Dans une vidéo postée le 25 juin 2025, les militants du collectif d’extrême droite La Digue dénonçaient à grands coups de propos homophobes et transphobes la présence des livres “Queer et fières” et “Sexo queer”, deux guides jeunesse pour explorer sa sexualité et son identité de genre, à la bibliothèque Elsa-Triolet de Lanester, près de Lorient, en Bretagne.
Dans une seconde vidéo postée le même jour sur un compte Instagram prenant pour cible le député écologiste Damien Girard, plusieurs ouvrages pour enfants traitant de sexualité, de genre et de diversité sont brûlés sur une plage du Morbihan. S’ensuivent, selon Ouest France, des images d’archives d’autodafé hitlérien, où croix gammées et soleils noirs nazis côtoient des croix celtiques, emblème des néofascistes français, et l’inscription : “Nous brûlerons vos livres à nouveau.”
Polémique sur l’affiche de l’InterLGBT
La presse LGBT ne s’en est hélas pas fait l’écho, accaparée par l’actualité brûlante du mois des Fiertés : le 3 juin, l’InterLGBT, association organisatrice de la Pride de Paris, dévoilait via le journal L’Humanité son affiche représentant six queers de différentes couleurs (orange, vert, violet, bleu, jaune, chair), parmi lesquels un militant d’Act Up, une personne trans, une femme portant un voile et une autre arborant plusieurs symboles allant des Gilets jaunes aux drapeaux de la Palestine, de la Bulgarie et de la Hongrie – les Prides de ces deux derniers pays d’Europe centrale étant menacées par leur gouvernement.
Les personnages, qui semblent marcher gaiement après avoir mis KO un homme dont la croix celtique dessinée sur le cou l’identifie à l’extrême droite, sont réunis autour de ce slogan : “Contre l’internationale réactionnaire, queers de tous les pays, unissons-nous.” Cette affiche militante, intersectionnelle et loin de toute victimisation déclenche une pluie de critiques, à commencer par celles de la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, qui, après avoir exprimé son mécontentement, prend la décision de retirer ses subventions à l’événement. Et de déclarer : “La région Île-de-France, qui contribue à la sécurisation de la marche, refuse d’être associée à cette affiche qui incite à la violence avec son cadavre renversé ! Nous refusons tout message qui peut inciter à des débordements de haine.”
L’ancienne militante de la Manif pour tous, soutenue par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui lui emboîte le pas en évoquant une “incitation à la violence”, l’est aussi par Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement national (RN), qui tweete sur son compte X : "Femme voilée, homme blanc martyrisé et caricaturé en facho, soutien à la Palestine, alors que les homos, bis et trans y sont massacrés... voilà les marqueurs d'extrémistes." Le député RN de L’Yonne Julien Odoul déclare quant à lui :“Homme blanc étranglé, femme voilée, soutien au #Hamas… Cette marche des fiertés est la déambulation de la honte et de la haine de tout ce qui n’est pas l’extrême gauche. Rappelons que le seul pays de la région qui permet d’aimer librement s’appelle #Israel.”
L’association de personnes LGBT juives Beit Haverim, après s’être mépris sur la signification des drapeaux hongrois et bulgare (beaucoup y ont vu le drapeau palestinien, pourtant déjà présent sur l’affiche) et le symbole de la langue des signes, considéré à tort comme deux mains rouges, métaphore sanglante ayant pour but de dénoncer des crimes, s’est exprimée à son tour : “Dans un climat où les Israéliens sont traités sur les réseaux sociaux de "nazis" ou de "nazi-sionistes", cette imagerie fait craindre des glissements idéologiques ou des lectures antisémites sous-jacentes, notamment si l'on associe ce cadavre à une figure "blanche", silencieuse, et marquée de symboles d'extrême droite.” L’InterLGBT dénonce alors des “contresens grossiers”.
Plusieurs groupuscules LGBT fustigent également l’affiche et menacent de s’inviter à la marche, parmi lesquels l’”association de lutte contre les dérives idéologiques LGBT et la cancel culture” Eros et son pendant féministe, Nemesis, qui se revendiquent ouvertement de l’extrême droite, ainsi que Fierté citoyenne, dont le militantisme s’inscrirait “dans l’universalisme et les principes républicains”.
Le communiqué de cette dernière dénonçant “des symboles religieux à la charge oppressante ; des références explicites au conflit israélo-palestinien ; un mot d'ordre calqué (sans la moindre subtilité) sur le Manifeste du Parti Communiste, et l'image agressive d'un individu « blanc », représenté comme militant d'extrême droite, pendu par des manifestants eux « colorés »” trouve sans surprise un écho dans des médias réactionnaires comme Le Point, Valeurs actuelles, ou encore Cnews, à qui l’un de ses membres, Mathieu Gatipon-Bachette, accorde une interview.
De son côté, le Flag, l’association LGBT+ des agents des ministères de l'Intérieur et de la Justice “gangrenée par l’extrême droite”, selon une enquête du Canard Enchaînée de septembre 2024, demande le retrait immédiat de l’affiche. Pour finir, la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Berger – dont la nomination a en son temps été pointé du doigt par SOS Homophobie en raison de certaines de ses positions jugées transphobes – demande à la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) le retrait de son logo de l’événement. Le 10 juin, l’artiste Tola Vart déclare à Mediapart : “L’affiche que j’ai dessinée est antifasciste et internationaliste, donc je savais que cela pouvait déranger les personnes qui veulent des Prides totalement dépolitisées.” CQFD.
Attaquée de toutes parts, l’InterLGBT se tourne du côté du magazine gay Têtu, qui titre “Laissons là cette affiche, mais pas notre marche” et fustige l’interassociative à qui le directeur de la rédaction alors en fonction – ce dernier envisage au même moment d’imposer un portrait du président de Fierté citoyenne dans le magazine d’automne à paraître en septembre, mais y renonce en raison de l’opposition active de la rédaction dont je faisais partie en qualité de rédacteur en chef – fait porter le poids de la polémique avec tant d’enthousiasme (évocation des émeutes de Stonewall, du Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar) et illustration de l’article par une photo d’archive du Groupe de libération homosexuel (GLH) Polique & Quotidien) qu’il en “oublie” d’évoquer et de commenter la décision de Valérie Pécresse et les attaques groupées de l’extrême droite.
Malgré les pressions, l’InterLGBT maintient son affiche, et La Pride qui s’ensuit aurait réuni pas moins d’un demi-million de personnes le 26 juin 2025. L‘affaire aura au moins permis de clarifier les positions de chacun. Peu nombreux, mais hélas extrêmement bruyants, les homonationalistes sont sortis du bois, probablement confortés par l’extrême droitisation du pays.
L’homonationalisme à la française
Professeure en études de genre à l’université Rutgers, dans le New Jersey (États-Unis) Jasbir K. Puar a forgé le concept d’homonationalisme en 2007, en prenant pour point de départ les attentats du 11 septembre 2001 : “Je soutiens que l’invocation orientaliste de la figure du terroriste est une tactique discursive qui tend à dissocier les lesbiennes, gays et queers états-uniens des autres figures de l’altérité sexuelle et raciale”. Et d’ajouter : “l’homonationalisme est ainsi la manifestation d’une collusion entre homosexualité et nationalisme.”
En France, ce courant espère l’adhésion d’une partie des LGBT aux thèses de l’extrême droite et du Printemps républicain, dont les discours sécuritaires et anti-immigration/musulmans leur sont en partie adressés. Ainsi l’étranger, mais aussi le jeune de banlieue, forcément homophobes, forcément radicalisés, forcément violents, sont une fois de plus désignés comme boucs émissaires et ennemis communs.
Côté Printemps républicain, mouvement vallsiste issu du parti socialiste et comptant en son sein des personnalités comme Caroline Fourest – directrice de la rédaction du journal réactionnaire Franc-Tireur (parmi les titres de cette année 2025 : “Rima Hassan dévoilée”, “LFI bloqueur du pays”, “Palestine historique ?” sous-titré “La diplomatie française pense avoir marqué un point. Mais la guerre continue. Et la France importe des réfugiés antisémites”, “La Flotille s’amuse”…) mais aussi lauréate de deux Y’a bon awards, cérémonie créée par l’association antiraciste Les Indivisbles récompensant les déclarations les plus racistes de personnalités publiques –, on s’appuie sur une vision dite “identitaire” de la laïcité (voir Jean Baudérot, Petit manuel pour une laïcité apaisée) pour imposer un agenda universaliste. Gabriel Attal (dont la nomination comme premier ministre a été saluée en son temps par le directeur de la rédaction de Têtu), auteur d’une réforme de l’assurance chômage particulièrement sévère pour les travailleurs en 2024, a ainsi proposé une loi sur le port du voile des mineures en juin 2025 (qu’il a emprunté à Aurore Bergé).
Ces homonationalistes laïcs semblent avoir en commun une absence totale d’attachement aux droits sociaux, une méconnaissance assumée des sciences sociales, une méfiance viscérale pour le milieu universitaire, souvent qualifié de “wokiste”, mais aussi de lutter sans relâche contre l’intersectionnalité, c’est-à-dire contre la prise en compte des différentes discriminations subies par une personne.
Ainsi le président de l’association Fierté citoyenne a-t-il épinglé sur son compte X : “L’approche dite « intersectionnelle» est une impasse. Plus que ça : une faute.” Et de proposer le remède de tout national laïc au risque de stigmatiser les banlieues : “Pour protéger les personnes LGBT+ vivant dans les quartiers populaires, il nous faut redynamiser l’enseignement laïque et redonner de la substance à l’universalisme républicain.” Ces militants, auquel il faut ajouter la journaliste Nora Bussigny, autrice des Nouveaux Inquisiteurs et des Nouveaux Antisémites, deux ouvrages à charge contre les “wokes” et les militants d’extrême gauche – dont le sérieux a été sérieusement remis en cause cet automne par Elodie Safaris, journaliste à Arrêt sur image – ont également en commun une défense aveugle d’Israël depuis les massacres du 7 octobre perpétrés par le Hamas.
Ainsi les homonationalistes de tous bords qualifient-ils de “Chicken for KFC” les queers indignés par les bombardements qui s’abattent depuis sur Gaza, afin de discréditer la solidarité des LGBT envers les civils palestiniens et faire passer le génocide en cours comme une guerre des civilisations. Le président de Fierté citoyenne, encore lui, tweete d’ailleurs en août : “Le peuple palestinien a malheureusement scellé son destin en confiant le pouvoir aux islamistes du Hamas. Ce n’est pas un génocide, mais une guerre totale menée par des nationalistes dans chaque camp.” Circulez LGBT, et occupez-vous de vos fiertés.
Les gays résistent au RN
Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme et président du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement national, l’ex-RN président des Patriotes Florian Philippot, ou encore quelques identitaires comme Yohan Pawer, président d’Eros, et Marguerite Stern, militante co-autrice de Transmania et proche des féministes du collectif Némésis, comptent parmi l’aile droite fasciste de l’homonationnalisme en France, qui s’appuie à l’Assemblée sur 123 députés. Sur les 89 présents sur les bancs de l’Hémicycle en 2022, Têtu en comptabilisait environ un quart de gay.
Si cette surreprésentation a de quoi étonner, elle s’explique avant tout par la stratégie de dédiabolisation du RN. Dans un sondage Ifop réalisé en février 2022, 30% des électeur·ices LGBT (Ils étaient 19% en 2012, et 23,5% en 2017) déclarent s’apprêter à voter pour la droite radicale (17% pour Marine Le Pen, 11% pour Eric Zemmour, et 2% pour Nicolas Dupont Aignan), ce qui est légèrement inférieur à la moyenne des Français, dont 34,5% ont effectivement voté pour l’extrême droite. Sans surprise, le RN réalise là encore ses meilleurs scores dans les villes de moins de 20.000 habitants, dans les villes isolées auprès des catégories modestes et pauvres avec un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat.
Si l’on compare ensuite les préoccupations des LGBT avec celles de l’ensemble des Français, les électeurs queers sont plus soucieux de la haine anti-LGBT (+17points), de la protection de l’environnement (+8) et de l’accès au logement (+4). Ils sont en revanche moins nombreux à se préoccuper de santé (-10), de terrorisme -13), d’insécurité (-14), d’éducation (–16), du chômage (-16), des services publics (-11) et de laïcité (-7).
Du côté des gays, les écarts avec l’ensemble des Français sont importants sur l’éducation (-23%), l’insécurité (-15), le chômage (-15) et les droits des femmes (-15), mais aussi sur la lutte contre la haine anti-LGBT (+23), les replis communautaires (+10, contre -1 pour l’ensemble des LGBT) et la laïcité (+3). C’est donc sans surprise sur ces deux derniers points que les homonationalistes axent leurs discours depuis plusieurs années, sans toutefois parvenir à faire bouger les lignes. Avec leur 31% d’intentions de vote pour la droite radicale, les gays continuent de moins adhérer à l’extrême droite que l’ensemble des Français. Ils étaient même 35% à envisager voter pour la gauche (radicale et modérée), contre 24,5% pour l’ensemble des électeurs.
Politique LGBTphobe de l’extrême droite
Dans une vidéo postée sur ses réseaux le 13 octobre 2021, Marine Le Pen se met en scène en train de regarder la vidéo de l’agression homophobe survenue deux semaines auparavant devant le lycée Rosa-Parks de Montgeron, dans l’Essonne : “Des agressions sauvages, homophobes comme ça, avec moi on ne tolérera pas ça.” Le message veut placer le RN aux côtés d’autres partis européens d’extrême droite, comme le parti populaire danois, le parti de la liberté aux Pays-Bas, les démocrates de Suède ou encore L’Alternative pour l’Allemagne (présidé par Alice Weidel, femme politique ouvertement lesbienne), dont les discours articulent islamophobie et défense des LGBT.
Seulement dans les faits, l’extrême droite, et le Rassemblement national en particulier, sont loin d’être des alliés. Si, dans les années 1980, le fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, parle de l’homosexualité comme d’une “anomalie biologique et sociale”, et suggère de parquer les malades du sida dans des sidatoriums, sa fille, Marine Le Pen, a depuis repris le flambeau de l’homophobie familiale. Bien qu’absente en 2012 des manifestations contre le Mariage pour tous (ce qui ne fut pas le cas de nombre d’élus du Front national à l’époque, comme Bruno Gollnisch, Marion Maréchal, Gilbert Collard, Louis Aliot et même Steeve Briois, maire gay d’Hénin-Beaumont), elle s’engage à abroger la loi une fois arrivée au pouvoir, et apporte son soutien aux maires refusant de célébrer les unions, s’engouffrant alors dans la brèche ouverte par François Hollande avec la “liberté de conscience”.
La présidente du RN, qui s’oppose aujourd’hui à la reconnaissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger, a également voté contre la PMA pour toutes en 2021. En 2024, le groupe RN à l’Assemblée a proposé une loi “visant à protéger les mineurs contre certaines pratiques médicales et chirurgicales en matière de « transition de genre »”, revenant purement et simplement à “interdire tout traitement médical et hormonal de transition de genre aux mineurs”, et ce malgré les recommandations scientifiques internationales. (À ce sujet, l’association Outrans précise dans son manuel d’autosupport que “le principe de ces traitements est de «mettre en pause » la puberté afin de laisser le temps à l’adolescent·e trans de mûrir sans avoir à subir l’expérience d’une « mauvaise » puberté, et de choisir quelle puberté enclencher quand la personne se sent prête.”)
Marine Le Pen a aussi soutenu la loi visant à interdire la “promotion” de l’homosexualité auprès des mineurs de l’un des dirigeants européens les plus homophobes, le hongrois Viktor Orban, dont elle a reçu le soutien lors de la présidentielle de 2022. Elle déclare d'ailleurs sur France Inter, le 23 juin 2021, répondant à une critique de Clément Beaune cité par Nicolas Demorand : “Je pense que Monsieur Beaune devrait d’abord s’interroger de savoir si dans tous les quartiers de France, les homosexuels peuvent marcher dans la rue en se tenant par la main. (...) Il s’avère en l'occurrence que les droits des homosexuels ne sont pas respectés dans toute une série de zones de non droit en France. (...) Moi, en ce qui me concerne, je suis tout à fait opposée à quelque discrimination que ce soit, et je pense qu’il ne faut faire la promotion d’aucune sexualité auprès des mineurs.” La loi hongroise, inspirée de celle promulguée en Russie interdisant la “propagande homosexuelle”, vise à supprimer toute référence aux LGBT dans les livres jeunesse ou dans les publicités, notamment au nom de la lutte contre… la pédophilie. Cette position de Marine Le Pen n’est pas surprenante, quand on sait qu’en 2018 les 18 élus du Rassemblement national ont voté contre l’interdiction des “thérapies de conversion” au Parlement européen.
En 2019, à peine arrivé à Bruxelles, Jordan Bardella, aligné sur les eurodéputés de son parti, s’est abstenu de voter la résolution contre la condamnation à mort de l’homosexualité en Ouganda, tout en votant contre la résolution contre les discours de haine envers les personnes LGBTI en Europe et les zones anti-LGBT en Pologne. En 2021, il a voté contre la résolution proclamant l’Union européenne comme zone de liberté LGBTIQ et contre la résolution en faveur des droits des personnes LGBTI+. En 2023, il a voté contre la résolution législative sur les sujets de parentalité, s’est abstenu sur la résolution sur la hausse des crimes de haine contre les personnes LGBTIQ+, et était absent au vote sur la résolution pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité. En 2024, alors que 4800 infractions à caractères homophobe ou transphobe étaient enregistrées en France selon le ministère de l’Intérieur, soit une hausse de 5% par rapport à l’année précédente, Jordan Bardella a cette fois voté contre la résolution du Parlement européen du 8 février 2024 relative à la mise en œuvre de la stratégie de l’Union en faveur de l’égalité des personnes LGBTIQ pour la période 2020-2025…
Bardella, héros des homophobes
“J’ai eu beaucoup de chance, car je sais qu’ils auraient pu me tuer”. Le soir du 12 juin 2024, un étudiant gay de 19 ans d’origine iranienne est violemment pris à partie alors qu’il marche seul dans le 6e arrondissement de Paris. Face à lui, quatre néonazis éméchés fêtent la victoire historique de la liste menée par Jordan Bardella aux élections européennes, dont le score atteint 31,37%. Les faits, rapportés par Mediapart, ne laissent aucun doute sur le caractère homophobe de l’agression. “Toi, sale pédé, t’es un trans”, lui lâche un des hommes affiliés au RN et au GUD (Groupe Union défense dissout en 2024, et dont certains des principaux membres sont proches de la présidente du RN). Cette même année, dans son rapport 2024, SOS Homophobie s’alarme de la montée du Rassemblement national, alors que les violences ont augmenté en 2023 de 13%.
En cause, selon l’association, “un phénomène de banalisation de la médiatisation des idées d’extrême droite, qui s’opère tous médias confondus”. Deux jours plus tôt, des policiers interpellent un jeune homme dans le XIe arrondissement de Paris qu’ils assènent de propos racistes et homophobes (“Avec ta casquette de pédé qui se fait enculer par des migrants” ; “Quand ta mère et ta grand-mère se seront fait violer par des migrants, tu comprendras”, ainsi que le révèle là encore Mediapart) tout en chantant des chansons à la gloire de Jordan Bardella. Le 2 juin 2025, le média en ligne Les Jours dénonce les propos racistes, antisémites et homophobes tenus sur le groupe privé Facebook La France avec Jordan Bardella, administré par des membres du RN et suivi par 9 députés du parti d’extrême droite. « Les arabes dehors », « la France est dirigée par les juifs sionistes », « Macron petit pédé », Attal…c’est comme anal…tout dans le cul…», «Une salope le Attal »…
Mais pour Marine Le Pen, ainsi qu’elle le tweete en octobre 2018, "l'homophobie qui se développe dans notre pays a pour origine principale la montée du fondamentalisme islamiste”. Et de s’interroger : “Vais-je à nouveau être la seule à oser le dire ?” Cette thèse semble également partagée, avec force sous-entendus, par le président de Fierté citoyenne, qui écrit le 6 juin 2025 en répondant au commentaire d’un internaute fustigeant l’extrême droite homophobe : “C’est le fascisme qui organise des guets-apens et qui agresse physiquement les homosexuels en France ?”
Tags, tracts, banderoles anti-LGBT
Ces cinq dernières années, les actes anti-LGBT (souvent associés à des actions antisémites) commis par l’extrême droite ont été nombreux. Trop nombreux pour en proposer une liste exhaustive, mais celle qui suit a le mérite de la clarté idéologique. Ainsi, Le 30 juin 2020, des croix gammées ont été taguées sur un lieu gay emblématique de la capitale, le Banana Café. Quelques jours plus tard, le même sort était réservé au bar du Marais, Le Cox, agrémenté de croix celtiques. Le 31 janvier 2021, La Manif pour tous (LMPT) a marché à Lyon pour s’opposer à la PMA (procréation médicalement assistée) pour toutes les femmes et au projet de loi bioéthique alors en deuxième lecture au Sénat. Selon le média en ligne Rue 89 Lyon, “des bras levés pouvant être assimilés à des saluts nazis ou « saluts de Kühnen » (avec trois doigts) ont été photographiés.” Des militants d’extrême droite s’en sont pris aux contre-manifestants LGBT. Face à des forces de l’ordre dépassées, une militante aurait été agressée à coups de ceintures.
Quelques mois plus tard, le 27 juin 2021, une croix gammée est dessinée sur un passage piéton arc-en-ciel de la rue Mégevand, à Besançon. Ce fut également le cas à Bordeaux en juin 2022, le jour de la Pride, où des membres du groupe néonazi La Bastide bordelaise ont été interpellés sur le toit de la maison écocitoyenne de la ville avec une banderole “Protégeons les enfants, stop folies LGBT”, avant que ne soient découverts en ville des tags “Fuck LGBT”, “Stop LGBT” et “No homo”. Un passage piéton arc-en-ciel a ensuite été découvert dégradé au moyen de peinture bleu-blanc-rouge, avec le mot “patrie” et le dessin d’une étoile de David.
À noter qu’un ancien membre de ce groupuscule identitaire, Yanis Iva, s’est présenté aux législatives dans la 2e circonscription de la Gironde en 2024. (Ce fut le cas à Nice en 2020 avec Philippe Vardon, candidat de MarineLe Pen aux municipales mais surtout ancien responsable du Bloc identitaire et fondateur de l'association politique d’extrême droite Nissa Rebela, aujourd’hui aux côtés de Marion Maréchal. Damien Rieu, cofondateur de Génération identitaire, porta les couleurs du RN aux élections départementales de 2021 puis de Reconquête aux législatives en 2022 avant de rejoindre lui aussi Marion Maréchal. On peut également citer Fabrice Robert, fondateur du Bloc identitaire en 2003 après avoir été élu conseiller municipal RN à la Courneuve en 1995…)
Le 16 octobre 2021, au lendemain de la marche des Fiertés de Chambéry, en Savoie, on pouvait lire, tagué sur la maison des associations de la ville aux côtés d’une croix gammée, “pour un monde sain et pur. LGBT 0 totérant”. En novembre de la même année, sur un mur attenant à l’entrée du lycée Bellevue, à Albi, “justice pour Lola”, “Fuck LGBT”, “Poutine Vite”, “F. A. F” [France aux Français], ainsi qu'une croix gammée et des croix celtiques ont été taguées à la peinture noire.
En mai 2023, des croix celtiques ont été taguées sur le centre LGBT de Nantes. Un mois plus tard, la rue Joffre, au cœur de la cité des ducs de Bretagne, parées aux couleurs arc-en-ciel a été dégradée à son tour : “Pédophiles”, “Mort aux LGBT” ont été inscrits à deux pas de l’ancienne adresse du centre. Quasiment au même moment, en Normandie, la commune de La Neuville-Chant-d'Oisel a reçu des tracts, par la suite également envoyés à la ville de Rouen, stipulant : “Homme blanc, en as-tu assez de voir les juifs détruire ton pays ? Par l’afflux de nègres et autres allogènes, les banquiers de Rothschild, la dégénérescence LGBT, le féminisme et l’avortement, la guerre, le contrôle des médias, l’industrie alimentaire et tant d’autres choses ?”
Le 2 juin, une soixantaine de mairies du Finistère ont découvert un tract du même genre dans leur boîte aux lettres : “Homme blanc, tu en as assez de voir les juifs détruire ton pays par l’immigration, la dégénérescence pédo-LGBT et la guerre ? Rejoins-nous pour rétablir la domination de la race blanche en Europe!” Le 10 juin 2023, les habitants de Clairvaux-les-Lacs, dans le Jura, le recevaient à leur tour, comme ceux du Territoire de Belfort et de Genlis, en Côte d’Or, en juillet. À la même période, cinq militants de Défends Marseille, l’organisation de jeunesse du sénateur Reconquête des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier, déployaient lors d’un concert de soutien à l’ONG SOS Méditerranée, une banderole avec inscrit “Qu’ils retournent en Afrique”. Lors de la perquisition de leur domicile, une photo d’eux tout sourire devant un tag “LGBT en prison” avait été trouvée. Le 5 juin, une croix celtique et l'inscription “pas de vos propa” ont été taguées à la bombe noire sur le centre LGBT de Perpignan.
"Vive la droite, pendez les gauchos", "Mort au trans, gay, gauchos" ainsi qu’une croix gammée ont été découverts sur les murs de l’université de Caen le 5 octobre . Le 26 novembre, dans les communes de Quissac et du Vigna, dans les Cévennes, les habitants ont à leur tour reçu des tracts dans leurs boîtes aux lettres, avec des croix gammées et des aigles du IIIe Reich. C’est également cette année que s’est formé le groupuscule Auré, ainsi que le rappelle Streetpress, notamment présent à Bordeaux et à l’origine de ce slogan : “Plus de menhirs, moins d’enculés”.
En mai 2024, les néonazis du groupuscule L’Oriflamme s’en sont pris au centre LGBT de Rennes, en Bretagne, à deux reprises. L’année précédente, La Korrigans Squad, regroupant peu ou prou les mêmes personnes, avait accroché sur une grue une banderole “Fuck LGBT” le jour de la Pride. Contactée, la présidente du centre, Emma Guiguen, est depuis sur ses gardes : “On sait qu’il y a eu des attaques plus sérieuses encore, et on se demande quand ça va être notre tour. C’est hyper démoralisant pour les gens qui viennent à l’asso. Quand on est militant, on vit avec ça. Mais pour une personne qui vient au local pour chercher de l’aide, parce qu’elle se sent seule et cherche de la convivialité, qui se sent déjà vulnérable, c’est très dur. Cette année, il y a eu une agression à la Pride, mais les personnes n’ont pas été identifiées, et les victimes n’ont pas voulu porter plainte.” Le 8 mai, le monument aux morts d’Escautpon, dans le Nord, a été recouvert de tags homophobes et d’une croix gammée. Deux mois plus tard, le 1er juillet 2024, une croix celtique a été taguée sur la porte de La LanGouste à BreTelle, le centre LGBTQI d'Avignon.
Fin février 2025, à Rocheford, dans le Sud-Ouest, “Ici on brûle les juifs et les communistes”, “Y’a pas du fumée sans feuj” ou “Les LGBT au bûcher”, accompagnés de croix gammées et de symboles nazis, comme les insignes de la SS, ont été tagués rue Raymonde-Maous, du nom d’une ancienne élève du collège des filles de Rochefort morte à Auschwitz. En avril, des croix gammée et celtique, ainsi que le symbole de la SS, ont été découverts dans un parc de la Sarthe, avec les inscriptions “fuck juif”, “die juif” et “anti pedo”.
Enfin, et comme nous le rappelions au début de cet article, le collectif d’extrême droite breton La Digue s’est lui aussi illustré à Lorient en juin, avant d’organiser un autodafé calqué sur ceux du IIIe Reich. Deux mois plus tard, des tags homophobes et des injures étaient tagués sur un radar d'Ille-et-Vilaine.
Agressions LGBTphobes
L’année de la promulgation du Mariage pour tous a été marquée par les nombreuses manifestations de LMPT – on se souvient des slogans : “On veut du boulot pas du mariage homo”, “Taubira fossoyeuse des familles”, “papa 1 sodomise papa 2”, “Non à l’homofolie”, etc. – et de l’association catholique dirigée par le militant d’extrême droite Alain Escada, Civitas (la branche française a été dissoute en 2023), qui s’illustre alors par ses comparaisons douteuses entre homosexualité, pédophilie, zoophilie et pratiques incestueuses.
Un mois avant la promulgation de la loi, deux agressions perpétrées dans des bars gays ont profondément choqué la communauté LGBT, et rappelé un temps que d’aucuns pensaient révolu. Dans la nuit du 17 au 18 avril, alors que deux manifestations anti-mariage pour tous se sont tenues dans la journée, deux hommes masqués ont fait irruption dans un bar gay de Bordeaux, le Go West, pour y semer la terreur. L’un d’eux faisait partie de Renouveau français, mouvement “obsédé par "le lobby homosexualiste”, qui explique, selon Le Monde, que "derrière se cache le lobby pédophile qui pourra agir, si la loi passe, avec beaucoup plus de facilité". La même nuit, trois skinheads ont agressé les deux gérants d’un bar gay du Vieux-Lille, Le Vice & Versa, ainsi qu’un employé avant de prendre la fuite.
Car l’extrême droite ne se contente pas seulement de tags, de tracts et de banderoles. Et tandis que les discours des politiques se lissent, les militants nationalistes continuent de s’en prendre physiquement aux membres de la communauté LGBT. En mai et juin 2022, en analysant les messages du canal Telegram Ouest Casual, à l’époque tenu par le groupuscule fasciste Les Zouaves Paris, Streetpress a comptabilisé pas moins de 17 attaques ciblant les LGBT sur cette période (mais aussi 11 attaques contre des militants de gauche et des personnes antifascistes, deux attaques racistes et une attaque contre des “blasphémateurs”).
Dans le même temps, et toujours selon ce même média, “des militants de Bourg-en-Bresse nationaliste ont attaqué des participants de la Pride aux côtés de militants lyonnais, posant leurs pieds sur un drapeau LGBTQIA+”. Quelques mois plus tard, le 15 octobre 2022, à Angers, un membre de l’Action française, mouvement nationaliste et royaliste d’extrême droite, s’en est pris à un jeune non binaire. Ce dernier a d’abord été repéré devant un bar par des agresseurs homophobes, avant d’être poursuivi par l’un d’eux, jeté à terre et roué de coups, comme le relate le regretté Stéphane Corbin sur le site du Quazar, le centre LGBT de la ville, dont il était référent au pôle juridique.
En 2023, à Tours, où des manifestations homophobes organisées par le groupuscule néofasciste Des Tours et des lys ont lieu régulièrement, le centre LGBT a fait l’objet d’une attaque à la bombe par un jeune catholique intégriste soi-disant exaspéré par la “théorie du genre”, expression utilisée par l’extrême droite et notamment qualifiée de “délire idéologique (...) ennemi des femmes” par Marion Maréchal dans une interview de 2023 pour le très à droite mensuel Incorrect.
Le 7 février 2024, un référent de Stop homophobie a été passé à tabac, étranglé et abandonné inconscient dans un bar de Nice après avoir été insulté de “Sale rouge, pédé, sale pute”. Pour rappel, en septembre 2019, huit membres de Nice nationaliste comparaissaient en correctionnelle pour avoir posté sur leurs réseaux, à côté de saluts nazis et autres têtes de mort SS : "Pas de pitié pour les pédés, pas de quartier pour les déviants sexuels, pas de défilé pour les enfilés", "Nice Nationaliste en première ligne face à la vermine LGBT. L’homofolie, ça suffit!".
Le 1er juin de la même année, lors du Festival des fanfares à Montpellier, une femme qui enlaçait sa partenaire a été tabassée en raison de son orientation sexuelle par une dizaine d’individus masqués appartenant au Bloc montpelliérain. Ces derniers ont également proféré des injures racistes et jeté des projectiles sur un stand tenu par des femmes voilées. Quelques heures avant, une femme trans avait été agressée dans un parc de la ville fréquenté par les militants identitaires en raison d’un sticker “Anti-transphobe action” présent sur sa sacoche.
En début d’année, le 28 janvier, à Pau dans les Pyrénées orientales, c’est un pin’s LGBT qui a valu à une personne d’être interpellée, puis violentée par un skinhead. Le 30 août 2025, au centre-ville de Brest, trois militants LFI ont été roués de coups lors d’une collecte au profit du Secours populaire. Deux d’entre eux ont été mis à terre et frappés au visage. Le député de la circonscription, Pierre-Yves Cadalen, a pris la parole le 5 septembre pour révéler que l’une des victimes était son compagnon. “Il a déjà été agressé dans la rue par de tels individus. Notre porte d’immeuble a été taguée, ainsi que mon local parlementaire, par des croix gammées, œuvres d’ignobles nazillons”, a confié l’élu aux journalistes de Télégramme. Et d’ajouter : “Je l’écris aujourd’hui pour que ces minables sachent qu’il n’y a là aucun secret, que leur violence ne s’abat pas sur un mur de silence, qui bien trop souvent entouré et a massivement enserré les vies homosexuelles…” Mais malgré leur nombre, ce ne sont pas les agressions qui, ces dernières années, ont le plus retenu l’attention du public et des médias, mais les menaces perpétrées à l’encontre de personnalités publiques et d'évènements.
Menaces de mort et d’attentat
Le long de la Seine, à l’usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime, près de Rouen, on fabrique des boîtes à vitesse et des moteurs, activités transférées du site de Billancourt dans les années 1950. C’est ici qu’un salarié, Julien, découvre le 7 octobre 2019 l’inscription “PD” sur son casier, accompagnée d’une croix gammée. Le 27 novembre, les symboles nazis se sont multipliés et entourent une nouvelle inscription,“crève sale PD”. Le site GayViking, qui traite de l’actualité LGBT en Normandie, relate l’histoire, bientôt reprise par le quotidien local Paris-Normandie. Mais l’affaire ne fait pas grand bruit.
Il faut attendre 2023, et le concert annulé de Bilal Hassani, pour attirer l’attention sur l’impact de ces menaces. Alors que l’artiste devait se produire le 5 avril à l’église désacralisée, et transformée en salle de spectacles,Saint-Pierre-aux-Nonnains, à Metz, des groupuscules d’extrême droite et ultra-catholiques s’en sont offusqués. Parmi eux, le collectif Lorraine catholique, qui dénonce à l’époque une profanation et compare le travail de l’artiste à de la pornographie. Des plaintes sont déposées contre les groupuscules Aurora Lorraine, Civitas et Discussion natio Metz, mais également contre certains utilisateurs de Twitter. Selon Streetpress, des menaces et des projets d’attentats à l’encontre de Bilal Hassani et de ses fans ont été proférés sur plusieurs chaînes Telegram, où les militants de FR DETER Moselle, Discussion natio Metz et Les Vilains fachos projettent de fabriquer des cocktails molotov, de jeter des grenades et d’”attaquer le PD à l’acide”.
La même année, en juillet, la metteuse en scène queer Rebecca Chaillon a également été visée par des menaces. En cause, une scène de son spectacle Carte noire nommée désir, alors joué à Avignon, où une actrice noire porte des poupées (blanches, mais pas seulement) embrochées à un tube pour symboliser le travail harassant des nourrices noires. Gilbert Collard et Eric Zemmour dénoncent du racisme anti-blanc, tandis que l‘artiste subit une campagne de cyberharcèlement qui va non seulement nuire à sa santé mais également lui faire craindre pour sa sécurité et celle de ses comédiennes, par ailleurs agressées dans la rue et sur le plateau, ainsi que le rapporte sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur le directeur du festival, Tiago Rodrigues.
En juin 2024, les deux groupuscules Le Bloc montpelliérain et La Ligue du Midi arrivent quant à eux à faire annuler une lecture drag à la librairie Sauramps, à Montpellier, après avoir enjoint leurs sympathisants à s’y rendre, déchaînant menaces et insultes. Déjà, en avril 2023, des membres de L’Oriflamme avaient manifesté cagoulés devant une médiathèque pour protester contre une lecture drag.
Choisie pour relayer la flamme des JO de Paris 2024 lors de son passage dans la capitale le 14 juillet, la drag queen Minima Gesté a subi plusieurs jours d’insultes et de menaces de mort. Parmi ceux l’ayant ciblé, un jeune homme de 19 ans, qui a déclaré en audience ou en garde à vue, ainsi que le rapporte Mediapart : “Si un parti nazi existait, j’y adhérerais”, “J’aime Adolf Hitler, je ne vais pas me cacher. Je suis nazi. Je suis nazi”, “Je suis pas militant RN, mais ça se rapproche le plus de mes idées”, “J’estime les Aryens supérieurs aux Blancs et les Blancs aux autres races”. Après la cérémonie d’ouverture orchestrée par Thomas Jolly, ce dernier a lui aussi fait l’objet de menaces et d’insultes : "Tu vas payer pour avoir manqué de respect à notre seigneur Jésus Christ", "Juif dégénéré", "tantouze", "Dieu ne t’oubliera pas". Ses détracteurs lui reprochent alors une cérémonie trop queer et le tableau, rappelant le sujet religieux de La Cène mais évoquant les dieux de l’Olympe, interprété par tout un tas d’artistes queers, dont certains, comme la DJ Barbara Butch, ont également été victimes d’une campagne de haine.
Les LGBT, un rempart contre le fascisme ?
Malgré ce sombre tableau, la communauté LGBT est tout de même parvenue ces dernières années à remporter quelques victoires sur les identitaires, comme à Lyon, en 2018. Cette année-là, la Pride a enfin eu l’autorisation de passer dans le coeur historique de la ville, fief de groupuscules néofascistes comme Génération identitaire (dissous en 2021), Rebeyne, L’Oeuvre française (dissous en 2013 mais actif sous d’autres noms) ou Bastion social (dissous en 2019 mais toujours actif), un collectif créé par d’anciens membres du Gud (dissous en 2024).
L’association Lesbian and Gay Pride (LGP), en charge de l’organisation de l’événement, en faisait la demande depuis 2015. À l’époque, elle avait réagi à l’interdiction préfectorale en ces termes : “D’un côté, il [Michel Delpuech, alors préfet du Rhône] refuse que les Lesbiennes, Gays, Bis et Trans (LGBT) manifestent dans le 5e arrondissement alors qu’il autorise, de l’autre, une manifestation des anti-GPA (Gestation pour Autrui)”. L’association avait également dénoncé le quartier du Vieux-Lyon comme une “no go zones” pour les LGBT. Mais les identitaires locaux n’avaient pas dit leur dernier mot. Le 24 avril 2021, une cinquantaine d’entre eux (une centaine selon les organisateurs) ont attaqué la marche lesbienne lyonnaise organisée par des collectifs féministes, laissant sérieusement planer le doute sur l’efficacité des dissolutions.
En 2019 la première Pride des banlieues s’est tenue à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis (93), avec plusieurs objectifs, dont la lutte contre le racisme et les clichés véhiculés par l’extrême droite, et rendre visible les personnes queers des quartiers populaires et leurs revendications. En 2025, la marche s’est tenue à La Courneuve (93), le 7 juin, deux jours après la première Pride de Roubaix, organisée par des associations locales désireuses de faire évoluer l’image de leur ville (en 2022, un reportage controversé de Zone Interdite (M6) la décrivait comme ayant “basculé dans l’intégrisme”), comptant parmi les plus pauvres de France. Ces Marches, organisées loin des fiefs de l’extrême droite, se sont déroulées sans incident.
Alors que le RN compte 123 députés sur les bancs de l’Assemblée nationale, et a déjà investi 600 candidats pour les municipales de 2026, le principal danger qui semble peser sur les LGBT aujourd’hui est celui d’adhérer et de propager les thèses homonationalistes soutenues par l’extrême droite, dont les appels du pied les plus grossiers à l’encontre de la communauté ne connaissent aucun repos – “Discriminée toute sa vie à cause de son nom, Marine Le Pen a cette même blessure que les homosexuels ont en eux, a ainsi déclaré au magazine ELLE Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement national de la Somme, le 4 décembre. Elle les comprend, comme Mylène Farmer” –, et de mettre ainsi en péril les droits obtenus de longue lutte ces dernières années, leur sécurité mais également celle des autres. Selon une étude Ifop parue en 2017, 19% des personnes hétérosexuelles cisgenres votant pour le Rassemblement national pensent que l’homosexualité est une maladie ou une perversion sexuelle, 40% trouvent choquant qu’un couple homosexuel s’embrasse en public, 40% sont d’accord avec l’affirmation que les homosexuels ne devraient pas pouvoir élever d’enfant, et 19% le sont avec l’affirmation que les violences contre les homosexuels sont parfois compréhensibles… Sous le vernis des discours officiels couve toujours la même homophobie.