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Il y a quarante-neuf ans, ma rivière est morte. Pollutions agricoles. Plomb. Plus une truite. Plus un vairon. Plus une écrevisse. Silence liquide. J’avais treize ans .À l'école, j’ai écrit cette histoire sous le titre: la rivière assassinée. Le maître publiait chaque année un petit journal, vendu un franc. J’ai eu la meilleure note. Mais il m’a dit : « Je ne peux pas mettre ta rédaction dans le journal, tu aurais tout le monde sur le dos. » J'étais déjà un terroriste. Aujourd’hui j’ai soixante-douze ans. Rien n’a changé. Sauf une chose :on commence à mesurer les dangers de toutes ces pollutions pour l'homme.
Ce drame était connu de longue date car, dès les années 1970, les scientifiques, les pêcheurs et même certains écrivains alertaient déjà sur la pollution massive des rivières françaises, notamment par les rejets agricoles et le plomb. On savait déjà dans les années 1970, l'état déplorable des rivières . Les rapports environnementaux de l’époque constataient que la qualité des cours d’eau en France était gravement dégradée. Les pesticides, engrais et métaux lourds (dont le plomb) étaient identifiés comme responsables de la disparition de la faune aquatique. Le plomb est un ancien poison connu. Des études historiques montrent que le cycle du plomb en France est documenté depuis le XIXe siècle. Dans les années 1970, on savait déjà que ce métal lourd s’accumulait dans les sols et les eaux, avec des effets toxiques sur les organismes vivants. Les pêcheurs doit moi, étaient en première ligne. Les plaintes des pêcheurs, confrontés à la disparition des truites, vairons et écrevisses, ont été parmi les premières alertes. Mais ces voix locales étaient souvent étouffées ou relativisées par les autorités, qui préféraient s’appuyer sur des chiffres officiels pour minimiser les contestations. Un simple écrivain pêcheur comme René Fallet avait prévenu aussi. On connait de lui, la soupe aux choux.
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Des intellectuels et militants ont averti le début dès les années 1970, certains essais et pamphlets parlaient déjà de la « société de pollution », dénonçant l’aveuglement collectif et l’absence de régulation efficace. Cela révèle que la connaissance était là, mais pas la reconnaissance. Les faits étaient connus, mesurés, dénoncés. Pourtant, les institutions scolaires, politiques et médiatiques refusaient de donner voix à ces constats, par peur de « se mettre tout le monde sur le dos », comme mon instituteur l’avait dit.Un demi-siècle de silence. Ce qui était déjà visible il y à 50 ans, une rivière assassinée, n’a été admis publiquement qu’aujourd’hui, quand les preuves accumulées ne peuvent plus être ignorées.
La rivière est morte à jamais, la vase étouffe tout.