Des chercheurs français viennent de découvrir un lien éventuel entre l’évolution de la digestion et la nourriture consommée.

L’équipe de Jan-Hendrik Hehemann a trouvé une bactérie marine capable de dégrader la paroi d’algues de type porphyra grâce à une enzyme judicieusement nommée porphyranase. Jusqu’ici rien d’exceptionnel, mais l’histoire ne s’arrête pas la.
Les scientifiques ont retrouvé la même enzyme dans la flore intestinale de 13 Japonais, mais aucune trace dans celle d’un groupe d’Américain. Or un type de porphyra est utilisé pour la fabrication de sushi (sous le nom de Nori). Pour Mirjam Czjzek de l’Université Pierre et Marie Curie, le gène de la bactérie marine a été transmis aux bactéries intestinales après ingestion de sushi, l’algue étant traditionnellement crue.
Ce transfert de gène entre bactéries est relativement rare et cela explique le fait que l’on rencontre ce bout d'ADN qu’au Japon. En effet, la quantité de végétaux aquatiques ingurgitée n’est pas comparable entre un Japonais et un Américain. La probabilité d’un tel échange est donc plus grande.
Quel est l’intérêt de cette étude ? Pour l’hôte dont la flore intestinale peut digérer les algues, l’avantage est de pouvoir tirer profit d’une nouvelle source d’énergie et de nutriment. Mais surtout, cela montre que la nourriture consommée (et la façon dont on la prépare) a éventuellement un impact sur les micro-organismes qui habitent le tube digestif !
Justin Sonnenburg, un microbiologiste de l’université de Standford en Californie soulève d’autres points tout aussi intéressants. Les bactéries ingérées plus ou moins accidentellement pendant un repas sont une ressource génétique très importante. Elles ont sans doute permis l’évolution et l’adaptation des microbes vivant dans nos entrailles.
Mais dans une société où l'on recherche de plus en plus la stérilité des aliments, pour éviter la transmission de maladie, il est juste de se poser la question du coût évolutif de cette hygiène parfois excessive. En éradiquant les bactéries, on supprime aussi leur potentiel effet bénéfique!
Sources : http://www.nature.com/news/2010/100407/full/news.2010.169.html