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Billet de blog 14 avril 2022

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Vote barrage ou abstention ?

Le second tour de l'élection présidentielle est pour beaucoup un moment douloureux de la lutte sociale et écologiste. Comme nombre de mes camarades le moment est venu de faire mon choix pour le second tour : barrage républicain ou abstention ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cinq ans après, vingt ans après, le cauchemar continue . Le fascisme au portes du pouvoir n'est pas seulement un risque mais déjà un premier échec : l'extrême droite convainc massivement en France. Pratiquement un tiers de la population pense trouver dans le repliement identitaire une porte de sortie à un néolibéralisme dévastateur.

Soyons au clair tout de suite : la possibilité d'un vote pour le fascisme est exclu de ce billet, quelque soit la stratégie imaginable qui puisse justifier ce genre de choix.

Ensuite je ne voterai pas blanc, non reconnu et pratiquement pas évoqué. Si je devais exprimer mon désaccord avec ce faux choix je préfèrerai m'abstenir par pure stratégie : l'abstention est en effet bien plus fortement évoquée et discutée dans le débat public.

Il ne nous reste plus que deux options dans cette alternative : faut-il ne pas voter ou bien faut-il faire barrage au fascisme ? Je ne pense pas qu'il y ait de bonne réponse à cette question. Cependant je me permet d'évoquer ici des pistes de réflexions pour faire ce choix en toute conscience.

Quelques éléments de réflexion

Tout d'abord à la sortie de cinq ans d'ultralibéralisme autoritaire et d'écrasement démocratique le choix n'est plus le même qu'en 2017. Si à l'époque l'argument d'un Macron respectueux des institutions et des questions sociales pouvait encore se défendre, aujourd'hui il n'en est rien. Le chef de l'exécutif a accumulé durant ces cinq années plus d'attaques contre l'état social que ne l'avait fait aucun président. On peut citer en pagaille Parcoursup, la réforme de l'assurance chômage, la brutalité à l'encontre des mouvements des gilets jaunes et de la jeunesse pour le climat, la santé, l'éducation avec la réforme Blanquer ou encore la nomination de Darmanin, le jeu dangereux de la dénonciation de "L'islamogauchisme", le fichage S de militants écologistes, les détentions préventives, les affaires Steve, Benalla, Michel Zecler, Moussa et j'en passe. On peut également citer la gestion militaire et  antidémocratique que représente le conseil de défense sanitaire, ou encore l'éternel mépris de classe dont fait preuve le candidat LREM.

Comment accepter de mettre son nom dans l'urne après avoir fait face à une milice toujours plus violente qui n'hésite pas à aller jusqu'à gazer des tentes de soin en free partie et empêcher les secours d'accéder à un accident qui coutera la main d'un jeune homme de 22 ans.

Sans aucun doute le fait de voter pour Emmanuel Macron le 24 Avril sera, pour celles et ceux qui en auront pris la décision, un geste douloureux et difficile.

L'extrême droite peut-elle gouverner ?

Cependant ce terrible palmarès ne saurait nous faire oublier ce que représente le fascisme en France et dans le monde, pour les droits fondamentaux, pour le droit des minorités, des plus pauvres et des plus faibles. Qu'attendre en effet d'un police sous Le Pen ? Qu'attendre de l'effet terrible qu'aurait le message de son élection sur l'influence culturelle et sociale de l'extrême droite déjà très présente. Dans la Hongrie de Victor Orban et la Russie de Vladimir Poutine, tout deux adulés par l'extrême droite Française, le droit de manifestation et celui de la presse sont quasiment nuls, il est interdit de critiquer le gouvernement et il n'est pas possible de vivre librement sa vie sentimentale.

Alors j'ai pensé comme nombre des mes camarades que l'extrême droite au pouvoir ne saurait obtenir les pouvoirs législatifs et judiciaires, qu'une majorité à l'assemblée serait inenvisageable, que le conseils constitutionnels et le conseil d'état empêcherait son projet mortifère et que le peuple ne pourrait accepter les référendum proposant la sortie de la convention européenne des droits de l'Homme et la préférence nationale. 

Cependant c'est oublier que l'extrême droite n'est pas une mouvance politique démocratique et républicaine. Il y a fort à parier qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour contourner lesdites institutions, y compris faire usage de la force. Car en effet n'oublions pas que jusqu'aux deux tiers de la police soutient la candidate du rassemblement national. Que dire également de l'impact aurait une telle victoire sur la puissance culturelle et sociale de l'extrême droite sur notre pays ? Que dire de la violence légitime dont pourrait s'accaparer les forces de coercition après un tel évènement ? 

Une rupture

Qui n'ais-je pas entendu dire que l'effacement du sourire narquois et suffisant du président qui croit être le roi parmi les rois serait un soulagement total après de si longues années de mépris. Et je dois dire que je comprend et partage largement ce sentiment.

Lassé du statut quo on serait alors capable de préférer la souffrance salvatrice à la morosité ambiante. Nous refuserions un choix que nous n'avons pas voulu et nous pourrions fustiger le capitalisme néolibéral d'avoir été incapable d'empêcher l'arrivée au pouvoir du pire. Puis un fois l'ancien monde mort et enterré et le fascisme antisocial démasqué seul subsisterait l'alternative écologiste et sociale, nous pourrions reconstruire un avenir meilleur dans les cendres encore chaudes de la Vème république.

Cette hypothèse souffre cependant d'une difficulté de taille : peut-on réellement se débarrasser du fascisme ? Suffira-t-il de le montrer tel qu'il est pour qu'après lui avoir gentiment dit "merci au revoir" il replie simplement ses bagage et retourne aux tréfonds des mauvais souvenir de l'histoire ?

Une chose est sûre on ne se débarrasse pas du fascisme comme d'une paire de chaussure mal taillée.

Faire table rase

Qu'elle passe, au moins le peuple se soulèvera !

Belle maxime, il est vrai qu'un tel évènement achèverait de convaincre les tièdes de l'urgence sociale dans laquelle est plongée le pays. Contre le fascisme au moins les idées sont claires : l'ennemi est identifié et il faut faire front. Si il est certain que l'arrivée au pouvoir du fascisme provoquerait un rejet intellectuel d'une grande partie de la population, pourra-t-elle réellement lutter contre ?

Qui somme nous pour penser être plus fort que les peuples russes, hongrois, brésiliens ou chiliens face au fascisme ? Peut-être que, fort des récits victorieux de la résistance et des révolutions françaises, un biais dangereux nous habite, nous rendant imprudents et impulsifs, pensant pouvoir amorcer un effondrement contrôlé de la société, tout en négligeant peut-être les victimes collatérales d'un tel reboot.

Un choix difficile

Alors que faire ? Le résultat qu'espèrent un bon nombre de Français est probablement une victoire très serrée de Macron avec une forte abstention, réduisant du même coup sa légitimité à gouverner et celle à faire barrage à l'extrême droite.

A ce jeu dangereux le calcul se doit d'être minutieux, car le risque est grand : au moindre échec c'est la chute.

Si aucune réponse simple ne peut être donnée au dilemme face auquel nous nous trouvons aujourd'hui tâchons de rester le plus vigilants possible et à tout faire pour protéger la démocratie et l'état social mis en danger par Emmanuel Macron et surtout Marine le Pen.

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