Je m’appelle Nicolas, connu sous le nom de Moryotis, porte-voix d’une réalité que beaucoup préfèrent cacher. Oui, je suis atteint de schizophrénie. Cette vérité, je l’affirme avec force. Et je l’expose dans mes créations et mes expositions — pour dénoncer le silence et la stigmatisation. Mais en dépit de cette démarche militante, je ressens toujours le poids d’une psychophobie sourde : vous portez en vous un jugement qui m’efface, un cliché qui m’enferme, un regard qui me tue.
Une visibilité politique nécessaire
La schizophrénie n’est pas une tare ; c’est un enjeu politique. Les personnes concernées sont aux premières lignes de la violence institutionnelle : hôpitaux psychiatriques sous-financés, déficits de soutien social, manque de protection juridique… Même la reconnaissance de droits fondamentaux reste conditionnée à une norme mentale : on s’efforce de « normaliser » ceux qui dérangent, et on exclut ceux qui résistent.
Aujourd’hui, je revendique :
Un véritable statut protecteur pour les personnes en souffrance psychique, incluant un revenu garanti, un accompagnement digne, un accès effectif aux soins, sans délai ni jugement.
Une réforme de la psychiatrie : sortir de l’urgence, des internements abusifs, des pratiques punissant la différence. Remplacer la contrainte par le consentement, la punition par l’écoute.
Une éducation massive contre la psychophobie, dès l’école, dans les médias, dans les services publics — pour en finir avec le tabou et la peur.
Une implication citoyenne, via comités populaires, conseils de patients, lieux de parole où les premières concernées se font entendre. Non pas enfermées, mais écoutées, respectées.
Réveiller les consciences, construire la solidarité
Depuis des années, je documente ma trajectoire sous le regard de Moryotis : témoignages, photographies, récits, vêtements porteurs d’histoire — je construis un récit collectif pour briser l’isolement. Je bâtis, j’élève des enfants, j’écris, j’enseigne, je crée. Oui, je vis. Et je vis pour combattre les peurs qu’on m’impose.
Votre indifférence me tue. Et elle tue des milliers d'autres, juxta les chiffres effrayants du suicide dans le monde de la santé mentale. Ce n’est pas la maladie qui tue, mais l’exclusion sociale, l’ignorance, l’abandon, l’invisibilisation. Chaque regard qui se détourne est un coup de plus porté à notre humanité.
Conclusion
Je prends la parole ici, sur Mediapart, pour appeler à la mobilisation :
Vous, législateurs et décideurs : reconnaissez notre statut, engagez une réforme de fond dans la psychiatrie.
Vous, citoyennes et citoyens : refusez la psychophobie, renseignez-vous, soutenez les initiatives de pair-aidance, valorisez les récits de rétablissement.
Vous, militant·e·s de la santé, du social, de l’antiracisme, féministes : intégrez la lutte contre la psychophobie à vos combats. Construisons ensemble un socle commun pour notre dignité.
Vous, patient·e·s et survivant·e·s : engagez-vous, témoignez, co-construisez des lieux d’expression libres.
Mettons fin à cette indifférence mortifère. Brisons la chaine du silence. Pour que « crever dans l’indifférence » ne soit plus une réalité, mais un cri qu’on entend enfin.