Et c’est parce qu’une large parti peuple était devenus incompétents qu’il fallait voter pour eux.L’ incompétence n’est pas un diagnostic. C’est une arme. Une invention politique. Un mot qui a remplacé tous les autres insultes de classe. Pendant des décennies, on traitait les pauvres de sales, d’alcooliques, de paresseux, de débauchés. C’était brutal, mais c’était clair. Puis la modernité managériale est arrivée avec ses évaluations, ses tableaux de bord, ses graphes, ses arbres de décisions. Et elle a trouvé mieux.Elle a trouvé l’incompétence.
D’un coup, le chômeur n’était plus victime d’un marché du travail saturé, mais d’un manque de compétences. L’ouvrier n’était plus broyé par la désindustrialisation, mais par son incapacité à s’adapter. L’employée n’était plus exploitée, mais pas assez formée .Le RSA n’était plus un filet de survie, mais la preuve d’un déficit personnel. La violence symbolique a changé de costume. Elle s’est mise en costume-cravate. Elle a pris la voix douce des experts.Elle a adopté le ton neutre des technocrates.Et elle a dit :« Si vous êtes pauvres, c’est que vous êtes incompétents. »
Et le plus fort, le plus pervers, c’est la suite :« Puisque vous êtes incompétents, laissez-nous gouverner à votre place. ». C’est le coup de génie du discours bourgeois contemporain :transformer la domination en compétence, transformer la dépossession en expertise, transformer le peuple en problème. Bourdieu l’avait vu venir. Il avait montré comment les dominants imposent leurs catégories, leurs mots, leurs évidences, ( Woke, islamo-gauchiste et autres " néologismes " à la tartanpion des " philosophes" de Cnews). Voilà comment ils fabriquent du consentement en fabriquant de l’auto-dépréciation.Comment ils transforment la souffrance sociale en faute individuelle. Aujourd’hui, ce discours est partout. Dans les plateaux télé. Dans les cabinets ministériels. Dans les open spaces. Dans les discours patronaux .Dans les réformes du chômage, de l’école, du travail, du RSA. L’incompétence est devenue la nouvelle morale .La nouvelle hygiène. La nouvelle frontière entre les bons citoyens et les autres .
Ps: on lire avec profit contre-feux de P.Bourdieu, ( ouvrage très facile, une arme pour tout le monde).