Mediapart, lui, me rend heureux, mais ça, c’est un bonheur que j’ai choisi.Le reste, c’est du bonheur administré, du bonheur sous perfusion, du bonheur obligatoire. On connaît la chanson. Certains responsables politiques comme Balladur, dans l’histoire récente, ont souvent présenté leurs décisions comme des voies vers un avenir radieux, même lorsque ces décisions suscitaient de fortes critiques comme les coupures d’eau et d’électricité, la fin des loyers de 48.
Des dirigeants ont parfois affirmé que leurs politiques apporteraient un mieux-être général, même lorsque des pans entiers de la population exprimaient un profond désaccord. D’autres, dans des livres ou des discours, ont expliqué que la prospérité était à portée de main, que chacun finirait par accéder à la propriété, que le bonheur était une question de patience, de discipline, ou de confiance dans la trajectoire nationale, ce fut le cas de Giscard dans son torchon: deux français sur trois. Trump malgré une opposition de plus de 52 % des américains hurle que sa politique apporte un merveilleux bonheur, et que le peuple n’à encore rien vu. On en suffoque.
Et puis il y a ces visites officielles dans des territoires comme Mayotte frappés par des catastrophes naturelles ou des crises structurelles, où Macron péremptoire invite les habitants à garder espoir, à rester confiants , à voir le positif , alors même que les infrastructures manquent, que l’eau se fait rare, que les services publics s’effritent. Qu’ils ne viennent surtout pas se plaindre de faire parti d’un grand pays comme la France. Les Canaques aussi doivent la fermer. Sans la France, ils ne pourraient même pas avoir le RSA. Quelle indignité que ces îliens à qui la France donne tout. Le bonheur, toujours le bonheur que cela en est presque une malédiction.
Comme si le simple fait d’y croire suffisait à remplir les frigos, réparer les routes, ou faire jaillir l’eau potable des sols ravagés par des ouragans. Alors je pose la seule question qui vaille :qu’allons-nous faire de tout ce bonheur qu’on nous distribue sans nous demander notre avis ? Soyons heureux de ne pas être malades. Soyons heureux de ne pas être en panne en voiture .Soyons heureux de manger une nourriture douteuse mais encore accessible. Soyons heureux de survivre, puisque survivre est déjà un privilège.
Et pendant qu’on nous explique comment être heureux, certains responsables politiques, eux, se retrouvent confrontés à la justice. Les affaires, les condamnations, les mises en examen… Tout cela fait partie du paysage public, et certains observateurs y voient une forme de soulagement ou de satisfaction morale. Ce bonheur-là, celui de voir la justice faire son travail, Fillon condamné, Sarkosy en prison, de Rugy privé de Homard, Perdriau derrière les barreaux, Dati enfin perquisitionnée n’a rien d’un programme gouvernemental. Il ne remplit pas le réservoir d’essence.
Il ne paie pas les factures. Mais il existe. Et pour beaucoup, il est réel. Moi, ce bonheur-là, je le dois à Mediapart, et à personne d’autre.
Ps: grâce à mes pilules blanches, jaunes, oranges, ma piqure tous les 15 jours, mes reins sont sains, mon coeur bat à 74, ma tension est de 13/8. Je peux marcher, pêcher, rouler en voiture dans le désert, voir des oasis, escalader des dunes. Que c'est beau la Mauritanie, et c'est ça mon grand bonheur du moment.