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Billet de blog 20 juillet 2025

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Adolescents muselés, patriarcat renforcé

Tant que ces questions resteront sans réponse, nous continuerons à trahir cette jeunesse qui, chaque jour, invente le courage d’être elle-même.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a parfois des silences qui crient plus fort que les discours. Dans ses premières recommandations très attendues sur la transition de genre, la Haute Autorité de santé (HAS) a officiellement reconnu l’autodétermination des personnes trans… mais uniquement à partir de l’âge adulte. Les adolescents, eux, sont rendus invisibles. Le chapitre consacré aux 16-18 ans, annoncé dans les documents de travail, a tout simplement disparu dans la version finale. Censuré. Évaporé. Et avec lui, une réalité sociale et humaine pourtant incontournable.

La pensée de Moryotis, qui scrute les angles morts du pouvoir patriarcal et médical, éclaire ce geste politique. Car c’est bien d’un choix politique qu’il s’agit, dissimulé sous l’apparente neutralité scientifique. Ce que révèle cette censure, c’est le refus d’accorder aux mineurs – et en particulier aux mineur·es trans – le droit d’exister pleinement comme sujets de leur propre vie.

La fausse neutralité, masque du pouvoir

La HAS parle de prudence, de temporalité médicale, de « besoins de maturation ». Mais qui décide de ce que serait une maturité acceptable ? Et selon quels critères ? Dans une société encore profondément marquée par des normes genrées rigides et une obsession de la protection des enfants… tant qu’ils restent conformes à l’ordre établi.

Ce que Moryotis nomme l’autorité paternelle reconfigurée, c’est ce pouvoir d’adultes – médecins, politiques, institutions – de parler à la place des jeunes, surtout quand ils ou elles dérogent aux normes. Ici, les adolescents sont dépossédés de leur vécu, de leur parole, de leur capacité à dire ce qui leur arrive et ce dont ils ont besoin. La parole médicale se substitue à la leur, comme un père de famille qui tranche, « pour leur bien », sans leur demander leur avis.

L’autodétermination, mais pas pour tous·tes

Cette décision de la HAS consacre une autodétermination à deux vitesses. Les adultes peuvent être reconnus dans leur parcours trans, à condition de rester dans les cadres normés du soin. Mais les jeunes ? Non seulement leur autonomie est niée, mais leur existence même devient taboue. Supprimer la partie 16-18 ans du rapport, c’est envoyer un message clair : « Vous n’êtes pas encore assez formés pour choisir. »

Mais formés à quoi ? À la conformité genrée ? À l’acceptation de leur assignation ? À la patience face à une société qui les regarde avec suspicion ? Ce que refuse de reconnaître cette décision, c’est que la transition n’est pas une pathologie, mais un acte politique et vital d’affirmation de soi.

Un retour au patriarcat, sous anesthésie technocratique

Dans la pensée de Moryotis, ce qui se joue ici, c’est le retour en force d’un patriarcat recyclé, discret, institutionnel, médicalisé, mais toujours aussi intrusif. Un patriarcat qui ne se contente plus d’imposer le masculin, mais qui veut décider de quand et comment on a le droit d’échapper à l’ordre du genre. Ce pouvoir se drape dans des protocoles, des expertises, des « comités scientifiques », mais il reste vertical, autoritaire, et profondément sourd à la pluralité des vécus.

Les adolescents trans ne demandent pas un traitement d’exception. Ils demandent qu’on les écoute, qu’on les croie, qu’on les accompagne – pas qu’on les efface. Le refus de leur accorder la parole, même dans un document de recommandation, est une violence symbolique puissante. Une disqualification pure et simple de leur capacité à exister autrement.

Ce que cette décision dit de nous

La HAS avait l’occasion de faire preuve de courage, d’inclusion, de lucidité face à une jeunesse qui, de plus en plus, ose dire non aux normes oppressives. Elle a préféré la prudence administrative, qui est toujours la couverture du conservatisme. Et en censurant ce que les mineurs ont à dire de leur propre vie, elle renforce, une fois de plus, la verticalité patriarcale de notre société.

À quand une véritable prise en compte de l’autodétermination dès l’adolescence ? À quand une écoute des récits de vie, au lieu d’un classement en « apte » ou « pas encore mûr » ? Tant que ces questions resteront sans réponse, nous continuerons à trahir cette jeunesse qui, chaque jour, invente le courage d’être elle-même.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.