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Billet de blog 2 octobre 2025

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Georges Bataille : penser contre la norme

J’ai relu Georges Bataille. Ce penseur honni par une partie de l’intelligentsia française, car il n’a jamais cherché à plaire. Il a pris une autre voie — une voie obscure, dérangeante, mais d’une puissance rare. Une voie qui bouscule les dogmes, les tabous, et les illusions de pureté.

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J’ai relu Georges Bataille. Ce penseur honni par une partie de l’intelligentsia française, car il n’a jamais cherché à plaire. Il a pris une autre voie — une voie obscure, dérangeante, mais d’une puissance rare. Une voie qui bouscule les dogmes, les tabous, et les illusions de pureté.

Bataille a exploré les marges : l’érotisme, le sacré, la mort, la dépense, la barbarie. Il ne s’est jamais contenté de penser dans les limites du raisonnable. Il a voulu vivre la pensée, jusqu’à ses extrêmes. 

Son œuvre La Part maudite est une bombe philosophique. Il y affirme que le surplus de richesses, s’il n’est pas dissipé, mène à la guerre, à la torture, à la pornographie la plus abjecte. Pour lui, toute société produit plus qu’elle ne consomme — et ce surplus doit être sacrifié. C’est la logique du potlatch, des rituels, des fêtes, des offrandes. Détruire pour ne pas être détruit.

Mais Bataille ne s’arrête pas là. Il avance que l’érotisme est une forme de sacré, une transgression des interdits, une expérience limite. Il ose dire que les religions, dans leur mise en scène du sacrifice et de la souffrance, sont parfois les formes les plus pornographiques de la culture humaine. Il ne les condamne pas, il les dévoile.

Bien avant les historiens, il évoque Gilles de Rais, compagnon de Jeanne d’Arc, qu’il décrit comme l’un des pires criminels enfantés par les structures religieuses. Un pédophile meurtrier, responsable de la mort de plus de 130 enfants. Bataille ne cherche pas à choquer : il cherche à comprendre l’horreur.

Et puis il y a cette image étrange, presque mystique : retourner à l’état d’éponge après la mort. Une vision difficile à admettre, mais d’une beauté radicale. L’éponge, c’est ce qui absorbe, ce qui se fond, ce qui n’a plus de forme propre. C’est l’anti-moi, l’anti-ego. Une dissolution dans le monde.

Bataille ne propose pas une philosophie du confort. Il propose une pensée du vertige. Une pensée qui oblige à regarder en face ce que nous refusons : le sexe, la mort, la violence, le sacré, le gaspillage, la folie.

Et si c’était là, justement, que se cachait notre vérité ? L’érotisme selon Bataille c’est transgresser pour exister

Georges Bataille ne parle pas d’érotisme comme d’un simple plaisir charnel. Il en fait une expérience philosophique, une mise en danger de soi, une transgression du sacré. L’érotisme, chez lui, n’est jamais léger : il est grave, brûlant, vertigineux.

Pourquoi ? Parce que l’érotisme touche à la mort. À chaque acte sexuel, il y a une suspension des règles, une perte de contrôle, une dissolution du moi. C’est une forme de sacré, mais un sacré profané, incarné, vécu dans la chair.

Bataille écrit : « L’érotisme est l’approbation de la vie jusque dans la mort. »  

Cette phrase dit tout. L’érotisme est une célébration de la vie, mais une vie qui accepte sa fin, qui flirte avec l’abîme.

Il oppose l’érotisme à la morale bourgeoise, à la religion qui veut tout contrôler, tout purifier. Pour lui, les interdits sexuels ne sont pas des barrières : ce sont des portes. Les franchir, c’est accéder à une vérité plus profonde, plus animale, plus sacrée.

Et c’est là que Bataille dérange. Il ne veut pas que nous soyons sages. Il veut que nous soyons lucides. Que nous regardions en face ce qui nous fait peur : le sexe, le sang, la mort, le sacré, le néant.

L’érotisme, chez Bataille, n’est pas une distraction. C’est une expérience intérieure. Une manière de se perdre pour mieux se retrouver. Une manière de dire : je suis vivant, donc je suis mortel, donc je suis libre.

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