L’extrême droite française ne se résume pas à un seul parti ni à une seule idéologie. Elle se déploie en trois courants distincts, chacun avec ses mythes, ses héros, sa vision du monde. Du néo-féodalisme électoral au régionalisme mystique, jusqu’au délire identitaire le plus brutal, ces trois visages dessinent une cartographie inquiétante des passions politiques qui traversent la France.
L’extrême droite française ne forme pas un bloc homogène. Elle se divise en trois courants distincts, chacun porteur d’un imaginaire politique, d’un rapport au passé, à la nation, à la religion, et à la violence. Trois récits, trois ambitions, trois menaces.
Le néo-féodalisme du Rassemblement National
Le premier courant, incarné par le Rassemblement National, repose sur une logique de prise de pouvoir par les urnes pour instaurer un ordre néo-féodal. Il s’agit de remettre les rênes de la société entre les mains des puissants, des patrons, des notables, dans une vision hiérarchique où l’Église joue le rôle de gardienne des valeurs traditionnelles. Ce modèle rappelle, dans son fantasme d’un ordre autoritaire et enraciné, le projet que les nazis rêvaient d’implanter en Bourgogne : une société de seigneurs, de castes, de soumission.
Le régionalisme mythologique de De Villiers
Le second courant, plus romantique, est porté par Philippe de Villiers et son univers vendéen. Il s’appuie sur une mythologie agraire exaltant le feu, la forge, les terroirs et les traditions. C’est une France des régions, des rites anciens, des anguilles grillées en Vendée, du porc fumé dans les cheminées savoyardes. Une France où les enfants se taisent à table, c’est « le mignonnage* ». Les héros sont Roland, les Vikings, les chevaliers. L’Église y devient phalange, bras armé du régime, garante d’un ordre sacré et viril.
Le délire identitaire de Reconquête
Enfin, le troisième courant, le plus radical, est celui d’Éric Zemmour et de Reconquête. Ici, la France est décrite comme un corps en décomposition, menacé de mort par l’Autre, l’étranger, l’islam. Le discours est paranoïaque, violent, apocalyptique. Le héros n’est plus Roland, mais Pétain, Brasillach, Raspail *. L’Église n’est plus gardienne ni phalange, elle est conquérante : elle doit vaincre, soumettre, purifier. Ce courant flirte avec les pulsions les plus sombres de l’histoire française, celles des années 30, celles de la collaboration.
L'ensemble forme un bloc qui se fracassera sur les réalités.
* Ph Meyer: l'enfant et la raison d'état, édit le Seuil.
* Raspail : le camp des saints.