
Note d’intention
Ce texte est une chronique urbaine, un coup de gueule contre l’indifférence et le mépris social. Il s’inscrit dans une démarche personnelle, à mi-chemin entre observation brute et engagement viscéral. Loin des discours aseptisés, il donne voix à ceux qu’on ignore, qu’on juge, qu’on efface, les “sales pauvres” du quotidien. Le style est volontairement direct, parfois cru, pour refléter la violence symbolique que subissent les plus précaires. Il ne cherche pas à convaincre par des chiffres, mais par le vécu, l’instant, le regard. C’est une parole de trottoir, une parole de colère, une parole de tendresse aussi.
Devant le Lidl près de chez moi, il y a toujours un ou deux pauvres. Un habitué, assis sur un tabouret, son vieux chien à ses pieds. Et un jeune, tatoué de partout, percé comme une poêle à châtaignes
Le vieux, je pense que c’est un alcoolique dépressif qui se soigne à la bière. J’ai connu un type comme ça dans ma jeunesse. Comme ce "clochard" aime la bière, parfois je lui en achète une à 49 centimes. Un geste. Un peu de chaleur.
L’autre jour, une vieille passe devant lui et lui balance :
— T’as qu’à travailler fainéant.
Pas de chance, j’étais là.
— Et si tu allais te faire foutre au lieu de cracher ta haine ? que je lui lance, sûr de moi, un peu en colère, je l’avoue.
Elle a filé sans demander son reste. Affreux, sales et méchants, comme dans le film de Ettore Scola.
Un autre, sur l’autoroute, avait profité d’une discussion pour nous servir les salades de Sarkozy :
— Tous les chômeurs sont des fainéants qui coûtent cher à l’État, et qui ne veulent pas bosser.
Je lui avais rappelé que son Sarkosy était ce qui se fait de pire en matière de vol et de délinquance. Lui aussi avait déguerpi comme son malpropre d’ex président mis sous bracelet. Je n’aime pas la pauvreté mais, pire encore ceux qui s’en moque, ou qui s’en servent pour avancer leurs tristes économies.
Si vous êtes pauvres, surtout ne le dites pas. Des bien-pensants, enfermés dans leurs appartements pollués, vous susurreront que la pauvreté, c’est pénible. Si ce n’était pas si dramatique, ce serait presque comique. Encore des gens qui veulent changer le monde comme Calvin… en déféquant.
On ne devient pas pauvre par choix. On le devient par glissement, par fatigue, par accident, par abandon. Et pourtant, dans ce pays qui se targue de fraternité, les pauvres sont les seuls qu’on peut encore insulter à voix haute sans que personne ne s’en offusque. Ils sont là, sur nos trottoirs, dans nos files d’attente, dans nos silences. Invisibles quand on ne veut pas les voir, trop visibles quand ils dérangent. Et pendant que certains défèquent leurs opinions, d’autres survivent, dignes, malgré tout.