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Billet de blog 14 décembre 2009

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Contribution de l'UNAISSE au GIA : un vrai cadeau de Noël .... misère

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U.N.A.Ï.S.S.E

25 Chemin du Petit Chaperon Rouge

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http://unaisse.free.fr

unaisse@free.fr

1- La question des référentiels d'activité, de compétence, de formation, et du niveau de formation et de qualification.

L''UNAÏSSE défend l'idée que la pratique d'accompagnant scolaire et social requiert un niveau de formation - et donc de qualification - suffisamment élevé pour permettre que la perception de la personne en situation de handicap ne demeure pas centrée sur une vision uniquement défectologique (c'est à dire centrée sur les déficiences et leur conséquences en terme d'incapacité en occultant les potentialités et la dimension de sujet de la personne), et pour permettre aux accompagnants, à qui on confie une mission de soutien à un processus d'acquisition d'une autonomie[1], d'être lui-même suffisemment autonome pour penser son rôle et ses actes d'accompagnement. Ce rôle et ces actes concernent les trois dimensions que sont :

- la relation avec la personne accompagnée (et sa famille)

- la relation avec le cadre institutionnel au sein duquel il intervient (avec les professionnels historiques qui le composent, ainsi qu'avec les usagers qui en bénéficient)

- la relation avec son service, sa hiérarchie et ses collègues (et l'ensemble des autres professionnels avec lesquels il doit échanger professionnellement au sein des différents espaces de réunion, telle l'équipe de suivi de scolarisation, par exemple).

Pour l'UNAISSE, maintenir l'idée d'un niveau de formation relevant d'une stricte position d'éxécutant (niveau V ou IV) revient à entériner quatre conséquences extrêmement dommageables au vue des enjeux de la loi de 2005[2] :

1- c'est tout d'abord mettre les accompagnants en situation d'injonction paradoxale, de double bind, puisqu'il leur sera demandé d'accompagner une personne dans un processus d'autonomie (au sens où nous l'avons préalablement définie dans ce texte) alors qu'ils ne seront pas outillés (en terme de formation) pour y prétendre eux-mêmes. Il leur sera demandé d'accompagner une personne sans qu'il leur soit données les conditions de possibilté de penser leur accompagnement[3].

2- C'est ensuite considérer les personnes en situation de handicap comme n'ayant pas besoin de personnel qualifié et in fine comme des citoyens de seconde zone : on forme des professionnels de la finance, du droit ou de la traduction, à des niveaux I, mais les personnes handicapées et leur famille peuvent eux bien se contenter de personnes de niveaux V ou IV. On peut caricaturer le projet de ceux qui soutiennnent un niveau V ou IV de qualification pour le métier d'accompagnant, en disant qu'il s'agit de faire d'une pierre deux coups en "mettant les pauvres[4] au travail avec les handicapés" (et probablement avec les "vieux").

3- C'est également consacrer les accompagnants, qui interviendront beaucoup, en terme de volume d'accompagnement, dans l'espace scolaire, comme étant eux-mêmes anciens élèves qui auront connu dans leur histoire scolaire une mise en échec, et qui entretiendront avec l'école une relation qui sera directement issue de leur propre expérience, marquée par une sortie précoce du système scolaire[5].

4- C'est enfin restreindre le champ d'action de l'accompagnant à une centration exclusive sur la personne accompagnée : ne possédant pas les outils pour penser, situer et historiciser son action dans son rapport avec les cadres institutionnels au sein desquel il va travailler et dans son rapport avec les professionnels avec lesquels il va coopérer, le professionnel accompagnant aura de fait une tendance "naturelle" à ne pas se préoccuper d'autre chose que de la personne - et ainsi risquer à nouveau de reproduire, d'une manière euphémisée, une conception défectologique du handicap, et d'y puiser l'ensemble des soubassements de ses interventions.

Pour l'UNAISSE, l'enjeu est bien de pourvoir les accompagnants d'outils conceptuels et intellectuels destinés à nourrir leur pratique et leur permettant de travailler à la fois avec la personne accompagnée, avec le milieu accueillant (c'est à dire avec les professionnels qui sont déjà en place) et avec son service et l'ensemble des autres professionnels, dans un objectif qui fonde ce que les spécialistes de ressources humaines nomment le "coeur de métier" et consistant en un travail perpétuellement destiné à rendre les professionnels du milieu accueillant (ainsi que les pairs) comme présence suffisante à l'accueil du sujet qu'est la personne handicapée. Travailler, même dans les situations les plus extrêmes, à construire la fin progressive du processus d'accompagnement - ou à sa diminution la plus achevée. En ce sens, il est permis de poser une cinquième conséquence à un faible niveau de formation des accompagnants aux quatre déjà listées ci-dessus : sans cet objectif exigeant qui est directement lié au niveau de formation et de qualification, ce sont des processus de systématicité et de dépendance qui vont se trouvé favorisés. Les accompagnants risqueront de devenir des "institutions spécialisées faite corps", transformant les jeunes en "exclus de l'intérieur", selon la formule de Pierre Bourdieu et Patrick Champagne.

Le milieu dit "ordinaire[6]" connaît mal les mondes des handicaps, et pour cause : qui a grandi avec des personnes handicapées, que ce soit à l'école ou dans son quartier ? Qui vit au quotidien avec eux ? Nous le savons : très peu de gens. Ceux qui en ont eu (et en ont) la possibilité sont ceux qu'Erving Goffman appelle des "initiés", relevant pour lui d'une première sous-catégorie qui est celle de la famille et des proches. La seconde catégorie d'initiés est celle des professionnels qui travaillent avec les personnes handicapées. Les inités, nous dit Goffman, sont ceux qui, "du fait de leur situation particulière", connaissent, comprennent et savent réagir face aux effets des "stigmates" que sont les handicaps, dans leur différentes formes.

Les accompagnants, du fait de leurs missions, sont appellés à faire partie des "initiés" de la seconde catégorie. Mais leur spécificité, en lien direct avec ce que nous avons précédemment défini comme le "coeur de métier", est précisément, et au contraire de l'ensemble des autres métiers du spécialisé, de ne pas considérer leur originalité professionnelle comme devant être conservée et défendue comme un territoire qui leur appartient, mais bien plutôt de la transférer vers les personnes non-initiées, pour qu'elles commencent à le devenir[7]. L'accompagnant ouvre son territoire de compétence à l'ensemble des personnes du milieu "ordinaire".

De ce point de vue, les accompagnants ont vocation à participer à un mouvement d'"ordinarisation du spécialisé" dans ce que ce dernier a de plus "ordinaire"[8], c'est à dire relativement à l'ensemble des comportements qui sont susceptibles de susciter une dynamique positive (dont font partie les conditions de possibilité de mise en oeuvre de la professionnalité de l'enseignant, par exemple[9]) face aux conséquences que peuvent fait naitre certaines situations de handicap.

En d'autres termes, et plus simplement, les accompagnants sont là, outre pour travailler avec le jeune à ce qu'il identifie, teste et expérimente ses potentialités, à transférer vers les professionnels (et les pairs) un savoir-être ordinaire relatif au handicap. Ils ne sont pas là pour le défendre comme leur spécificité professionnelle : ils doivent l'enseigner au milieu accueillant.

Dans des bien des situations, ces savoirs-être permettent aux professionnels du milieu accueillant de "débloquer" leurs capacités spécifiques, à l'encontre des jeunes handicapés. Pour autant, l'accompagnant ne tient pas sa légitimité de l'actuel défaut de formation des professionnels de "l'ordinaire" il n'en est pas un symptôme. L'accompagnant est une personne-ressource pour le jeune et pour le milieu accueillant, et il a vocation à le rester même quand les programmes de formation initiale des enseignants et des autres professionnels auront actualisé les exigences en matière d'accueil des enfants et des jeunes en situation de handicap. Le milieu accueillant ne se limite pas aux professionnels et s'étend aussi à ses usagers (les élèves à l'école, les enfants dans les centres de loisirs, etc). Quand tout le monde aura en partage une "culture commune", les accompagnants ne seront pas obsolètes, au contraire : leur action n'en sera que plus efficace, et facilitée.

A lui seul, bien sûr, le métier d'accompagnant ne permettra pas de faire tomber les a priori, les préjugés, les représentations négatives issus du fond des âges et des consciences. Il serait tout à fait illusoire de penser que ce puisse être le cas. Mais il nous semble qu'il faille quand même se doter de moyens suffisamment pertinents pour avancer vers[10] ce défi de l'inclusion et du changement de regard sur les situations de handicap. Et ces moyens passent, entre autre chose, par un niveau de formation élevé des accompagnants, qui puisse leur donner la possibité de contribuer à transformer le regard des lieux d'accueil (par l'intermédiaire du regard des personnes, professionnelles ou usagers, qui les "habitent") sur la personne différente.

Ce haut niveau de formation permettrait également aux enseignants et aux autres professionnels de considérer les accompagnants comme de vrais partenaires avec qui coopérer[11], et non comme des professionnels de seconde zone n'ayant qu'un regard de seconde zone. Un niveau de formation élevé, avec peu de différences avec l'ensemble des partenaires professionnels du processus de scolarisation (versant scolaire du plan personnel de compensation) permettrait de travailler en complémentarité et non plus en subordination. Cette exigence de la plus grande horizontalité possible nous semble une condition essentielle de la réussite des objectifs confiés à la mission des accompagnants. Cette horizontalité doit concerner également les enfants et les jeunes accompagnés : l'accompagnant doit autant que possible non pas relayer la parole de la personne qu'il accompagne mais lui permettre de la délivrer lui-même (et contribuer à permettre au milieu accueillant de la recevoir)[12].

Relativement à la question de la mobilité professionnelle externe, un haut niveau de formation permettrait par exemple à des professions existantes dans le champ éducatif (au sens large) d'investir la formation pour devenir accompagnant sans considérer ce passage comme un déclassement. Elle permettrait également à des accompagnants de se former à d'autres métiers du champ, selon une logique de mobilité externe au moins équivalente, voire ascendante (comme vers le métier d'enseignant, bientôt à niveau I, niveau master). Ainsi c'est l'ensemble des métiers du médico-social, de l'enseignement et de la petite enfance qui bénéficieraient d'irrigation mutuelle avec le métier d'accompagnant. Permettre ceci (qui dépasse le présent cadre de travail sur le métier d'accompagnant), c'est permettre, sans attentes exagérément haute, que d'ici à deux ou trois générations les conceptions aient commencé à sérieusement bouger dans la société française.

Ce haut niveau de formation permettrait également, et ce n'est pas le moindre de ses intérêts, de réduire considérablement les effectifs des accompagnants[13]. Bien formés, inscrits dans un service qui répond aux conditions que nous abordons plus bas, les accompagnants n'auraient pas vocation à être aussi nombreux qu'aujourd'hui où les abus sont largement répandus en matière d'attribution d'AVS-i notamment.

Pour conclure sur la question de la formation, l'UNAISSE souhaite préciser sa position relativement au travail, central pour l'accompagnant, au sein de l'espace scolaire. La coopération avec l'enseignant, basée sur un lien de responsabilité fonctionnelle de ce dernier, exige de notre point de vue le partage d'un vocabulaire, d'un espace notionnel commun. Ainsi, si l'accompagnant n'est pas et n'a pas vocation à être un second concepteur de dispositifs didactiques et pédagogiques (mais bien plutôt participer à leur mise en œuvre), il doit néanmoins être formé à la maîtrise de l'ensemble des notions didactiques et pédagogiques qui lui permettront d'échanger avec son collègue enseignant tout en comprenant bien les enjeux, les responsabilité, les territoires de chacun. Il est souvent invoqué le fait que former les accompagnants à la didactique et à la pédagogie ferait courir le risque d'une concurrence professionnelle avec l'enseignant[14]. L'UNAISSE soutient que c'est exactement le contraire : partager la maîtrise des notions de didactique et de pédagogie, partager les connaissances précises du rôle et des missions de l'enseignant, sont justement à même, outre de seulement rendre possible l'échange professionnel, de permettre d'éviter les confusions et les positionnements erronés.

Et il en va ainsi de nombreux arguments posés en faveur d'une formation limitée des accompagnants : limiter leur formation, c'est augmenter l'apparition de phénomènes qu'on prétend justement éviter en les formant au minimum.

2- La question du cadre d'emploi

Pour l'UNAISSE, l'accompagnement des jeunes dans les lieux ordinaires de vie doit être considéré de manière systémique ; c'est d'ailleurs ainsi que se fait l'accompagnement car les lieux d'intervention des accompagnants sont divers et variés[15]. L'accompagnement se situe très clairement dans une logique de service : ses professionnels travaillent ailleurs que dans un endroit clos, spécifié et identifié comme spécifique. Mais à la différence des services, comme les SESSAD dont les personnels interviennent au domicile et souvent à l'école, les accompagnants sont susceptibles d'intervenir dans un panel beaucoup plus large d'espaces. C'est une des raisons pour lesquelle rien n'est possible, en matière de création de métier, en réfléchissant "à droit constant". La pratique de l'accompagnement en milieu ordinaire dépasse les pratiques existantes en matière d'accompagnement, sans entrer en concurrence avec elles[16].

Par exemple, les référentiels d'activités AMP montre que ceux-ci interviennent uniquement dans l'accompagnement et l'aide à la vie quotidienne dans des lieux spécifiques liés aux types de handicap. En d'autre termes, si les AMP sont susceptibles selon leur référentiel de travailler dans de nombreux lieux, ceux-ci seront limités à ce qu'impliquent les projets d'établissement de leur employeur. A contrario, jamais les lieux ne seront potentiellement limités pour les accompagnants. La limite est l'état de l'évaluation des besoins du jeune en terme d'accompagnement.

Quant aux AVSociale, ils interviennent uniquement au domicile des personnes et dans l'axe de la compensation du handicap, tandis que les accompagnants à la vie scolaire et sociale sont eux appelés à intervenir de la maternelle à l'université en passant par le monde de l'entreprise et les centres de loisirs, auprès de jeunes de 1 à 25 ans (environ), tous types de handicaps confondus[17] à la fois dans l'axe de la compensation mais aussi et surtout dans celui de l'accessibilité[18]. Leurs interventions sont donc très diversifiées et prises dans une dimension systémique au sens de rencontres interdisciplinaires auprès de différents types de handicap et faisant appel à un grand nombre d'interlocuteurs des milieux ordinaires prenant part de près ou de loin à l'élaboration d'évaluations utilisées dans les équipes pluridisciplinaire pour l'élaboration du projet personnalisé du jeune.

La grande diversité des lieux d'intervention liée à la diversité des types de handicap ainsi qu'aux versants de compensation et d'accessibilité, inséparables dans ce type d'accompagnement, impliquent un niveau élevé d'adaptabilité et de ce fait un haut niveau de formation et de qualification. Mais ils impliquent également de penser l'appartenance à un service d'une manière nouvelle. L'impossibilité du "droit constant" nous invite à être inventifs en la matière, et à ne pas se contenter de la volonté stratégique de maintenir ou de renforcer des positions de gestionnaires dans le champ du handicap.

L'essentiel pour l'UNAISSE est que le principe de mise en oeuvre de service public soit maintenu[19] et que les enfants et les familles y trouvent leur compte[20]. De ce point de vue, l'intérêt des personnes handicapées, de leur famille et celui des personnels accompagnants se rejoignent : qui peut décemment soutenir qu'on travaille mieux quand on est moins bien formé ? Peut-être certains acteurs le feront-ils, singeant ainsi l'air du temps qui enjoint aux professionnels du travail social, du médico-social, de l'enseignement et du soin de "faire mieux avec moins". Mais nous espérons que ce soit une autre conception qui saura émerger.

Un métier avec de telle spécificités se doit ainsi de dépendre d'un service tout aussi spécifique. Les missions de ce service peuvent être résumées dans son appellation de "service d'accompagnement à l'accompagnement". Il doit en effet assurer plusieurs fonctions :

1- offrir aux accompagnants les possibilités d'une analyse de leur propre analyse (elle-même à la base des positionnements de l'accompagnant, soumis à des processus d'ajustement pérpétuel), c'est à dire offrir les conditions de possibilités d'un positionnement réflexif. Certaines situations d'accompagnement peuvent être extrêmement complexes, à la hauteur des effets de l'histoire des personnes handicapées dans la société française, et/ou à la hauteur de la mobilisation d'affects et de sentiments d'une grande puissance - et qui peuvent concerner tout aussi bien les jeunes accompagnés, les professionnels du milieu accueillant, les familles, les usagers ou les accompagnants eux-même. Le service doit permettre aux accompagnants de trouver un cadre collectif et coopératif (c'est à dire autant que possible horizontal, entre pairs) qu leur permettent que toutes les difficultés rencontrées en situation d'accompagnement ne soient pas des entraves à l'exercice de leur mission. Il est possible d'évoquer ici le cadre des analyses de pratique, de supervision, etc. ; autant de cadres qui doivent être hebdomadaires.

2- Le service doit aussi offrir des temps de formation (dans le cadre légal de la formation continue)

3- Il doit aussi proposer des heures hebdomadaires - parties intégrantes du temps de travail - consacrées au travail personnel (recherches diverses, travail d'écriture - notes personnelles, rapports, bilans, etc. -, préparation de réunion, échanges informels entre pairs et avec les encadrants, etc.).

4- Il doit être un lieu où les familles et les personnes accompagnées puissent venir échanger sur l'évolution de l'accompagnement.

Pour l'UNAISSE, la forme que doit prendre la création d'un service doit permettre l'ensemble de ces conditions. Si nous soutenons l'idée d'un service spécifique, c'est parce que derrière cette idée de "spécifique" il y a la question de la formation des responsables de service. En effet, pour que les conditions de fonctionnement de service listées ci-dessus soient réalisables, nous estimons que les encadrants devront, dans un premier temps prioritairement, et dans un second temps exclusivement, se recruter parmi d'anciens accompagnants - ceci permettant d'envisager dans une carrière des possibilités de mobilité professionnelle interne ascendante.

L'UNAISSE est formellement opposée à ce que les responsables des services d'accompagnants puissent encadrer des professionnels dont ils n'ont jamais habité la pratique. Ces responsables doivent être d'anciens accompagnants, pour des raisons évidentes dont nous ferons ici l'économie d'évocation.

Une conclusion (provisoire) :

L'accompagnement des jeunes dans les milieux ordinaires de vie concerne en grande partie l'accessibilité à ce qui est proposé dans ces lieux en terme d'apprentissages de savoirs scolaires, de compétences cognitives et en terme d'apprentissages de codes sociaux, culturels et relationnels[21].

Là est l'essentiel du métier d'accompagnant : permettre le lien avec le milieu accueillant, stimuler les capacités du jeune, "proposer sans imposer, s'impliquer tout en s'effaçant, s'engager tout en se situant en retrait, ne rien prescrire mais ne pas renoncer à faire progresser"[22], l'aider à acquérir des connaissances lui permettant de trouver sa place au sein de la société et non plus en marge de celle-ci, être en relation. Les aspects de l'accompagnement à la vie quotidienne, essentiellement centrés sur les gestes vers le corps (déplacements,installation, etc.) et vers les soins corporels ne sont pas l'essentiel de l'accompagnement même si ils en font partie. Pour ces raisons il convient que les accompagnants n'aient pas le même niveau de formation que les personnes dont le coeur de métier est prioritairement basé sur la vie quotidienne - même s'il va de soi également pour nous que ces métiers doivent être revalorisés en terme de formation et de qualification, tout comme les savoirs qu'ils produisent. .

Les interventions des accompagnants à la vie scolaire et sociale se rapprochent davantage des référentiels de compétences des éducateurs spécialisés (ES) - c'est à dire précisemment ce métier qui a été d'emblée et a priori écarté dans la construction du référentiel censé être une base de travail pour le groupe retreint sur les compétences, construit exclusivement en fonction de référentiels de niveau V ou IV (sans bien entendu qu'il n'y ait aucune sorte d'arrière pensée).

Dans le référentiel d'activités la mission principale est définie ainsi : "l'ES (...) aide au développement de la personnalité et à l'épanouissement de la personne ainsi qu'à la mise en oeuvre d'actions collectives en direction des groupes et des territoires". "Il aide et accompagne des personnes, groupes ou familles dans le développement de leurs capacités de socialisation, d'autonomie, d'intégration et d'insertion ".

Il est bien entendu illusoire de vouloir trouver dans des référentiels existants des spécificités professionnelles qui sont précisemment encore inexistantes et que ce groupe s'attache à identifier et construire. L'UNAISSE ne prétend pas trouver dans le référentiel des ES la spécificité du travail des accompagnants. Mais il y a des points de convergence très nets. Une différence notable se trouve dans le fait que l'ES est amené à "concevoir, conduire et évaluer les projets personnalisés " tandis que l'accompagnant scolaire coopère à la mise en oeuvre de celui-ci et, avec le soutien de son service, à son évaluation, qu'il relaie au sein des réunions et dans ses écrits professionnels.

Il n'est pas question de construire un référentiel de compétence en piochant par ci par là dans l'existant pour rassembler un certain nombre de traits de plusieurs autres métiers afin d'en construire un nouveau.Vouloir procéder de la sorte, c'est nier le caractère spécifique de la pratique de l'accompagnement (dont nous avons esquissé ici plusieurs aspects). Le travail sur le référentiel doit être un travail de création, pensé en complémentarité des autres professions, et non comme un calque légèrement modifié d'une profession existante. De ce point de vue, la centration sur les métiers d'AMP et d'Auxilaire de vie Sociale est une manoeuvre que nous estimons frauduleuse puisqu'elle vise à restreindre par avance le niveau de formation et de qualification du métier d'accompagnant. Il impose un cadre préétabli qui restreint considérablement les possibilités de création et d'innovation, qui à notre sens ne portent en elle aucune prétention à la concurrence ou à la substitution à des métiers déjà existants. En la matière, il serait bon de proposer d'inverser la charge de la preuve, et de demander à ceux qui s'inquiètent d'éventuelles concurrences professionnelles en quoi le métier d'accompagnant met en danger d'autres métiers[23] - et ainsi nous permettre de comprendre pourquoi tant de participants au groupe de travail souhaitent si ardemment soit qu'il n'existe pas, soit qu'il soit au rabais, "rangé" au niveau V.

Travailler sur la base du référentiel construits par la FNASEPH et sur celui construit par le Collège Coopératif de Bretagne (dans le cadre du programme Respect[24]) nous paraît d'une part plus honnête et d'autre part plus riche puisque ces deux référentiels ont été construits sur plusieurs années et en fonction d'observations et d'analyses d'accompagnants en situation de travail.


[1] L'autonomie d'une personne pouvant être ici rapidement définie comme un processus consistant en la construction des capacités lui permettant de pouvoir se situer dans, se localiser dans et discriminer son propre espace de potentialités - ainsi bien évidemment que les espaces institutionnels dans lesquels elle se trouve accueillie.

[2] et au vue d'une éthique qui considère les personnes handicapées et les personnels qui travaillent avec eux comme des sujets et non comme des objets (au sens psychanalytique du terme).

[3] "Penser leur accompagnement" signifie ici pour l'UNAISSE à la fois avoir les capacités strictement scolaires permettant l'utilisation d'outils professionnels indispensables à une pratique réflexive (comme la lecture et l'écriture) et à un suivi suffisant du niveau scolaire du jeune accompagné, (quand il s'agit de l'école) et avoir accès au cours de leur formation à des connaissances fines et élaborées sur l'histoire des contextes institutionnels et professionnels au sein desquels ils vont être appellés à travailler (de manière sychronisée), histoire incorporée par les professionnels avec lesquels ils vont devoir travailler et histoire dont ils auront également en permanence à se coltiner les effets (notamment en ce qui concerne les relations que ces différentes institutions et ces différents professionnels ont entretenu avec le handicap - ou l'inadaptation, ou avec l'anormatlité) dans leur histoire respective et singulière (qu'on pense par exemple à l'histoire de l'école sur ce sujet).

[4] Il est utile de rappeller que les personnes qui travaillent aux niveaux IV et V sont dans leur immense majorité des personnes appartenant aux classes populaires. Aujourd'hui encore, comme nous l'enseigne les statistiques sur la réussite scolaire, les enfants des classes populaires se trouvent plus que les autres mis en échec à l'école, et investissent ainsi les emplois à faible niveau de formation et de qualification.

[5] Nous rappellons que niveau V correspont à un niveau BEP ou CAP, et que le niveau IV correspond au niveau du baccalauréat. Nous précisons également qu'il n'est pas question pour L'UNAISSE de dénier aux professionnels exerçeant au niveau V la possibilité d'entrer dans le métier d'accompagnant (qui pourrait leur être permis par les dispositifs existants en matière de validation d'acquis - décret de 1985 - et de validation d'acquis de l'expérience - VAE - ) mais bien plutôt de contester le fait qu'il leur soit exclusivement réservées : en effet, qui accepterait, avec une licence ou un master, d'occuper un poste que quiconque vivrait comme un déclassement ?

[6] dont précisément nous souhaiterions qu'il modifie sa conception de ce qui est "ordinaire" et de ce qui ne l'est pas

[7] Il s'agit là d'une simple constatation qui n'engage pas une critique des métiers existants dans le champ du spécial, bien au contraire : ces derniers ont développé des savoirs-faire qu'ils doivent cultiver et conserver.

[8] Il ne s'agit évidemment pas de considérer que les accompagnants ont vocation à se substituer aux autres métiers du spécialisé, ni à dire que les réponses éducatives, souvent pertinentes, que ces derniers ont forgé au cours des dernières décennies, ne doivent pas trouver des conditions de transfert vers le milieu ordinaire. L'UNAISSE considère la création d'un métier d'accompagnant comme un des corollaires d'un mouvement de redéfinition des relations entre le "spécialisé" et "l'ordinaire" en France dont fait aussi partie la question de la coopération entre scolaire et médico-sociale. Il va de soi pour nous d'une part qu'il est inconcevable d'opposer l'une et l'autre de ces problématiques (ou de poser comme condition de réalisation de l'une la non-réalisation de l'autre), et qu'il est absolument nécessaire d'autre part que soient défendues et permises les possibilités de transfert des réponses éducatives propre au "spécial" dans le cadre posé par la loi de 2005.

[9] Cet exemple est donné pour tenter de faire comprendre que, sans ce "savoir-être" permis par la condition d'"initié", certaines professionnalités ne peuvent même pas être mises en oeuvre.

[10] L'expérience italienne nous enseigne et nous rappelle que l'inclusion est bien un processus, long et toujours à penser et à ajuster. Il est important de ne pas tomber dans la tentation bien française du "fétichisme du produit fini" : aucun dispositif, aussi bien pensé sera t-il, ne permettra de "réussir" l'inclusion et de faire l'économie de poursuivre le travail, mais il pourra, selon les termes de Charles Gardou, au moins contribuer à le "mettre en oeuvre".

[11] Et non "collaboer", qui sous-entend une relation hiérarchique, et non complémentaire.

[12] C'est une des multiples déclinaisons du rôle de médiation de l'accompagnant.

[13] Quel choix fera le pouvoir politique : employer plus du monde (moins bien formé, faisant un moins bon travail) pour réduire le chômage, ou employer moins de monde (bien formé, ayant les moyens de répondre aux exigences du métier) mais du coup créer moins d'emplois ?

[14] Les enseignants, qui ont pour des raisons historiques beaucoup de mal à envisager, dans l'espace symbolique de leur classe, une coopération avec un adulte non-subordonné mais habitant des compétences complémentaires des siennes, devront ouvrir la possibilité de penser ces coopérations, aujourd'hui presque impensables: c'est un des enjeux de leur formation à venir en matière de scolarisation des enfants handicapés.

[15] Selon le consensus établi lors du début de ce groupe de travail, ils concernent : les structures de la petite enfance, l'école, le péri-scolaire, le temps de cantine, les centres de loisirs, les lieux culturels, etc.

[16] Nous parlons ici non seulement des métiers de l'accompagnement du secteur de l'aide et du service à la personne, mais également des métiers du médico-social, qui revendiquent eux aussi cette posture professionnelle de l'accompagnement.

[17] Il nous apparaît comme tout à fait contre-productif de défendre des "spécialisations" par type de handicap - tout autant que la création de services idoines. Un tel type de cloisonnement aboutirait de notre point de vue à maintenir ce qui est un des obstacles majeurs à la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005, et desservirait les familles.

[18] Accessibilité et compenstion ne doivent pas, de notre point de vue, être séparés quand il s'agit de réfléchir à la création d'un métier de l'accompagnement. Vouloir les dissocier c'est d'une part participer à "saucissonner" le temps des enfants, là où la loi de 2005 invite à la prise en compte global de l'individu, et d'autre part réfléchir selon des concepts qui sont précisemment des produits même des structures que la loi de 2005 se propose de dépasser. Comment dépasser des oppositions et des traditions historiques en pensant avec des notions qui en sont directement issues ?

[19] Et de ce point de vue que la possibilité pour des familles de recourir à ce type de service ne dépendent pas de l'activité associative des territoires, en d'autres termes que soit réfléchie la question de l'égalité d'accès sur l'ensemble du territoire national.

[20] En considérant bien qu'un processus d'inclusion peut être coûteux en énergie et en remise en cause tout autant pour le milieu accueillant que pour les familles et les personnes en situation de handicap : de part et d'autres, et malgré les volontés, on ne quitte pas si facilement les habitudes acquises et incorporées (parfois à notre corps défendant) de plus d'un siècle de ségrégation institutionnalisée.

[21] Qui ont vocation à se trouver transformés, au fur et à mesure de la succession des générations, par la généralisation de la présence des personnes handicapées dans des lieux dont elles ont jusqu'ici été toujours exclues.

[22] PAUL Maëla (2004) L'accompagnement, une posture professionnelle spécifique. Cette position concerne tout autant la relation à la personne accompagnée que celle au milieu accueillant (professionnel et usager).

[23] Et en quoi un service spécifique met en danger d'autres services ?

[24] http://www.respect2.org/avs.htm

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