En publiant le décret sur la réforme des collèges le 20 mai, au lendemain d'une important journée d'action dans les lycées et collèges, le gouvernement montre son mépris vis à vis des professeurs, rappelant le temps où M. Allègre était ministre de l’Éducation Nationale.
Préparé et publié sans véritable concertation, cette réforme aura pour conséquence une large diminution des savoirs enseignés, mais aussi un accroissement des inégalités entre les établissements selon l'origine sociale des familles.
Les horaires disciplinaires diminuent. Aux horaires hebdomadaires annoncés d'une matière, il faut retrancher le temps consacré aux Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI).
La suppression d'options comme les classes bilangues et les classes européennes auront un effet désastreux pour les collèges en milieux défavorisés, et pour conséquence une fuite des familles les plus favorisées vers le privé ou un contournement de la carte scolaire. Cette suppression entraînera aussi de facto, la quasi disparition de l'allemand et favorisera l' uniformisation de l'apprentissage des langues anglaise et espagnole.
Vingt pour cent des enseignements se feront hors programmes nationaux dans les EPI. Ici, on occupera les élèves en construisant des cabanes dans la forêt, ailleurs on pourra conserver des enseignements exigeants avec de réels contenus.
Le latin et le grec ne seront pas formellement supprimés. Ils seront mis en concurrence, par exemple, avec les dédoublements en sciences expérimentales.
Le ministère nous dit lutter contre l'élitisme. L'élitisme est-il la possibilité de quelques classes protégées dans des collèges en zones défavorisées ou bien l'existence de conditions dérogatoires dans les grands lycées parisiens ?
Toutes ces mesures ne feront qu’accroître la reproduction sociale et diminuer la promotion par l'école.
Pour entrer dans les détails, consulter le site http://www.reformeducollege.fr créé par des enseignants de base s'étant rencontrés sur des forums et ayant fait le projet d'une description la plus précise et la plus objective possible.
Cette réforme est aussi la petite sœur de la réforme des lycée, effective depuis déjà quatre ans, où du temps disciplinaire a été ôté au profit d' « accompagnement personnalisé », trop souvent en classe entière, confié comme variable d'ajustement des services à des professeurs n'enseignant pas dans la classe concernée.
Un exemple précis de fonctionnement :
Il y a quatre ans, j'ai obtenu ma mutation d'un lycée val d'Oisien vers un grand lycée parisien.
J'enseigne les mathématiques. Les programmes de première scientifique passaient de six heures hebdomadaires professeur à quatre : une heure dédoublée était purement et simplement supprimée, on adjoignait une heure d'accompagnement personnalisée promise à un enseignant ne connaissant pas la classe.
C'est effectivement ce qui s'est installé.
Arrivé dans mon nouvel établissement parisien, on m'accordait sept heures hebdomadaires en première S, soit le statu quo des quatre heures en classe entière et de l'heure dédoublée, augmentée d'une heure par quinzaine supplémentaire dédoublée, dans le cadre de l'accompagnement personnalisé, mais ainsi rendue de fait à l'enseignement disciplinaire.
Quels élèves intégreront les bonnes orientations post-baccalauréat et y réussiront ?
Les syndicats ont demandé une évaluation de cette réforme des lycées. En vain.
Il semble pourtant que le ministère ait bien demandé qu'une telle évaluation soit effectuée. Elle n'a jamais été publiée.
Les enseignants du secondaire n'acceptent pas ces projets.
Ils veulent très majoritairement une école qui préserve les contenus, soutenus par des organisations syndicales très largement majoritaires lors des très récentes élections professionnelles.
Ils ne lâcheront pas.
En montrant son mépris par la publication du décret le lendemain de la journée d'action, le gouvernement ne fait que renforcer leur détermination. Par son autisme, le pouvoir politique incite les enseignants à un durcissement du conflit.
Ici et là on évoque une grève pour le brevet des collèges, on parle de grève reconductible à la rentrée scolaire.
Souvenons nous des enseignants, encore minoritaires, qui défilaient dans les rues de Paris en 1998, arborant sur une banderole leurs cartes d'électeur.
En 2000, Claude Allègre était débarqué.
Deux ans avant le 21 avril …