Sarkosy, accusé d’attentats, de détournements de millions, de tricherie à une présidentielle, va quitter sa cellule après seulement vingt jours d’incarcération.François, lui, avait 22 ans. Je l’avais ramassé un matin, mort de froid, dans ma voiture. Il sortait de six mois de prison à Caen pour avoir été contrôlé avec 200 grammes de haschich qu’il comptait revendre à la sauvette. Aujourd’hui, François est devenu chauffeur. Il s’en est sorti. Mais Sarkosy ? Rien n’est moins sûr.
François savait ce qu’il risquait. Sarkosy, lui, doutait encore. On ne sort jamais indemne d’une incarcération, aussi courte soit-elle. Un prêtre écrivait : des jeunes y entrent, des fauves en sortent. C’est pareil pour Sarkosy. Sauf que le fauve, cette fois, n’a plus ni griffes ni dents.François avait changé. Il avait appris à se taire, à observer, à se méfier. Il avait compris que la liberté ne se gagne pas, elle se mérite chaque jour, dans les petits gestes, dans les regards qu’on évite, dans les tentations qu’on repousse. Il avait payé pour 200 grammes. C’était cher, mais c’était juste.Sarkosy, lui, n’a rien appris. Il est sorti comme il est entré : entouré, protégé, maquillé par les médias. Il n’a pas eu besoin de se méfier, on l’a préservé. Il n’a pas eu besoin de se taire, on l’a écouté. Il n’a pas eu besoin de changer, on l’a excusé.
François a connu la cellule froide, les cris dans la nuit, les matons qui ne regardent pas dans les yeux. Sarkosy a connu le confort discret, les visites bienveillantes, les murmures de ceux qui disent : “C’est un homme d’État, il faut le respecter.”Mais la prison ne respecte personne. Elle broie, elle transforme, elle révèle. Et parfois, elle démasque.François est devenu un homme " brisé" même s’il le cachera, Sarkosy aussi..
On ne sort pas indemne d'une incarcération. Il a perdu plus que du temps : il a perdu l’illusion de l’impunité. Il a vu les murs, entendu les verrous, senti l’odeur de l’humiliation. Même si les dorures l’ont suivi, même si les avocats ont veillé, il a goûté à ce que les autres vivent en silence. Et ça laisse des traces.Mais ce n’est pas que lui. C’est le pouvoir politique qui en sort affaibli, dénudé, presque grotesque. Chaque jour d’incarcération de Sarkosy était une gifle pour ceux qui croient encore à la grandeur républicaine. Chaque minute passée derrière les barreaux rappelait que les costumes trois pièces peuvent cacher des mains sales.
La République, elle aussi, a pris un coup. Pas parce qu’elle a puni un ancien président, mais parce qu’elle l’a puni trop tard, trop peu, trop mollement. Et dans ce trop peu, il y a tout le malaise d’un pays qui ne sait plus si ses élites sont des serviteurs ou des prédateurs.
François, lui, n’a jamais eu le choix. Sarkosy, lui, a toujours eu les options. Et pourtant, c’est François qui s’est relevé. C’est François qui a reconstruit. Le pouvoir, lui, vacille encore, incapable de se regarder dans un miroir.
Ps : le billet sur François est dans les archives du journal ( dans mon blog)