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Billet de blog 15 juillet 2025

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Les troubles psychiques sont des cicatrices politiques

nos souffrances mentales sont aussi des réponses à un monde maltraitant

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous avons appris à considérer les troubles psychiques comme des problèmes strictement individuels, des dysfonctionnements internes, des failles de caractère ou de chimie cérébrale. Mais cette lecture, dominante dans le discours médical et médiatique, masque une réalité plus dérangeante et pourtant évidente : nos souffrances mentales sont aussi des réponses à un monde maltraitant. Elles sont des cicatrices politiques.

L’anxiété généralisée, la dépression, les crises de panique, les troubles alimentaires, les burn-out ou encore les troubles dissociatifs ne tombent pas du ciel. Ils ne sont pas des « maladies » isolées, détachées de l’histoire sociale et économique de celles et ceux qui les vivent. Ils sont souvent des réactions de l’esprit et du corps à des violences systémiques : précarité, racisme, sexisme, transphobie, harcèlement, exploitation, injonctions paradoxales à la performance et à la perfection.

Quand une caissière s’effondre en larmes dans sa voiture après une journée passée à se faire humilier pour un SMIC, c’est un trouble psychique. Quand un étudiant s’épuise jusqu’à l’anxiété chronique pour un diplôme qui ne lui garantit aucun avenir, c’est un trouble psychique. Quand une mère solo, étranglée par les factures, n’arrive plus à dormir ni à manger, c’est un trouble psychique. Et quand une personne sans papiers vit dans la peur constante d’une arrestation, c’est aussi une blessure psychique — produite par des choix politiques, législatifs, économiques.

Nommer ces souffrances pour ce qu’elles sont, c’est refuser leur pathologisation isolée. C’est comprendre que beaucoup de nos malaises sont rationnels dans un monde qui ne l’est pas. Ce n’est pas un hasard si les troubles mentaux explosent dans les sociétés néolibérales. Ce n’est pas une coïncidence si l’auto-surveillance mentale, les prescriptions massives d’anxiolytiques et la culture du « développement personnel » prolifèrent en parallèle de la casse des services publics, de l’atomisation des liens sociaux, de l’ubérisation du travail et de la montée des violences institutionnelles.

À chaque fois que l’on dit à quelqu’un qu’il ou elle doit « apprendre à gérer son stress », on oublie de questionner ce qui produit ce stress. À chaque fois que l’on prescrit un antidépresseur sans interroger le contexte social, on soigne un symptôme mais pas sa source. À chaque fois qu’on réduit une souffrance à un déséquilibre neurochimique, on invisibilise une lutte.

Les troubles psychiques ne sont pas seulement des histoires de neurones, ce sont des histoires de domination, de résistances, de survie. Les nommer comme tels, c’est une manière de politiser la santé mentale. C’est dire que la folie n’est pas toujours une maladie : elle peut être une protestation. Une alarme. Une tentative désespérée de rester humain·e dans un monde déshumanisant.

Reprendre la parole sur nos souffrances, les relier à nos contextes, les sortir de l’ombre du cabinet pour les porter dans l’espace public, c’est un acte politique. C’est aussi une manière de faire front. Ensemble.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.