74 % des Français ne veulent pas de son retour. Ce chiffre, brut, dit tout. Mais il ne dit pas pourquoi. Car le rejet n’est pas seulement politique, il est mythologique. Sarkozy n’est plus un homme d’État, c’est un minable: il est devenu un symptôme. Bolloré le sait. Sa presse, en manque de souffle, recycle des scènes anodines : un déjeuner avec Carla, une sortie d’école avec sa fille, quelques photos volées. On souligne qu’il a maigri, comme si le corps pouvait encore sauver l’image. Mais le mythe est crevé. L’épopée est finie. Le héros est descendu de l’Olympe, et il n’y a pas de retour possible.
Il sent le soufre. Et le soufre, ça ne s’oublie pas. Ça imprègne les récits, ça altère le vin, ça fait fuir les fidèles. La politique, comme la religion, repose sur des odeurs : celle de la sainteté ou celle de la corruption. Sarkozy, jadis adulé, est désormais contaminé. Et dans ce théâtre des passions, le public réclame un nouveau messie.
Bardella entre en scène. Jeune, lisse, vierge de scandales. Il incarne le fils qui tue le père pour exister. C’est le grand récit oedipien : l’enfant doit renverser l’autorité pour devenir sujet. La politique française rejoue sans cesse cette tragédie. Chirac contre Mitterrand. Sarkozy contre Chirac. Bardella contre Philippe. Le cycle est infini.Mais les journalistes, eux, ne voient souvent que la surface. Ils traquent les faits, ignorent les fantasmes. Ils fouillent les comptes, mais pas les inconscients. Ils dénoncent les mensonges, mais ne déchiffrent pas les lapsus. Ils veulent des preuves, alors que le pouvoir se joue dans les pulsions. Ils ratent l’essentiel : le désir.
Car le politique est d’abord une affaire de transfert. On projette sur le chef nos peurs, nos espoirs, nos haines. On le sacre, on le crucifie, on le remplace. Et tout cela n’a rien de rationnel. C’est archaïque, tribal, psychanalytique. La démocratie est un rituel de substitution. On tue un dieu pour en adorer un autre. Derrière chaque vote, il y a une névrose. Derrière chaque slogan, un fantasme. Derrière chaque chute, un désir de purification. La psychanalyse ne donne pas des réponses politiques, mais elle révèle les soubassements. Elle éclaire les ténèbres. Elle dit : “Dis-moi ce que tu penses, je te dirai qui tu haïs.
La scène politique française ne se comprend plus à la seule lumière des faits. Les sondages, les stratégies, les alliances ne suffisent pas à expliquer les effondrements soudains, les emballements collectifs, les transferts de ferveur. Il faut revenir à la psychanalyse, non pas comme une grille rigide, mais comme une lanterne dans les coulisses du pouvoir. On comprendrait mieux l’extrême droite.
**Eyquesier: un vieil ami, ( psychiatrie en Italie);