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J’ai quitté ma langue, mes lettres classiques, mes bois, ma maison, mes livres. Il reste la chaise vide.Elle rappelle chaque jour que le père n’est plus.Nuit et brouillard, nom oublié, mémoire volontairement trouée. Meknès ! spécialité du payes : la tajine aux châtaignes. Tout s’achète, tout se marchande, tout se vend dans ce tohu-bohu 24h sur 24. Chicago en plus petit, cette ville triste, pourrie comme un slogan politique, comme le fou de Trump.Briques fatiguées.Rues défoncées.Fils électriques qui s’entassent sur les murs.Un décor pire que certains pays d’Afrique.Voilà ce qu’est Chicago.
Meknès n’est pas le Maroc que j’aime. Ce Maroc de l’avenir, c’est la guerre, l’empoisonnement collectif, la famine, les mégapoles pleines de pauvres, de rats et de prétention. Meknés en prend la route. Le monde bout pour du métal.La laideur, la paupérisation comme unique horizon. Faire moderne, c'est salir, polluer, déformer, rendre grotesque. L’IA détruit des millions d’emplois.Des loups de vingt ans deviennent milliardaires en proposant à des grosses sociétés comment se passer du personnel de bureau. L’IA fait tout maintenant. Allah est grand…..
Hier, nous avons campé sur un terrain vague qui attend ses HLM , ses piscines, des casinos. Deux ânes en liberté.Peut-être que le propriétaire buvait son thé brûlant au café.Nous avons donné des peaux de melon aux bourricots.Karim a fait du feu à même le sol. Deux femmes en voiles nous ont fait de grands sourires. Pour elles, c'est nous " le charme des baudets". J’ai préparé une omelette berbère de huit oeufs: poivrons, tomates, oignons le tout, frit à l'huile d'olive. Nous avons mangé en silence.Un melon chacun.Festin de fortune.Résistance au vacarme du monde. Nous avons dégusté en silence, chacun notre melon.
Et dans ce festin de fortune, j’ai compris: ce n’est pas le monde qui nous nourrit,c’est notre obstination à lui survivre. »
Mektoub.
Ps: Meknés le 05/12:2025
Karim, Mustapha.
Photo : Carol 2005 Agadir Maroc.