vérité), et paradoxalement d’autre part le service de quelques groupes de production privés gavés de contrats mais aussi excellents lobbyistes, utiles à la Présidente dans son appétit de pouvoir.  France Télévisions s’est éloignée irrémédiablement de sa mission de service public et accessoirement de la partie la plus jeune de la population. Le lien est coupé. Personne ne sait comment le renouer. Elle singe trop souvent les chaînes privées sans en capter l’audience. 

Comment l’entreprise la plus riche du service public a-t-elle pu devenir la plus abîmée ? Cela risque d’être un des gros dossiers de la holding. 

FRANCE MEDIA MONDE de son côté tourne dans le vide. Avec une politique RH contestée et des choix stratégiques souvent à côté de la plaque, beaucoup se demandent à quoi elle sert vraiment, au-delà de la “nécessaire” vitrine diplomatique de la France qu’elle représente dans le monde et sur ce point même, pour reprendre les propos du Président de la République, son rôle doit être repensé ou éclairci. 

De son côté RFI peut à terme rejoindre Radio France (et inversement) sans perdre son âme (antennes séparées bien sûr) et France 24, comme expliqué plus haut, peut rejoindre France Télévisions pour bâtir entre autres une chaîne d’info à l’ambition renouvelée. Enfin sur le plan numérique FMM a échoué à créer un média numérique qui s’adresse aux jeunesses africaines et francophones, pour défendre notre culture et nos valeurs, et en particulier un modèle de société  (liberté, laïcité, féminité) qui est attaqué dans de nombreux pays par des actions de propagande contre la France. 

Une nécessaire collaboration numérique pour une plateforme globale du service public surpuissante. 

Ce chantier est la priorité de ce projet de regroupement et de collaboration au sein d’une holding. Chacun développe sa plateforme de son côté alors qu’ARTE propose déjà une offre vidéo, radio et podcast, tout comme nos voisins de la RTBF par exemple. Combler ce retard doit être tout en haut de la feuille de route du-de la pilote de la future holding.  

La réalisation de ce projet va ressembler à un immense jeu de légo, dont les briques seront sous surveillance. La-le pilote de la holding va chapeauter des dirigeantes qui gardent les frontières de leurs royaumes les armes à la main. Il paraît évident qu’aucun membre des équipes dirigeantes des 3 groupes médias de l’audiovisuel public ne peut être leader de la holding

Si la tutelle cherche un.e guide, il va falloir regarder ailleurs, et privilégier un regard neuf et libre. Cela sera le seul moyen d’espérer faire enfin bouger les lignes et offrir un nouvel avenir au service public de l’audiovisuel. 

Son portrait : une femme ou un homme courageux-se porteur d’une vision nouvelle, qui ne sera pas empétré.e dans les visciscitudes de l’exercice du pouvoir quotidien à France Télévisions, Radio France, France Média Monde ou l’INA, fin.e connaisseur.se des médias et de leur fonctionnement, totalement vierge dans la guerre des gangs qui a opposé les équipes dirigeantes des différentes entités, habité.e par ses convictions et farouchement optimiste.

Elle ou il existe … il faut juste réfléchir hors du cadre, ouvrir les yeux et les oreilles ... écouter l’avenir.   

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