
Je promenais encore ma carcasse d'étranger dans un bled au Sénégal lorsque mon estomac sonna l'heure. Un taxi façon mercedes-peugeot-toyota dont la tôle percée laissait voir la route me jeta dans une petite ville-brousse dont j'ai d'ailleurs oublié le nom.
- ici, il y a une grande boutique pour les toubabs, ( les blancs ), tu trouveras à manger me dit le chauffeur dans un éternel sourire.
Je lui payais ce que je devais et sortis du véhicule sous un soleil de plomb. Il y avait en effet une sorte de superette Africaine qui avait ma foi belle allure. Un grand noir tout sec lisait un gros bouquin sur un escalier devant la porte de la boutique.
Je lui lançe un bonjour qu'il me rend afin de commencer un dialogue sympa, et je lui demande ce qu'il lit.
- C'est un livre d'histoire qui relate l'histoire de l'édit de Nantes.
?????
L'édit de Nantes est un édit de tolérance promulgué en avril 1598 par le roi de France Henri IV [1], pour mettre fin aux guerres de Religion qui ravageaient le royaume de France depuis 1562.
Pour le coup le truc est aussi chaud que le soleil de la Sibérie. Curieux paradoxe en ce lieu.
- Et ça vous plaît comme lecture ?
- Ça me plaît énormément me répondit-il d'un air las façon aussi de me dire : si tu savais comme tu me gonfles avec tes questions à con.
J'entrais dans la boutique, il y avait pas mal de choses, dont des boites de conserves. Tout ce qu'il me fallait sur la route, je vais au plus rapide et rationnel.
J'achetais aussi un paquet de bonbons,( les petits noirs sont comme les petits Français : ils raffolent de ces saletés qui font des trous dans les dents).
Je réglais ce que je devais et c'est-à-dire une misère, et lui posais une dernière question.
- Et ça vous apporte quoi de lire l'histoire de France ici, pratiquement en pleine brousse ?
Il leva les yeux et me répondit laconiquement , ( ce qui voulait dire que lorsque l'on a rien compris à la vie on la ferme ) -
- Ça m'apporte deux choses : du bonheur et du dépaysement.
J'avoue qu'à l'époque je n'avais pas compris " le pied de nez " maintenant, j'ai compris le message même si j'éprouve encore des difficultés pour accepter cette vraie sagesse. Comme disait l'abbé : - on peut être un homme d'église et être un insurgé .