L’affaire libyenne ? Elle glisse. Comme Gaza, comme l’Ukraine. Trop loin, trop complexe, trop sanglant. Les esprits ne sont pas formés à ça. On ne leur a pas appris à penser en géopolitique, en corruption transnationale, en cynisme d’État. Par contre, l’affaire Fillon, l’affaire Le Pen, celles-là, oui, elles sont comprises. Elles parlent d’emplois fictifs, de costumes, de valises. Du concret. Du digestible. Et pourtant, Le Pen fait encore des scores abominables. C’est là que tout se joue, ( le paradoxe des mal-connaissants).
Ces gens refusent d’être jugés. Ils refusent même d’être regardés. Ils ne contestent pas vraiment les faits : ils contestent le droit d’être inquiétés. En accusant la justice, Sarkozy et les autres se proclament intouchables. Ils ne disent pas je suis innocent , ils disent « vous n’avez pas le droit de me juger ». Et le peuple, hébété, ne mesure pas la gravité de cette inversion.
Nous oublions trop vite. Nous oublions que ces gens ont conquis le monopole du mensonge légitime. Ils mentent avec autorité, avec style, avec impunité. Ils mentent comme on gouverne. Voltaire l’avait déjà compris : « Quoi qu’on en dise, vous aurez toujours raison. » Balzac, dans La Duchesse de Langeais, le formule autrement : « Un simple commissaire de police ne saurait avoir raison face à des gens de notre rang. » Le roman s’intitule Touche pas à la hache. Tout est dit.
Et nous, nous regardons la hache, fascinés, sans jamais oser la toucher. C’est ça le paradoxe pénal des puissants.
Ils veulent mettre tout le monde en prison. Les jeunes, les pauvres, les militants, les étrangers, les chômeurs, les décrocheurs, les fainéants, les gilets jaunes, les zadistes, les syndicalistes, les écologistes, les squatteurs, les tagueurs, les voleurs de pain, les voleurs d’air.
Mais dès que la justice ose se pencher sur leurs propres affaire, financement occulte, détournements, favoritisme, corruption, mensonge d’État, ils hurlent. Ils crient au complot, à l’acharnement, à la persécution. Ils veulent des juges aux ordres, des procureurs couchés, des lois sur mesure.
Non seulement ils contestent pas les faits. Ils contestent le droit d’être jugés, c'est aussi ici que le drame se joue.
Par contre, tous leurs sponsors ( Bolloré, Allianz, Accor ), ne feront pas la loi, ne diront pas le sens, et ça ils le savent aussi maintenant , mais il faut laisser du temps au temps. Les gens ne sont pas forcément idiots, ils connaissent maintenant ce que veut dire rapport de force, ils peuvent toujours baver. Autre paradoxe : les français sont las de tous ces voleurs, ces magouilleurs, c’est aussi ici que gît la violence de tous ces élu.es car rien ne change.
Ps: la justice ne se rendra pas. Il en va de son honneur, de sa crédibilité, mais aussi de sa vie....( un monde organisé ne peut pas vivre sans justice, y compris pour tous ces mafieux ).
Addendum: Mediapart trouve aussi de nombreux défenseurs dans la presse libre. J'ai presque qu'envie de dire qu'il en va de " l'honneur" et de la crédibilité du métier. Encouragements !