Le 11 juillet dernier, sur le plateau du Média, Sandrine Rousseau a lancé une formule qui claque comme un bidon de glyphosate renversé sur une nappe phréatique :
« J’en ai rien à péter de leur rentabilité. La rentabilité de l’agriculture par des produits chimiques au détriment des sols, de la biodiversité et de notre santé, ce n’est pas de la rentabilité, c’est de l’argent sale. »
Une phrase que beaucoup auraient maquillée, nuancée, précisée. Elle, non. Elle l’a répétée, revendiquée. À l’heure où la Loi Duplomb réintroduit des pesticides interdits, Rousseau attaque frontalement la logique productiviste — quitte à se faire détester.
La phrase qui fait sortir les bottes
Dans la foulée, syndicats agricoles, FNSEA en tête, ont dénoncé une « haine » envers le monde paysan. Sur les réseaux, dans la presse, jusque dans les cours de ferme, c’est l’explosion. Plusieurs permanences EELV sont vandalisées, du lisier est déversé, des insultes fusent. Les opposants crient au mépris, au sabotage de la France qui nourrit.
Mais Rousseau ne recule pas. Sur Franceinfo, le 21 juillet, elle précise :
« Ce que je dénonce, ce n’est pas le revenu des agriculteurs — c’est le modèle économique, industriel, qui broie les humains et la nature. »
Elle vise la chaîne complète : Bayer, Syngenta, les chambres d’agriculture complices, les ministères passifs. Pas les mains calleuses des petits producteurs, mais le système qui les condamne à la dépendance chimique et au surendettement.
Loi Duplomb : le retour des poisons sous conditions
Adoptée début juillet, la loi Duplomb permet aux préfets, en cas de “menace sanitaire avérée”, de réintroduire certains pesticides bannis par l’UE. Officiellement pour sauver les cultures. Officieusement pour satisfaire les lobbies.
C’est dans ce contexte que Rousseau parle d’« argent sale » : l’argent issu d’un modèle destructeur, qui fait passer la productivité avant la santé, les profits avant les écosystèmes. Le tout maquillé d’un vernis d’urgence agricole.
Rentabilité pour qui ?
Le mot "rentabilité" devient ici le cœur du conflit. Pour Rousseau, c’est un leurre : on parle de rendement hectare par hectare, mais pas du coût humain, environnemental, ni de la dépendance aux intrants. Elle interroge une économie qui sacrifie le vivant au nom du court terme, et appelle à une refonte du pacte agricole.
Car si rentabilité signifie empoisonner les sols, ruiner la biodiversité et crever les nappes phréatiques, alors oui : c’est de l’argent sale.
Le débat que personne ne veut vraiment avoir
Sandrine Rousseau, en osant cette attaque frontale, a réactivé une fracture profonde : entre agriculture intensive et écologie radicale, entre le monde rural meurtri et les injonctions vertes venues des villes. Mais plutôt que d’éluder le malaise, elle le met sur la table, brutalement.
Le débat n’est pas agréable, il est même explosif. Mais il est nécessaire. Car derrière les mots durs, il y a une vérité que beaucoup refusent de regarder : notre modèle agricole est à bout de souffle. Et continuer à l'arroser de néonicotinoïdes pour tenir une saison de plus, c’est planter un désert.
Et vous, que vaut une agriculture rentable si elle nous rend malades ? La colère doit-elle faire taire l’alerte ?