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Billet de blog 26 septembre 2012

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Une hausse de la TVA serait-elle écologique ?

La croissance est en berne. Le chaos budgétaire menace, le mur de l’argent se profile et le projet de TVA sociale refait surface. La gauche s’apprêterait-elle à revenir sur la suppression de ce dispositif ? Indépendamment des réflexions du gouvernement sur le sujet, si une hausse de la TVA est indéniablement antisociale, elle a peut-être le mérite d’être écologique.

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La croissance est en berne. Le chaos budgétaire menace, le mur de l’argent se profile et le projet de TVA sociale refait surface. La gauche s’apprêterait-elle à revenir sur la suppression de ce dispositif ? Indépendamment des réflexions du gouvernement sur le sujet, si une hausse de la TVA est indéniablement antisociale, elle a peut-être le mérite d’être écologique.

Scandale à gauche. Une hausse de la TVA ne serait pas à exclure selon le journal Libération qui fait état d’une réflexion du gouvernement sur la remise en selle du projet de TVA sociale. La gauche qui a toujours été opposée à ce que la TVA soit un outil d’ajustement économique, serait-elle en train d’achever sa mue idéologique ? La gauche serait-elle sur le point de refermer la porte à la politique de la demande pour adopter la politique de l’offre ? Car c’est bien à cela que se prépare la gauche au vu de l’arbitrage qui semble se profiler pour améliorer la compétitivité des entreprises.

La TVA est un impôt « injuste » car il frappe indistinctement les contribuables. Les ménages modestes consomment plus qu’ils n’épargnent. Leur propension à dépenser leurs revenus est plus importante que les ménages aisés. Dans une économie à la peine, avec un chômage structurel et un pouvoir d’achat stagnant, il paraît délicat pour le gouvernement d’infliger aux ménages une mesure qui grèverait davantage leurs budgets. Surtout quand la défense du pouvoir d’achat des ménages reste l’un des derniers totems de la gauche. Mais rien n’est à exclure sur le plan fiscal tant la situation économique s’annonce instable.

Loin de moi l’idée de défendre ardemment une hausse de la TVA, notamment sous la forme de celle portée par la majorité précédente. Mais je continue de m’interroger : La TVA est une taxe sur la consommation. L’économie française repose en partie sur un modèle qui fait de la consommation le moteur de sa croissance. Augmenter la TVA, c’est toucher à la consommation et par voie de conséquence ralentir la croissance. Et la planète ?

La notion de croissance est anti écologique. La croissance ne tient pas compte des contraintes écologiques. Dans ce cadre de réflexion, l’objectif est de produire toujours plus sans égard pour la destination où l’intérêt de ce qui est produit. On pompe, on extrait, on transforme dans l’allégresse croissanciste. Peu importe les dégâts, la qualité, l’utilité. C’est la loi du « Je produis donc je suis ».

C’est parce que l’on continue de raisonner en termes productivistes que l’évocation même de la baisse de la consommation et de la croissance suscitent tant d’incrédulité. Mais prise sous un autre angle, cette question révèle toute la problématique de notre mode de développement. Sans considérer toute mesure diminuant la consommation comme salutaire, il est ainsi permis de s’interroger sur notre mode de consommation, pour proposer une fiscalité progressive qui inciterait à la réduire dans certains types de secteurs (le high-tech avec la question des terres rares, l’obsolescence programmée des appareils ménagers) pour diminuer la fiscalité  – ou même la faire disparaître – dans d'autres secteurs tels que la culture ou la santé.

A l’inverse, lutter contre n’importe quelle augmentation de la TVA, c’est prendre le parti de cette consommation et de cette vision de la croissance. Défendre le maintien d’une TVA au niveau où elle est actuellement - en proposant de toucher à d'autres leviers - est un acte en faveur de la consommation, sans égard pour ce que cela implique au niveau environnemental. Moins de consommation, c’est moins de production et donc moins de pollution. Ainsi, au moment où la transition écologique devrait être une priorité, il est permis de douter du bien fondé de l’argumentation qui oppose une fin de non-recevoir à toute augmentation de certains taux de la TVA.

Alors évidemment, dans notre système économique, la baisse de la croissance charrie son lot de conséquences sociales négatives, et la diminution des richesses affecterait sans doute les plus fragiles. Mais qu’est-ce à côté du volcan sur lequel notre société continue de danser ? L’environnement est pressuré, les ressources sont surexploitées, notre écosystème est menacé. Notre système de création de richesses est à bout de souffle. La croissance relève désormais de l’incantation et l’Homme n’a jamais été si menaçant… pour lui-même.

Encore une fois, j’ai bien conscience qu’à l’instant t, augmenter la TVA ce n’est pas seulement réduire la voilure économique mais que c’est aussi directement faire pâtir de cette réduction les plus fragiles. Cette mesure est évidemment socialement désastreuse à court-terme. Mais les conséquences du maintien de notre modèle économique seront d’une tout autre ampleur si rien est fait. Le péril écologique n’est pour le coup pas seulement environnemental mais également social. Car mettre en branle la structure de notre écosystème, c’est également porter atteinte à nos conditions fondamentales d’existence.

Pourquoi la gauche ne proposerait-elle pas d’augmenter considérablement la TVA sur certains produits, non pas à des fins économiques mais à des fins écologiques. La fiscalité a des incidences sur le comportement des consommateurs. C’est un levier non pas seulement financier mais également social. La question écologique est éminemment sociale dans la mesure où elle concerne les conditions même de nos existences. Dans ce combat pour la transition écologique, la gauche ne devrait-elle pas se saisir du sujet de la TVA pour faire basculer le rapport de nos sociétés à la consommation, et plus largement à notre environnement ?

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