Le service public est en danger. À une époque où les fondements mêmes du pacte républicain se trouvent remis en question, la télévision publique a plus que jamais un rôle essentiel à jouer dans la vie démocratique du pays. Elle doit offrir au plus grand nombre une information de qualité, une pluralité de points de vue, des espaces de citoyenneté, de découvertes et de débats. Sur ces différentes dimensions, des progrès considérables restent à accomplir.
Des programmes peu différents des chaînes privées gratuites et une information dictée par une ligne éditoriale qui s'éloigne trop souvent du pluralisme ont abîmé petit à petit ce qui faisait la force et la singularité de la “télévision nationale”.
Quant aux liens entre les jeunes et la télévision publique, ils ont quasiment disparu. Il a fallu une injonction extérieure pour que France Télévisions annonce une stratégie de contenus tournée vers les plus jeunes et des investissements en hausse sur cette cible.
Il faut que cette télévision soit l’affaire de tous, de chacune et de chacun. Elle est la propriété inaliénable de la nation. Une nation plurielle, composée de citoyennes et citoyens de tous âges, de toutes origines et de tous milieux. Une nation fière de son exception culturelle et amoureuse des confrontations d’idées.
Au sein de l’entreprise France Télévisions, les salariés partagent l’amour et les ambitions originelles du service public.
Sans vision pluraliste que restera-t-il ? Les GAFAM, pour lesquels la France est un marché local qu’on abreuve de contenus. Les groupes privés, qu’il ne s’agit pas de caricaturer car ils gardent en majorité le souci du pluralisme. Mais tous ont des objectifs de chiffre d’affaires et agissent en conséquence. Nous ne pouvons ignorer l’apparition dans le paysage d’une chaîne d’opinion et de lignes éditoriales partisanes. Nous devons être attentifs à l'idéologisation des médias, une disparition du débat démocratique dans sa noblesse, un effacement de la nuance.
Tandis que son financement tend à être envisagé sur la durée grâce aux recommandations de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, une question cruciale demeure : comment sécuriser son existence face aux risques de récupération, de reprise en main voire de privatisations susceptibles d’intervenir au cours des prochaines années, des prochaines décennies ?
Un projet peut garantir la viabilité et l’indépendance de France Télévisions, son inscription dans la constitution française. Ce geste fort permettrait de se prémunir collectivement des fluctuations politiques, sociétales et conjoncturelles tout en réaffirmant le caractère inaliénable de la télévision publique dans l’édifice démocratique de la nation.
Avant cela, il faut apporter les nécessaires garanties de la refondation de France Télévisions. Le groupe audiovisuel dans sa gouvernance, l’indépendance totale de son information, la transparence de ses achats de programmes, le contrôle par ses
téléspectateurs, son éthique, la rationalisation indispensable de son budget, sa politique RH, doivent être repensés.
L'exemplarité doit être le maître mot et l'objectif prioritaire de ce travail de refondation. C'est le mot clé pour que le Service Public retrouve ses lettres de noblesse et sa raison d'être, travailler au service de tous les Français et non d'intérêts particuliers ou partisans.
Dans cette perspective, toutes les énergies seront les bienvenues pour franchir les obstacles, dépasser les clivages et permettre, finalement, à la télévision publique d’ouvrir une nouvelle page de son histoire.
Olivier Montels
Ancien directeur général adjoint des antennes et des programmes de France TV.
Jean-François Laville
Ancien rédacteur en chef de France TV sports.