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Le politique ne gouverne plus : il s’incline. Ce n’est plus la justice qui guide l’action publique, mais l’opinion. Et cette opinion — disons-le franchement — est encore irrationnelle, violente, avide de châtiments. L’affaire des narcotrafiquants placés à l’isolement dans nos prisons en est une démonstration brutale.
Narcotrafiquants à l’isolement : une logique de vengeance, pas de justice
On prétend protéger le système carcéral, éviter les pressions, sécuriser les surveillants. Alors on isole. Mais isoler, c’est punir davantage que la peine elle-même. L’isolement prolongé, ce n’est plus une mesure administrative, c’est une torture moderne, une punition blanche que la France applique dans une quasi-indifférence.
Sauf que l’isolement, ce n’est pas à la prison de le gérer, c’est à la Santé. La psychiatrie carcérale, quasi absente, est censée prendre en charge ces profils complexes. Mais plutôt que d'assumer la faillite de nos politiques de santé en prison, on confie tout à la matraque. Et derrière cela, toujours la même logique : faire plaisir à l’opinion.
Le fantasme d’une justice spectacle : Badinter l’avait vu venir
Robert Badinter l’avait compris : la justice n’est jamais populaire, elle doit le devenir par la pédagogie. À défaut, elle redevient ce qu’elle était avant la Révolution : un théâtre sanglant pour divertir la foule. Et qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas l’ordre qui est recherché, mais la vengeance. Que l’on parle de narcotrafiquants ou de petits délinquants, ce qui fait mouche, c’est la souffrance. Il faut qu’ils “payent”, “souffrent”, “croupissent”.
La réinsertion, pourtant au cœur du droit pénal moderne, n’intéresse personne. Le peuple français n’est pas prêt à une politique de zéro détenu. Il n’est même pas prêt à ce qu’un détenu travaille dignement, soit payé justement, ait droit à un projet de vie après la peine. Car aux yeux de beaucoup, la prison n’est pas un passage, c’est un tombeau. On veut en sortir brisé, jamais debout.
Le politique, ce nouveau bourreau docile
Ce que fait le politique aujourd’hui, c’est répondre à la pulsion. À la colère. À l’ignorance. Comme hier, on dressait la potence sur la place publique pour rassurer les braves gens, aujourd’hui on brandit l’isolement, les peines fermes, les réductions de droit comme les nouveaux outils de la “fermeté”. En réalité, ce ne sont que des os jetés à la foule pour calmer sa soif de sang.
On parle de souveraineté, de République, mais dans les faits, le politique est le valet des émotions collectives. Plus aucune vision, plus de courage pour dire : “Non, la prison n’est pas là pour punir mais pour transformer.” Dire cela aujourd’hui, c’est risquer l’opprobre. C’est se faire taxer de “complice des voyous”, de “déconnecté”.
Vivement que l’opinion publique s’éduque
Le rôle de la République n’est pas de flatter l’opinion, mais de l’élever. La société n’a pas à se vautrer dans ses instincts les plus bas, elle doit apprendre à penser. À comprendre que la justice se mesure non pas à la dureté des peines, mais à l’intelligence avec laquelle on sort les gens de la délinquance.
Vivement que les réflexions profondes remplacent les réflexes primaires. Vivement qu’on comprenne qu’un détenu réinséré, ce n’est pas une faiblesse du système, c’est sa plus grande réussite.