Mr Eustache

Abonné·e de Mediapart

15 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 octobre 2012

Mr Eustache

Abonné·e de Mediapart

Vers une Démocratie à la carte ?

 C’est à un étrange spectacle que sont conviées nos Démocraties : les individus les plus riches semblent pouvoir s’affranchir du verdict des urnes. La mobilité des plus aisés est totale. Une partie des citoyens est en mesure de faire jouer la concurrence entre les différents systèmes nationaux : les citoyens sont spectateurs d’un système qui ressemble à une « Démocratie à la carte ».

Mr Eustache

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est à un étrange spectacle que sont conviées nos Démocraties : les individus les plus riches semblent pouvoir s’affranchir du verdict des urnes. La mobilité des plus aisés est totale. Une partie des citoyens est en mesure de faire jouer la concurrence entre les différents systèmes nationaux : les citoyens sont spectateurs d’un système qui ressemble à une « Démocratie à la carte ».

Mais d’où vient cette anomalie politique ? Par quel biais la pyramide de la Démocratie a-t-elle pu se renverser, au point de soumettre la base au sommet ? Comment les citoyens les plus riches ont pu progressivement s’affranchir des contingences nationales ?

C’est en érigeant la liberté de circulation des capitaux au rang de principe absolu que les gouvernements ont rendu volatile le support même de leur souveraineté. Les capitaux ne connaissent plus de contraintes géographiques : leur liberté de circulation est absolue. Le principe de territorialité leur est totalement étranger. Quand la Démocratie est nationale, le Capital est international.

Napoléon considérait - à juste titre - qu’ « une Nation a la politique de sa géographie » : Un pouvoir politique n’a en effet de sens qu’en rapport avec un territoire dans lequel il incarne la souveraineté de son peuple. Quand les représentants d’une Nation votent une loi, elle doit s’appliquer à tous, sur tout le territoire ; Or les capitaux ne s'encombrent plus de ce principe. Ils franchissent librement les frontières, leurs détenteurs avec. La démocratie est devenue un paramètre avec lequel il est possible de composer.

Une minorité de « citoyens du monde » peut ainsi circuler librement au grès des évènements et contourner les politiques nationales. A l’inverse des autres travailleurs qui - dans leur majorité - ne peuvent s’affranchir du jeu démocratique et se retrouvent invariablement soumis aux décisions gouvernementales.

Le pouvoir politique se trouve naturellement bousculé par cette situation. La disparition des frontières - pour les capitaux - ébranle la Démocratie. Le politique n’est plus en mesure de faire appliquer les résultats du suffrage démocratique à tous les citoyens, puisque une partie peut éventuellement les contourner.

Or peut-on continuer de parler de Démocratie dans ces conditions ? Le mot Politique a-t-il encore un sens lorsqu’il ne traduit plus l’expression de la volonté générale

En oubliant que la consubstantialité du pouvoir politique et de l’entité géographique est une loi d’airain, les politiques ont profondément fragilisé la Démocratie. L’exercice de l’autorité politique est multidimensionnel, et notamment territoriale. Or en pouvant s’affranchir des conséquences du jeu politique - en transférant leurs capitaux d’un pays à un autre – certains citoyens donnent corps à  l’idée d’une « Démocratie à la carte ». Que le peuple s’exprime à travers les élections, et les détenteurs de capitaux quitteront le territoire, si le résultat du vote ne leur paraît pas favorable.

Ainsi, la politique d’ouverture des frontières pour les capitaux a provoqué  la disjonction d’une partie de la population, du corps social national. Les plus aisés demeurent des citoyens, mais d’un autre rang. L’égalité politique a fait place au marchandage démocratique. Et ce phénomène ne résulte non pas de l’accentuation de l’interpénétration des économies, mais du caractère désormais superfétatoire des décisions nationales– du fait du caractère international du Capital.

Ainsi en assimilant la liberté de circulation des hommes à celle des marchandises et des capitaux, les gouvernements ont opéré une terrible confusion, que les pays constatent amèrement aujourd’hui. Et cette méprise révèle désormais l’impasse dans laquelle se trouvent les Etats : le risque de voir les capitaux partir en masse avec de nombreux riches.

L’idée de liberté absolue de circulation doit être défendue. Mais seulement pour les Hommes. Ils n’en useront jamais à l’excès, et au-delà de l’aspect économique, c’est avant tout un choix politique. Seulement, elle doit être dissociée de la libre circulation des capitaux qui permet à certains de pouvoir composer – à l’abri des considérations nationales - leurs petits menus à la sauce démocratique.

A cet effet, si les frontières sont tombées comme des dominos, les Démocratie ne doivent pas se retrouver balayées par le phénomène. Les Etats doivent ainsi restaurer leur maîtrise des mouvements de capitaux, au moins en partie. Ce n’est pas seulement une question d’efficacité économique, mais également – et surtout - un élément indispensable à la vitalité d’un système démocratique. Aucun citoyen ne doit pouvoir prendre part au suffrage avec la faculté de s’affranchir du résultat, s’il n’est pas à son goût. La Démocratie est à ce prix. Elle ne saurait souffrir l'existence de différents niveaux dans la citoyenneté.

Si la Démocratie est un grand banquet auquel tous les citoyens sont conviés, nul ne doit pouvoir refuser le plat choisi par la majorité..

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.