Quand j’étais gosse, chez nous, y’avait que des vaches, des moutons et des oies. Comme on n’avait pas la télé, le soir, on regardait le feu de cheminée et on faisait des crêpes . On grillait aussi des châtaignes avec une poêle à long manche. On mettait de la gelée de pomme sur tout notre « frichti », comme on appelait ça, que la grand-mère nous faisait, et c’était notre repas pour la nuit. Un peu comme dans l’Himalaya, à part que là-bas, ils ont pas des vaches, mais des lamas. Même que les Parisiens appellent ça de la culture, ça relève de l’anthropologie ou un truc comme ça.
Et puis petit à petit, y’a eu des voitures. La première, c’était une DS 21 blanche de l’épicier. Un gars qui avait une télé dans son bar et plein de maîtresses. Forcément, quand on a une auto et un téléviseur, on devient tout de suite l’homme à s’accaparer. Sa femme s’en foutait complètement, vu qu’elle n’aimait que les fleurs dans les vases. Comme quoi, c’était un drôle de pays et de drôles de gens. C’est à partir de ce jour qu’il a fallu faire attention sur les routes, car l’épicier roulait comme un fou au volant de sa Citroën. La grand-mère disait : il finira par en éboiler un.
Éboiler, ça voulait dire écraser, alors à chaque fois qu’on sortait, la grand-mère répétait, comme le curé à la messe : « Attention de pas vous faire éboiler, marchez bien dans le fossé. » Des fossés, y’en avait plein chez nous. Des petits, des grands, y’en avait tellement qu’il y avait même une route qui portait leur nom : route des Grands Fossés.
Alors, en attendant de se faire éboiler par l’épicier, on courait les fossés. Plus tard, on à couru les filles du voisin qui s’en moquait comme de sa première femme vu que c’était un divorcé. Il se disait que si on les mariait ses filles ça ferait toujours ça de moins à nourrir. Il faut dire qu’en Normandie, les filles ça comptait pas. Plus vite qu’elles s’en allaient, plus vite que les familles étaient contentes. Une soupe c'est une soupe, un choux c'est un choux. Mon frère en à marié une, il était drôlement content. Il ont eu deux beaux enfants qui serviront " au grand remplacement ".
Vous me lisez encore ? Y’à pas à dire, vous avez du souffle..😀
Ps : moi plus tard, je me suis marié avec une corse vu que j'avais immigré pour un an sur cette île " des grands bandits". Mais c'est une autre histoire.